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 Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh

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naga
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MessageSujet: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 18 Mai - 0:35

Alliés tardifs : les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh durant les premières années de la guerre franco-vietnamienne
Christopher E. Goscha


Parler du rôle des Japonais dans la première guerre d’Indochine pourrait paraître quelque peu étrange à ceux qui sont traditionnellement habitués à ne voir
que les deux acteurs principaux du conflit, à savoir : la France et la République démocratique du Vietnam (RDVN).
En effet, lorsqu’elle s’intéresse aux activités japonaises, l’historiographie consacrée à cette guerre, tant occidentale que vietnamienne, se focalise tout naturellement
sur le coup de force du 9 mars 1945 par lequel, on le sait, les Japonais renversèrent les Français en Indochine.
Cet événement, ainsi que la reddition japonaise qui suivit quelques mois plus tard, et la vague de mécontentement populaire soulevée par la famine permirent au Viet-Minh
de prendre le pouvoir pendant la « Révolution d’Août » de 1945 (Cach Mang Thang Tam).

Or, aussi paradoxal que cela puisse sembler, la présence militaire japonaise en Indochine ne disparaît pas entièrement avec la défaite de Tokyo par les Alliés ce même mois.
C’est parce que plusieurs milliers de soldats japonais refusèrent de se rendre à la fin de la guerre du Pacifique.
Ils désertèrent un peu partout dans les territoires qu’ils avaient occupés pendant le conflit – c’est-à-dire en Birmanie, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande,
et dans les pays de l’Indochine. Même en Chine, certains s’enrôlèrent dans les troupes de Mao Zedong ou dans celles de son adversaire, Chiang Kaishek .

Il n’y eut pas que ces îles perdues du Pacifique pour abriter des déserteurs. Le Vietnam en dénombrait aussi environ 5 000 au lendemain de la guerre.
Parmi ces déserteurs, beaucoup intégrèrent les rangs du Viet-Minh, jouant un rôle parfois important dans des écoles vietnamiennes d’officiers, des unités de combats d’élite
ou différentes sections spécialisées dans les explosifs et l’équipement pharmaceutique.
Ces hommes étaient opérationnels surtout en tant que conseillers (co van) et guerriers très expérimentés, maîtrisant aussi bien l’art de la guerre qu’un savoir-faire technique
très utile dans ses applications scientifiques et financières pour l’État de la RDVN au début de la guerre.


L’utilisation vietnamienne de ces « étrangers asiatiques » dans leur guerre n’a rien de surprenant.
Le phénomène est d’ailleurs bien connu des historiens travaillant sur l’Asie du Sud-Est et l’Europe. Pour la péninsule indochinoise, il suffit de penser au cadre régional dans lequel s’inscrivaient les guerres civiles au Vietnam dès le XVIe siècle.
Dans les armées rivales des seigneurs vietnamiens du Tonkin et de la Cochinchine, quelques marchands et des pirates japonais servaient déjà en tant que soldats, instructeurs
et ravitailleurs. 
Très disciplinés et versés dans les techniques les plus modernes de la guerre à l’époque, les guerriers errants (ronin) du célèbre samurai Yamada Nagamsa finirent même
par diriger brièvement l’armée siamoise au XVIIe siècle. 
Pour l’histoire occidentale, il suffit de citer le cas fameux des « Gardes suisses » ou encore celui des « Bataillons de déserteurs » (Freibataillonen französischen Deserteuren) incorporés par Frédérick II dans son armée prussienne au XVIIIe siècle pour relativiser l’expérience vietnamienne.
Ces derniers étaient composés de soldats défaits de l’armée saxonne et de prisonniers français des campagnes de 1756-1757.
On peut noter également le cas de la « Légion étrangère » française, créée en 1831 pour canaliser l’important nombre de réfugiés militaires et politiques résidant sur le territoire
à l’époque. Elle comprenait 35 000 hommes en 1952, précisément quand ses troupes furent fortement engagées dans la guerre contre le Viet-Minh 
S’il serait assurément exagéré de parler à propos des Japonais déserteurs de la Seconde Guerre d’une « Légion étrangère asiatique », ces exemples doivent nous rappeler
que l’emploi de troupes étrangères dans la guerre par des États locaux s’apparente à un processus sociohistorique plus large, à la fois dans le temps et dans l’espace,
que sa séquence uniquement vietnamienne.

