Raid "Doolittle"
19 avril 1942, minuit
A court d'essence, la plupart des aviateurs américains ont donc évacué leur B-25 en parachute alors que quelques-uns ont tenté l'atterrissage forcé. Mais, dans un cas comme dans l'autre, le contact avec la terre chinoise ne s'est pas effectué sans casse.
Le 02270 "Whisky Pete" compte un tué et un blessé grave; deux membres du 02298 "The Green Hornet" se sont noyés; à l'exception du mitrailleur, tous les occupants du 02261 "The Ruptured Duck" sont blessés (son pilote, et futur auteur de "30 seconds over Tokyo", le lieutenant Lawson, devra bientôt être amputé de la jambe gauche); le copilote du 02240 "Hari Kari-Er" a une rotule brisée, et le mitrailleur du 02278 "Fickle Finger" un pied cassé.
Et même ceux qui ont la chance de s'en sortir sains et saufs, à commencer par Doolittle lui-même, errent à présent dans le noir, épuisés et se sachant non seulement séparés les uns des autres par plusieurs dizaines de kilomètres, mais également piégés en plein territoire ennemi avec rien, si ce n'est parfois un simple pistolet, pour se défendre.
Mais les plus à plaindre - comme nous allons le voir - sont cependant ceux qui vont tomber entre les mains des Japonais dans les heures qui viennent, à savoir les trois survivants du "Green Hornet" et les cinq membres d"équipage du 02268 "Bat Out of Hell" au nom décidément maudit (1)
(1) rappelons que cet avion avait déjà sectionné le bras d'un marin lors de son décollage du Hornet
Recueillis par des villageois, soignés tant bien que mal, régulièrement transférés d'un endroit à un autre par les soldats ou les sympathisants du Kuomintang (1), les aviateurs américains vont, pendant des semaines, jouer à cache-cache avec l'armée japonaise qui, bien décidée à venger l'affront, déploie tous les moyens possibles pour les retrouver et les arrêter.
Et les Japonais sont si ulcérés qu'ils vont rapidement déclencher une véritable offensive militaire dans les provinces du Zhejiang et du Jiangxi.
Officiellement, il s'agit de mettre la main sur les "bandits américains" qui y ont atterri. Mais il s'agit surtout d'empêcher les Chinois de leur porter assistance, de les punir lorsqu'ils l'ont fait (ou qu'on les suspecte de l'avoir fait),... et de les dissuader à tout jamais de venir à nouveau en aide à des aviateurs alliés en détresse.
Des villages, et même des villes entières, vont ainsi être rasés, et des dizaines de milliers de civils massacrés, au cours de cette opération qui, pourtant, ne se refermera que sur le vide : les Doolittle Boys réussissant non seulement à échapper à la traque, mais même à se regrouper et, finalement, à quitter le pays par avions.
Car la Chine est immense, et les soldats japonais jamais assez nombreux pour ce pays que Tokyo tente en vain de conquérir depuis une décennie.
Lorsqu'ils se retireront, fin août, ce sera après avoir répandu, en guise de souvenir, force bacilles du choléra ou de la peste, généreusement fournis par la tristement célèbre Unité 731 de guerre bactériologique (2)
Après-guerre, on estimera à environ 250 000 - le chiffre est hallucinant ! - le nombre de civils chinois qui auront fait les frais de ces quatre mois de campagne (3)
250 000 "victimes collatérales" du Raid sur Tokyo...
(1) fondé par Sun Yat-Sen en 1912, le Kuomintang, ou "parti nationaliste chinois", était le parti du généralissime Chiang Kaï-Chek
(2) Saviez-vous que... 393-394
(3) de même, on estime à environ 10 millions le nombre de civils chinois tués par l'armée japonaise entre 1931 et 1945