Article de V2
La plage de la mort.... Omaha Beach !
Longue de huit kilomètres, la zone de débarquement s'étendait sur la côte occidentale du Calvados, depuis Sainte-Honorine-des-Pertes à l'est jusqu'à Vierville-sur-Mer à l'ouest, sur la rive droite de l'estuaire de la Douve. L'objectif à Omaha était de s'emparer et, ensuite, de tenir une tête de pont de huit kilomètres de profondeur entre Port-en-Bessin et la Vire et, dès que possible, de faire la jonction à l'est avec les Britanniques et à l'ouest avec le VII Corps américain débarqué à Utah Beach afin d'établir une tête de pont continue sur la côte normande
La prise d'Omaha était de la responsabilité du commandement américain,placée sous les ordres du général Omar Bradley, et du Major Général Huebner pour la partie opérationnelle ; avec des troupes de l'US Army et des transports maritimes fournis par l'US Navy et des éléments de la Royal Navy.
La section du mur de l’Atlantique face aux assaillants était défendue par environ 2 000 hommes provenant de deux divisions d'infanterie allemande : la 716e et la 352e. De multiples obstacles avaient été installés sur la plage pour interdire tout débarquement. Ces obstacles étaient sous le feu de positions fortifiées construites sur le talus et la crête et équipées de mitrailleuses ainsi que de canons. On y trouvait aussi des observateurs d’artillerie chargés d’ajuster les tirs de batteries déployées plus dans la profondeur.
Tourelle de char sur un tobrouk.
Plan des obstacles.
Plan de répartitions des équipes d'assauts américaines.
Batterie dans les terres.
Le 6 juin à l’aube, après un bombardement aérien et naval ( complètement à coté, contrairement aux autres plages.) des Alliés sur les positions allemandes, la 1re division américaine (« la Big Red One », une unité expérimentée) renforcée par un régiment de la 29e division (qui lui n'avait encore jamais combattu) débarqua sur cette plage. Le débarquement de la première vague eut lieu trois heures avant la marée haute. Ceci était indispensable pour ne pas jeter les barges de débarquement sur les obstacles situés en haut de l’estran et donner le temps aux équipes combinées du génie, de la marine et de l'infanterie spécialement constituées et arrivées avec les premières troupes débarqués, de les détruire et de dégager des chenaux pour permettre l’approche des forces suivantes et de barges plus grandes.
Chaque régiment était renforcé d’un bataillon de chars. Des chars, dont certains amphibies, devaient arriver avec l’infanterie et le génie lors de la première vague d'assaut.
Sherman DD avec jupe abaissée.
Conjointement à ce débarquement, un assaut fut mené, quelques kilomètres plus à l'ouest, par des rangers américains pour s’emparer de la pointe du Hoc, une petite avancée de la côte normande dans la Manche avec une falaise de vingt-cinq à trente mètres de haut pour neutraliser de puissants canons allemands supposés y être installés dans des blockhaus et menaçant les plages d’Utah et d’Omaha. Si l’escalade réussissait, un signal devait être transmis et des renforts envoyés. Sinon ces renforts (huit compagnies de rangers) seraient détournés sur les plages d'Omaha.
Plan de la pointe du hoc.
La première vague. A l'assaut !
Le plan de débarquement ne se déroula pas comme prévu et dès le début, la situation prit une tournure catastrophique pour les Alliés. Le bombardement aérien et naval avait manqué ses cibles et n’avait pas neutralisé les défenses ennemies. Les troupes américaines allaient se heurter à des positions allemandes quasi-intactes. La mer était agitée et le vent fort. La quasi-totalité des chars amphibies coula et seuls quelques-uns atteignirent la plage. Des difficultés de navigation entraînèrent la plupart des barges, déportés par le courant, à débarquer hors des endroits prévus. Les Allemands ne dévoilèrent pas leurs positions et ils attendirent que les premiers soldats américains sortent des barges pour ouvrir le feu.