Malgré tout, pour les historiens étudiant « la première guerre d’Indochine », le sujet reste explosif, sinon tabou.
Pendant le conflit, la propagande française dénonça la présence de déserteurs japonais dans l’armée Viet-Minh pour mieux discréditer la résistance vietnamienne
aux yeux des éventuels soutiens régionaux et internationaux.
De leurs côtés, les leaders vietnamiens niaient tout court cet apport japonais. Quant aux historiens nationalistes du Vietnam actuel, ils minimisèrent depuis la fin de la guerre
la contribution de ces étrangers à leur résistance pour préférer écrire les pages héroïques de la « Glorieuse victoire vietnamienne » sur les « envahisseurs étrangers ».
Finalement, les historiographies vietnamienne, française et particulièrement américaine ne conceptualisent que rarement cette guerre en dehors de leurs propres perspectives idéologiques et nationalistes, forcément limitées au « Vietnam », à « l’Indochine française » ou à ce « pourquoi » de « la guerre américaine ».

Pour prolonger les propos cités plus haut de Corvisier, cet article argumentera qu’il n’y a rien de choquant à trouver des soldats japonais passés au Viet-Minh
durant la guerre contre les Français. Compte tenu de la fragilité de l’armée vietnamienne dans les premiers jours de la guerre, la RDVN utilisa ces apports étrangers
pour augmenter ses possibilités de faire face, d’une part, à la faiblesse de ses moyens militaires au début des hostilités et, d’autre part, à la supériorité technique et militaire
de son adversaire.
En s’incorporant des recrues japonais, la RDVN tentait de combler le fossé technique et militaire qui séparait son armée de l’armée française.
Ces déserteurs japonais nous offrent également une chance unique d’explorer les zones grises de l’histoire géo-sociale des guerres pour le Vietnam
et nous aident à mieux comprendre l’implication d’acteurs asiatiques variés dans un conflit qui s’étendait bien au-delà du Vietnam, voire même de l’Indochine.


Dernière édition par naga le Sam 18 Mai - 0:55, édité 1 fois
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naga
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 18 Mai - 0:44

Le 19 août 1945, au lendemain de la capitulation des Japonais mais avant que les Alliés n’arrivent pour recevoir leur reddition, le front national représenté par le Viet-Minh
prit le pouvoir à Hanoi et les jours suivants dans la plupart des villes provinciales au centre et au nord du Vietnam.
Créé et dirigé par le Parti communiste indochinois (PCI), le Viet-Minh installa de nombreux « comités du peuple » (uy ban nhan dan).
Déterminé à garder le pouvoir à tout prix, le PCI se mit à consolider son contrôle interne, en interdisant ou en éliminant les partis nationalistes concurrents,
en créant une toute puissante police et en mettant sur pied des groupes d’autodéfense (tu ve).
Le 2 septembre 1945, Ho Chi Minh annonça la constitution officielle de la République démocratique du Vietnam.

Dans le Sud, la situation révolutionnaire était encore plus compliquée. Là, les dirigeants sudistes du PCI étaient relativement peu nombreux à cause de la répression
menée par la Sûreté française quelques années auparavant. Mais même une fois réunis à Saigon en 1945, ils restaient remarquablement divisés entre eux.
Le PCI n’avait pas « une » mais bien plusieurs voix dans le Sud. Fait encore plus pertinent, les communistes étaient loin d’être les seuls nationalistes à revendiquer le pouvoir national. Il y avait aussi des nationalistes non-communistes et religieux très nombreux, tels que les Cao Dai et les Hoa Hao.
Les premiers avaient été bien encadrés et armés par les Japonais vers la fin de la guerre.
Cependant, le 23 août l’un des dirigeants communistes le plus connu du Sud, Tran Van Giau, réussit à obtenir une union nationale très fragile, et ainsi prendre le pouvoir à Saigon
au nom d’un « Comité de résistance du peuple » (Uy Ban Khang Chien Nhan Dan), subordonné finalement au PCI à Hanoi avec l’arrivée des communistes du Nord.

Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Zz88


Or, la décision prise par les Alliés à Potsdam en juillet-août 1945, confiant le désarmement des Japonais dans l’Indochine au nord du 16e parallèle aux troupes de Chiang Kaishek
et au sud aux Britanniques, allait influer de façon déterminante non seulement sur les différentes situations régionales, mais aussi sur la dispersion ultérieure des désertions japonaises.
À la fin de septembre, une partie de l’armée chinoise commençait à arriver au Nord-Vietnam.
Plus soucieux de leurs propres intérêts économiques et stratégiques, les chefs militaires chinois sur place étaient largement opposés à la rentrée immédiate des troupes françaises en Indochine du Nord. Ce ne fut qu’à la suite d’accords diplomatiques conclus en février et mars 1946 que les Chinois commencèrent à quitter l’Indochine
(leur départ ne devra s’achever complètement qu’en septembre). Du côté Viet-Minh, cela ne s’avérait pas forcément mauvais.
Quels que fussent les différends historiques entre Chinois et Vietnamiens, la présence chinoise au Nord-Vietnam permettait à la RDVN de « respirer » – de consolider son État révolutionnaire, d’agrandir et améliorer son armée et d’essayer de gagner des alliés tant en Asie qu’en Occident.
D’août 1945 jusqu’au déclenchement de la guerre à Hanoi en décembre 1946, le gouvernement de la RDVN au Vietnam situé au nord du 16e parallèle put aussi recruter
parmi les Japonais sans craindre une ingérence française directe.


Ce n’était pas le cas dans le sud. Encore une fois, la réoccupation se déroulait d’une façon entièrement différente.
Une fois sur place, les Anglais facilitèrent le retour des Français en Cochinchine (appelée désormais le « Nam Bo » par le Viet-Minh) .
Le 23 septembre, un coup de force écarta le Viet-Minh de Saigon, poussant immédiatement les communistes, les Hoa Hao et Cao Dai, vers le sud et le sud-ouest,
au fur et à mesure que le Corps expéditionnaire français reprenait les villes et les axes de communication.
Placés désormais devant une véritable guerre dans le sud, Vo Nguyen Giap et Ho Chi Minh décidèrent de remplacer Tran Van Giau par un homme fort forgé à Poulo Condor
et en Chine nommé Nguyen Binh.

Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Nguyen10


Chargé de la zone VII (l’est du Nam Bo), Binh prit en main très vite toute la direction militaire du Nam Bo et fut nommé général de division en 1948.
Moins concerné que Giau par les applications théoriques du marxisme-léninisme dans les villes du Vietnam, Binh se mit à créer une armée pour se battre contre le Corps expéditionnaire dans le maquis du Sud. Tâche ardue. Il s’était toute de suite rendu compte du besoin d’instructeurs militaires, lesquels allaient s’avérer essentiels à la formation
d’un corps d’officiers compétents dans l’art de la guerre, indispensables à la création, au déploiement et à la direction des premières unités de combat.
Comme Giap, Binh ne va pas hésiter à recruter ses instructeurs parmi des officiers japonais restés en Indochine pour servir comme conseillers dans son état-major et même comme ses gardes du corps.
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 18 Mai - 6:40

Déserteurs japonais avec le Viet Minh, anciens Landsers du Reich dans la Légion Etrangère, recyclages en série... Rolling Eyes
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naga
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 18 Mai - 22:50

La situation militaire à laquelle était confrontée le Viet-Minh

Il n’entre pas dans notre propos d’analyser ici en détail la naissance de l’armée vietnamienne, sujet déjà bien connu, mais plutôt de brosser très rapidement
un tableau de la situation de l’armée vietnamienne au lendemain de la guerre du Pacifique afin de mieux cibler les positions où les déserteurs japonais allaient prendre place.