Dès 6 h 25, la première vague atteint la plage. Ce sont des équipes du génie qui arrivent en premier, suivies immédiatement puis dépassées par les huit compagnies d'infanterie. Les chars amenés par LCT arrivent quelques minutes plus tard. Les 2 Sherman DD rescapés sont aussi sur la plage. L'ensemble compte 1 450 hommes, une soixantaine de chars et divers engins du génie. La plupart des unités arrivent toutefois plus à l'est que prévu (parfois plus d'un km) ; le courant marin a fait dériver les barges. Suite aux tirs de l'artillerie allemande, plusieurs barges sont coulées et près de 150 hommes parviennent à gagner la plage à la nage.
Conformément aux ordres, les Allemands ne dévoilent pas leurs positions restées intactes. Ils attendent que les troupes débarquent pour ouvrir le feu. Les huit premières compagnies américaines du 116e RCT (E, F, G, A) et du 16e RCT (L, I, E, F) sont décimées. Les fantassins s'abritent, comme ils peuvent, derrière les obstacles des plages ou la levée de galet. Comme le fait remarquer un officier américain, il n'y a même pas un trou d'obus pour se mettre à couvert. Les hommes du génie, qui doivent ouvrir des brèches à travers les obstacles avant que la marée ne monte, subissent également des pertes importantes.
Le photographe de guerre Robert Capa, qui a débarqué avec la compagnie E du 116e RCT à Easy Red, prend les premières photos du débarquement. La situation est catastrophique. Le seul point positif se situe à l'extrême ouest de la plage où la compagnie C du 2e bataillon de rangers a réussi à atteindre le pied de la falaise. Au même moment, à 5 km de là, trois autres compagnies de ce bataillon doivent s'emparer de la pointe du Hoc. La compagnie C est chargée de débarquer à Omaha pour réaliser la jonction avec eux. Elle parviendra à passer juste à l'ouest du WN 73 pour l'attaquer à revers. D'autres rangers, toujours en mer, attendent de la pointe du Hoc le signal de rejoindre, sinon ils débarqueront aussi à Omaha.
Reconstitution.
2 eme vague.
Le vent fort fit monter la marée plus rapidement que prévu, poussant de nombreuses barges sur les obstacles allemands. La première vague américaine fut clouée sur place, ne progressant pas et subissant de très lourdes pertes. Les troupes suivantes ne progressèrent pas non plus. Les équipes du génie, du fait de la désorganisation de l'ordre du débarquement, arrivèrent avant l'infanterie. Sous le feu ennemi et avec peu de matériel, elles ne dégageaient qu'avec grande difficulté, quelques chenaux pour les barges suivantes, subissant elles aussi de lourdes pertes. Dans l'incapacité de dégager suffisamment les obstacles, les Alliés ne pouvaient débarquer correctement troupes et matériels et ils n'arrivaient pas à dégager les sorties de plage, fortement défendues. Cela provoqua rapidement encombrement et désordre sur la plage et des retards pour les débarquements suivants. Les communications radio avec le commandement étaient difficiles, 80 % du matériel radio de la première vague furent perdue. La panique participa un peu plus à la désorganisation générale.
À partir de 7 h, arrivent les barges qui amènent la deuxième vague. De nouvelles compagnies d'infanterie et les rangers débarquent. Le brigadier général Cota, adjoint au commandant de la 29e division arrive à Dog White. Il stimule les hommes. Le 5e bataillon de rangers, avec quelques compagnies d'infanterie, parvient à atteindre le plateau entre les WN 70 et 68.
Vers 8 h 15, les rangers aidés des fantassins réussissent une première percée en direction de Vierville. À l'est, le colonel Taylor, commandant du 16 RCT, parvient à faire passer un groupe d'hommes entre les WN 64 et 62.On retiendra d'ailleurs une maxime lancée par Taylor sur la plage : "Il n'y a plus que deux genres de soldats sur cette plage; ceux qui sont morts et ceux qui vont mourir ! Alors bougeons-nous de là !"
À 9 h, à l'extrême est de la plage, le WN 60 se rend après avoir été débordé.
À 10 h, trois percées ont réussi mais la situation reste désespérée. Deux destroyers s'approchent jusqu'à 1 km de la côte et effectuent un tir de précision sur les défenses. La voie d'accès du Ruquet peut être ouverte.
Après.