L’ « Armée populaire du Vietnam » prit corps au début des années 1940, lorsque le Viet-Minh mit sur pied ses premières unités de guérilla dans les montagnes situées
à cheval sur la frontière sino-vietnamienne.
Elle fut renforcée par les armes parachutées par les Américains opérant dans le sud de la Chine. Les officiers de renseignement américains (OSS) ont même aidé le Viet-Minh
à fonder une première école militaire, appelée l’ « École politico-militaire de résistance contre les Japonais » (Truong Quan-Chinh khang Nhat),
qui a entraîné « 200 cadres militaires » en mi-1945.
Or, cette résistance contre les Japonais était très limitée, et le temps pour former des cadres et officiers encore plus insuffisant.
Une fois transférée à Hanoi, cette école militaire fut renommée l’ « École politico-militaire du Vietnam » (Truong Quan-Chinh Vietnam).
Entre-temps, l’ « Armée de Libération vietnamienne » (Vietnam Giai Phong Quan) devint l’ « Armée de Défense nationale » (Ve Quoc Doan).
Il y avait environ 278 étudiants enrôlés dans cette école en septembre 1945.
Giap dota ses premières unités avec l’armement pris sur l’ancienne Garde indochinoise et une grande partie des autres armes françaises livrées par les Japonais au Viet-Minh
en août-septembre 1945. Le Viet-Minh achètera des armes aux militaires japonais et chinois, d’autres furent fournies par le marché noir, tant parmi les Chinois de Haiphong
et Cholon que dans toute l’Asie où le désarmement mal organisé des Japonais contribuait à un commerce clandestin impressionnant.


En 1945, l’armée nationale vietnamienne se développa sous l’impulsion de la direction du ministère de la Défense (Bo Quoc Phong), dirigé par Giap,
et plus tard son état-major général (Bo Tong Tham Muu). Quant aux effectifs, en janvier 1947 certains services des renseignements français estimaient
que l’armée vietnamienne pouvait s’appuyer sur 2 000 guérillas formées en Chine au début des années 1940, environ 4 000 ex-tirailleurs vietnamiens formés par les Japonais
et absorbés par le Viet-Minh, d’anciens tirailleurs de la Garde indochinoise, quoique très rigoureusement sélectionnés, des soldats rapatriés de France en 1945-1946
(bien travaillés par la propagande « anticoloniale »et enfin d’autres recrutés parmi les diasporas vietnamiennes dans le nord-est de la Thaïlande et le sud de la Chine.
Au total, il y avait environ 28 000 hommes de troupes dans l’armée vietnamienne en fin 1946.
Ce chiffre augmentera à 40 à 45 000 hommes un an plus tard. À cela, il faut ajouter de nombreux groupes de milice, surtout les tu ve et les « Volontaires de la mort »
(doi cam tu). Tant au nord qu’au sud, ces milices, mal armées et mal encadrées mais farouchement endoctrinées, constituaient une force militaire très importante pour le Viet-Minh
en 1945-1946, en attendant de pouvoir mettre sur pied une armée régulière au vrai sens du terme .


Or, en dépit des efforts notables faits par les Vietnamiens pour développer leur armée au sens classique du mot, en 1945-1946 celle-ci était encore loin d’être préparée
pour se battre contre les divisions du général Leclerc.
C’est un fait reconnu depuis deux décennies par les militaires vietnamiens directement impliqués dans les événements de l’époque.
Leurs armes étaient très hétéroclites, des pièces de rechange manquaient, leurs officiers avaient peu d’expérience du combat dur, et leurs troupes étaient mal dirigées.
Ne confondons donc pas 1945 avec 1954 (et surtout pas 1975) . C’est dans cette situation politique et militaire extrêmement complexe et difficile à résumer
en quelques paragraphes que les déserteurs japonais allaient prendre le maquis à la fin de 1945.

Quant aux Vietnamiens opposés au rétablissement de la présence française, ils voyaient dans les déserteurs japonais des guerriers très expérimentés
et des techniciens militaires et économiques les plus « modernes ». Quelles que fussent les contradictions inhérentes à la propagande anti-occidentale des Japonais
et la violence de leurs propres ambitions impérialistes pendant la première moitié du XXe siècle, leur discours pro-asiatique et la puissance technique de leur armée,
aussi bien que la discipline et le fanatisme devenus légendaires qui la desservaient dans ses troupes provoquaient l’admiration de Vietnamiens et d’Indonésiens.
Quand Nguyen Binh alla rencontrer Ho Chi Minh pour la première fois à Hanoi en 1945, il choisit de mettre des bottes japonaises et de porter une épée
et une arme à feu de même provenance. Quand Nguyen Binh alla rencontrer Ho Chi Minh pour la première fois à Hanoi en 1945, il choisit de mettre des bottes japonaises
et de porter une épée et une arme à feu de même provenance. Quant au recrutement des déserteurs japonais, un chef militaire important du sud justifia la politique vietnamienne
en la comparant à celle des Indonésiens se battant contre les Hollandais.
Il la résuma en ces termes à Nguyen Binh à la fin de 1945 :
« Nous devons nous baser sur l’exemple de MM. Sjajhir et Sukarno aux Indes néerlandaises [...] qui ont employé les combattants japonais pour semer la panique dans les rangs
de l’armée anglo-indienne. »

Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Zz89


Et ils n’étaient pas les seuls à penser à ce recours : même Chiang Kaishek et Mao Zedong recrutaient des déserteurs japonais pour s’en servir comme techniciens
et officiers dans leurs armées . Il n’est donc pas surprenant que la RDVN exhortât les Japonais à se mettre au service militaire de l’État vietnamien, même très tardivement .
Tournons-nous maintenant vers ces déserteurs japonais, pour essayer d’abord de déterminer leurs nombres, leurs motifs et la nature de leur répartition au nord et sud,
avant d’aborder leurs rôles au sein du Viet-Minh.



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naga
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 18 Mai - 23:07

LES DÉSERTEURS JAPONAIS PASSÉS AU VIET-MINH

Transfuges en Indochine du Nord

Déserter fut plus facile pour les Japonais stationnés au nord du 16e parallèle que dans la partie méridionale de l’Indochine.
Si la France put se réinstaller presque immédiatement dans le sud, les accords du 6 mars conclus à Hanoi limitèrent la présence française au stationnement d’environ 15 000 soldats
au Vietnam du Nord.
Par ailleurs, les Chinois, eux-mêmes désireux de recruter des Japonais pour leur propre compte, n’exerçaient pas un contrôle aussi sévère que les Anglais le faisaient dans le Sud.
Bien que les Japonais fussent théoriquement confinés à des lieux bien précis, dans la pratique ils pouvaient se déplacer assez facilement, quittant les camps de détention le matin
pour y retourner le soir.
Les Chinois avaient « interné » les Japonais dans certaines régions : environ 20 000 à Quang Yen/Yen Lap, 5 000 à Tourane, 3 000 près de Nam Dinh et 3 500 à Hanoi
et sans doute beaucoup à Thai Nguyen .
Finalement, la présence chinoise et leur refus de renverser la RDVN avaient permis au Viet-Minh de recruter parmi ces Japonais sans craindre l’intervention directe des Français.
Cela ne devait changer qu’après les accords du 6 mars, lorsque les Français jetèrent les premières bases d’une tentative de récupération, qui allait s’accélérer davantage
en septembre 1946 avec le départ final des forces chinoises.

Au moment de la capitulation japonaise, on estimait à environ 97 000 les militaires et civils nippons stationnés en Indochine.
D’après les sources japonaises et américaines, on estimait que vers fin septembre ou octobre 1945, il y avait 30 000 militaires et 1 500 civils au Tonkin
et 18 000 militaires et 500 civils en Annam au nord du 16e parallèle, soit au total : 48 000 militaires et 2 000 civils .
D’après une source américaine, 30 500 Japonais auraient quitté le Tonkin par le port de Haiphong le 29 avril 1946 ; 1 500 civils auraient été évacués vers le Japon,
et 3 000 encore se seraient réfugiés clandestinement à Hainan, ce qui laissait estimer qu’environ 15 000 Japonais restaient dans une position « indéterminée »
(mais pas forcément comme déserteurs) en Indochine du Nord à la fin de décembre 1946.
Rappelons que tous ces chiffres sont approximatifs, comme l’a justement souligné le conseiller diplomatique du haut-commissariat en Indochine en 1948.