À 10 h 30, la marée est haute. Les 18 et 115 RCT commencent à débarquer. Avec l'aide de l'artillerie navale, les WN tombent les uns après les autres sauf les WN 66 et 68 qui tiendront jusqu'au soir. Entre-temps, les Allemands contre-attaquent mais sont repoussés. L'artillerie allemande commence à faiblir, elle commence à manquer de munitions. Chez les Américains, l'appui naval se fait plus efficace et réduit certains WN. Les LCI peuvent aborder devant le Ruquet (E1). Les hommes du génie aménagent un accès menant à Saint-Laurent afin de permettre l'acheminement des véhicules et du matériel. En début d'après-midi, les GIs occupent le haut de Vierville. Le soir, la pénétration n'est pourtant que de 2 à 3 km. Il y a toujours à Colleville des Allemands qui tentent de s'exfiltrer ; la plupart seront capturés.
Anecdote.
Le commandement allié envisagea un temps l'abandon d'Omaha. Mais outre la perte des 15 000 hommes déjà débarqués, cela présentait le grand risque d'affaiblir la position alliée avec une tête de pont américaine d'Utah à l'ouest qui aurait été séparée de 60 km de la tête de pont anglo-canadienne à l'est. Le général Bradley, qui supervisait l'opération au large à bord depuis l'USS Augusta, malgré le manque d'informations, décida de poursuivre le débarquement et continua d'envoyer des troupes sur Omaha. Finalement quelques pénétrations de la ligne de défense réussirent. Le bataillon de rangers qui devait être envoyé en renfort à la pointe du Hoc n'ayant pas reçu le signal, fut détourné sur Omaha Beach.
Bilan.
Les objectifs prévus à la fin de la Jour J pour la zone d'Omaha ne sont pas atteints. Ils prévoyaient une tête de pont allant de l'embouchure de la Vire à l'ouest à la jonction avec la tête de pont anglo-canadienne à l'est sur une profondeur de 8 km à l'intérieur des terres, grossièrement sur une ligne du nord d'Isigny à Bayeux, suivant, sur sa partie est, la rivière Aure5. La jonction avec la pointe du Hoc n'est même pas réalisée. Seule une petite tête de pont jusqu'au village de Vierville et un peu au-delà des villages de Saint-Laurent et Colleville est tenue, de deux kilomètres de la côte dans sa plus grande profondeur (et la côte entre Vierville et Saint-Laurent n'est pas encore sécurisée5). Mais le périmètre dégagé est suffisant pour pouvoir alimenter la tête de pont.
34 000 hommes et 2 800 véhicules ont débarqué mais seulement 100 t de fret au lieu des 2 400 prévues. Les pertes en matériel sont importantes. Les pertes humaines sont de presque 1 000 tués et 2 000 blessés et disparus (quinze fois plus qu'à Utah Beach). On estime qu'un quart des pertes sont dues à des noyades.
Chronologie.
5h20 Les premières barges quittent leur navire d'attache
5h35 Premières mises à l'eau des chars DD amphibies
5h50 Début du bombardement3
6h27 Fin du bombardement
6h35 Débarquement de la première vague d'assaut américaine
6h36 Débarquement de la seconde vague d'assaut
8h30 Arrêt provisoire du débarquement, pas assez de place sur la plage et pas assez de chenaux dégagés
9h10 Débarquement des Rangers
9h20 Nouvel appui feu des navires alliés
9h30 Chaos sur la plage et au large
10h Le premier point fortifié allemand, WN 64, est mis hors service.
11h27 Des éléments américains tiennent les hauteurs de la plage de Saint-Laurent-sur-Mer
12h30 Les Américains ont débarqué près de 19 000 hommes à Omaha
13h00 Une compagnie du 16e régiment d'infanterie et des hommes du 116e régiment attaquent le village de Colleville.
15h26 Échec de la contre-offensive menée par le 916e régiment de grenadiers allemands
15h30 Abandon par le soldat allemand Heinrich Severloh du dernier point fortifié, le WN 62.
17h20 Appel du colonel Talley à l'USS Ancon: La « circulation des véhicules à roues et à chenilles sur l'essentiel de zone sous la ligne des hautes eaux est ouverte »
Aujourd'hui.
Comemoration
Jolie photo.