En ce qui concerne les déserteurs à proprement parler, en 1946 un rapport militaire japonais faisait état en 1946 de 800 déserteurs.
Un rapport basé sur des documents saisis sur le Viet-Minh et les déclarations des déserteurs japonais ralliés ont permis à une commission française d’estimer leur nombre
en décembre 1946 au Tonkin et en Annam à environ 4 000 au nord du 16e parallèle.
Ce chiffre nous semble proche de la vérité, mais sans doute représente-t-il un maximum qui ne va pas cesser de diminuer ultérieurement en raison des ralliements,
des disparitions, des décès en bataille, des maladies et, plus rarement, des suicides.
Démoralisés par les conditions de guerre dans les camps Viet-Minh et fatigués par un traitement parfois très dur, plusieurs Japonais quitteront le Viet-Minh
pour rentrer chez eux. D’autres, déçus par le bas niveau des troupes Viet-Minh, l’abandonnèrent également .
En avril-septembre 1946, ayant militairement repris pied au nord, les Français mirent en place la « Mission Tokyo », qui visait à récupérer les déserteurs japonais
en Indochine du Nord. Les « retours » furent limités, cependant. La surveillance policière de la RDVN demeura très étroite.
Même plus tard, lorsque le fameux colonel Saito arriva pour mettre en œuvre des recherches de déserteurs, ce qu’il avait si bien réussi dans le Sud ,
il se heurta à une surveillance Viet-Minh efficace .
Finalement, le Viet-Minh cacha ou fit exécuter parfois des déserteurs japonais (et Européens) devenus suspects ou qui en savaient trop pour qu’on pût risquer
de les laisser faire des révélations aux services de renseignements étrangers.
Le problème pour l’historien réside dans la difficulté d’établir un recensement précis du nombre des déserteurs véritablement passés au service du Viet-Minh.
En l’occurrence, sur les 4 000 déserteurs attestés au Nord, nous pensons qu’une forte proportion n’a pas forcément rejoint le Viet-Minh.
Il faut raisonnablement estimer à 2 000 au maximum le nombre des Japonais effectivement employés dans ses rangs entre 1945 et 1950.
Ajoutons à nouveau qu’au fils des années ce recrutement se fera inexorablement à la baisse.



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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeDim 19 Mai - 7:05

Pas précisé, mais ce sont les photos du général Giap et de l'"oncle Ho" semble t-il...
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeDim 19 Mai - 9:43

La photo date de 1945 a Hanoi.
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeDim 19 Mai - 22:24

Déserteurs en Indochine du Sud

En Indochine au sud du 16e parallèle, au moment de la capitulation japonaise, on estimait qu’il y avait environ 68 000 hommes de troupes japonaises, y compris 3 000 civils .
Environ 20 000 Japonais furent rapatriés par le cap Saint-Jacques en avril 1946 et la plupart des autres dans les mois suivants.
Les désertions eurent lieu juste après la capitulation japonaise. Inquiets de leur sort sous l’occupation imminente des Alliés, beaucoup de Japonais disparurent sans attendre
de découvrir la politique anglaise, surtout les criminels de guerre.
Au début de 1946, le Haut Commandement japonais donnait le chiffre « officiel » de 620 déserteurs pour l’Indochine du Sud, ce qu’un observateur militaire français considérait
comme « bien en dessous de la vérité ».
Une synthèse française de cette question, effectuée fin 1946, estimait qu’il y avait environ 1 000 Japonais qui désertèrent au lendemain
de la capitulation. Cette étude calculait qu’en décembre 1946 environ 560 sur le nombre de transfuges s’éparpillèrent dans les provinces de Tay Ninh, Thu Dau Mot, My Tho,
Saigon-Cholon, Bien Hoa et Rach Gia . Une autre étude conclut que le « chiffre initial d’un millier de déserteurs pour la Cochinchine, le Cambodge et le sud Annam
semble assez près de la vérité ».
Se basant en partie sur les archives des Britanniques, une autre estimation dénombrait, « en gros », les déserteurs à un millier d’individus vers mars 1946 .
En effet, selon le service de renseignements militaire du Supreme Allied Commander, il y avait, au 30 mars 1946 dans le sud de l’Indochine,
parmi les « dead, deserted or missing », 731 soldats et 76 civils attachés à l’armée japonaise ; 59 marins ; 61 civils attachée à la marine impériale, soit au total 927 hommes.
On aurait tort, à notre sens, de croire que sur ce dernier chiffre d’environ un millier d’hommes établi par les Britanniques, tous étaient des déserteurs.

Encore une fois, le dénombrement doit être revu à la baisse sous la présence française.
En Indochine du Sud, à la différence du Nord, les Français ont pu s’attaquer au « problème japonais » beaucoup plus tôt. Au début de novembre 1945 et à la fin d’avril 1946,
250 000 tracts rédigés en japonais avaient été lancés en zone Viet-Minh, et 180 000 distribués par des unités japonaises.
Jusqu’au 22 avril 1946, les recherches des déserteurs japonais furent laissées aux autorités japonaises. 168 déserteurs rentrèrent avant cette date,
dont 84 grâce à ces équipes japonaises de recherche.
À partir du 22 avril, une recherche plus méthodique fut élaborée sous la direction de la « Mission de contrôle de l’armée japonaise » à Saigon.
Cette Mission comprenait 200 officiers et hommes de troupes envoyés en détachement à la recherche des déserteurs.
Or, ils n’en ont récupéré que 10 . Suite à cet échec, à partir de mi-juillet, une « Mission de contrôle des déserteurs japonais » (SDJ) sous la direction d’un officier français
parlant couramment le japonais fut créée.
Après la mort de ce Français, le colonel Saito, officier de l’ancien état-major de la 55e Division en Birmanie et un homme formé dans les écoles de service
de renseignements japonais, prit en main les recherches au Nam Bo.
Jusqu’en 1948, le colonel Saito fit rentrer environ 350 déserteurs japonais en Indochine du Sud.
En raison de ce succès, il fut envoyé au nord pour tenter de monter une mission semblable, mais avec moins de réussite  .
En prenant en compte toutes ces sources et vu le manque d’autres sources plus fiables, il nous semble permis de dire qu’il y avait environ 5 ou 600 déserteurs dans le Sud
à la fin de 1946. Si on inclut le succès de Saito en 1948, il ne pouvait y avoir plus de 300 déserteurs dans le Nam Bo après 1948.


Motifs des désertions japonaises

On aurait tout à fait tort de croire que les simples soldats japonais qui sont passés du côté du Viet-Minh (ou des indépendantistes indonésiens) l’ont tous fait
pour des motivations « pro-asiatiques » ou « anti-occidentales ». Celles-ci comptaient, nous le verrons, mais très souvent ils partaient parce qu’ils avaient tout simplement peur
d’être arrêtés par les alliés, jugés comme des criminels de guerre et exécutés.
Ce fut surtout le cas dans l’Indochine du Sud, où la réoccupation rapide par les troupes anglo-indiennes, suivies par les divisions du général Leclerc, ne laissait que peu de temps
pour y réfléchir .
Les raisons expliquant la plupart des désertions sont, en fin de compte, ordinaires. Parmi les non-officiers, en particulier, beaucoup de soldats et civils japonais préféraient rester
en Indochine, où les possibilités économiques étaient considérablement meilleures qu’au Japon, économiquement et militairement dévasté par la guerre.
Parmi eux, beaucoup vont préférer troquer leur armes et changer leur noms pour ouvrir des petits commerces, des services de transport en commun
et des maisons d’import-export tant en zone Viet-Minh qu’à Saigon ou Haiphong, sous contrôle français .
Quelques-uns choisirent même de recommencer leurs métiers agricoles antérieurs en se reconvertissant en cultivateurs au Vietnam.
Nombreux parmi ces transfuges étaient mariés à des femmes vietnamiennes. Parmi les officiers de la Kempetai ou des services de renseignements militaires,
beaucoup parlaient le vietnamien et/ou le chinois, et possédaient une connaissance culturelle et économique approfondie du pays.
Plusieurs d’entre eux y restèrent pour gagner de l’argent.


Le rapatriement des Japonais étant initialement censé s’échelonner sur cinq ans, certains ont décidé de tenter leur chance en Indochine plutôt que d’attendre
dans un camp d’internement leur rapatriement au Japon. D’autres, véritablement indigents, ont été séduits par les promesses d’un traitement préférentiel dans l’armée
de la RDVN, qui se réalisèrent dans bien des cas, du moins au début.
Il y avait aussi le « choix de masse », une situation psychologique dans laquelle un officier pouvait faire partir ses hommes grâce aux liens d’amitié et de loyauté forgés
dans les combats antérieurs. Si on étudie de très près la liste des 400 noms japonais absents à l’embarquement à Haiphong en mars-avril 1946,
on remarquera que 98 hommes appartenaient au 82e régiment d’infanterie, soit environ 25 % du total ; 70 appartenaient au 34e BGI, soit 17,5 % du total ;
et 40 appartenaient au 83e RI, soit 10 % . Il est difficile de croire que ces simples soldats soient partis tous pour des motivations « pro-Viet-Minh ».
Ils avaient sans doute peur d’être arrêtés et condamnés par les Alliés.
Il faut également souligner que l’incorporation de plusieurs Japonais dans les rangs du Viet-Minh s’est faite parfois contre leur gré : ils ont été tout simplement capturés
et obligés de travailler comme techniciens et conseillers pour le Viet-Minh.
Vu l’état critique de la RDVN à partir du 20 décembre 1946, les dirigeants vietnamiens n’ont fait en quelque sorte que suivre une vieille pratique de l’Asie du Sud-Est
(plutôt thaïe, en fait, que vietnamienne) qui visait à enlever des « otages » ou « esclaves » susceptibles d’apporter des compétences techniques qui faisaient défaut chez soi.
Les dirigeants de la RDVN savaient parfaitement bien qu’une fois écartés des villes par l’armée française, il leur faudrait des ingénieurs, techniciens et administrateurs éduqués
pour faire fonctionner un État de guerre.
En quittant Hanoi en décembre 1946, la RDVN a pris en otage des médecins et des hommes instruits comme Pham Le Bong et Nguyen Tien Lang. Nguyen Tien Lang,
secrétaire du résident supérieur français dans les années 1930, fit office de secrétaire personnel du général Nguyen Son, chef des forces militaires du LK IV jusqu’en 1950.
Plusieurs dizaines de Japonais, sinon plus, ont été « recrutés » de cette façon, surtout pour servir dans les casernes et arsenaux Viet-Minh à Thai Nguyen en 1946.



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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeLun 20 Mai - 6:46

Sûr qu'à être restés aussi longtemps en Indochine, pas mal d'entre eux n'avaient plus vraiment de raisons de rentrer dans un Japon dévasté.
Et puis ensuite faire la différence entre un Viet et un Jap... Laughing Rolling Eyes Arrow
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeLun 20 Mai - 23:01

Soulignons que tous les déserteurs japonais ne passèrent pas au Viet-Minh. Ce fut surtout le cas dans le Sud, où l’armée et les services de renseignements nippons
avaient longtemps collaboré avec les Cao Dai. On retrouve plusieurs déserteurs dans les rangs Cao Dai auprès du général Trinh Minh The même.
Le capitaine Kanetoshi, jeune officier de la 55e division en Birmanie, travaillait pour ce « général ».
Lors d’une conversation avec le colonel Saito, le « pape » des Cao Dai, Pham Cong Tac, dit de Kanetoshi : « Il est notre maître. »
Il y avait aussi une dizaine de Japonais travaillant pour les Binh Xuyen dirigés par Le Van Vien ( « Bay Vien » ) .
Bien qu’il nous ait été impossible de distinguer précisément le nombre de dissidents japonais chez ces deux groupes, celui-ci n’excédait sûrement pas une centaine d’hommes.
Au nord, comme en Chine, plusieurs Japonais décidèrent de servir dans les rangs des nationalistes non-communistes (les Quoc Dan Dang), opposés au retour des Français
tout comme à l’arrivée du PCI au pouvoir. Pourtant, la présence des Japonais dans les rangs du VNQDD ne dura pas longtemps, surtout quand ce dernier fut presque
entièrement anéanti par le Viet-Minh à la mi-1946.

Quels furent les autres motifs pour franchir le pas ? Notons rapidement le facteur psychologique.
On a pu constater, par exemple, une recrudescence d’évasions japonaises en zone Viet-Minh suite à la déclaration de l’empereur japonais au début de 1946 , dans laquelle
il répudiait le mythe de la divinité de la dynastie impériale. Cette répudiation semait un malaise profond dans l’esprit de ces élites fortement endoctrinées
et façonnées dans le culte de l’empereur divin, les perturbant et les poussant à s’isoler dans le maquis et tomber dans les bras du Viet-Minh
qui leur offrait au moins de quoi vivre et un travail apprécié.
De plus, certains officiers japonais désertèrent pour continuer la bataille contre les « blancs » et pour les « Asiatiques ».
À ce sujet, rappelons que parmi les déserteurs, certains officiers avaient été formés dans des écoles militaires ultra-nationalistes et panasiatiques les plus secrètes.
C’est le cas des officiers formés dans l’École Nakano. Les Japonais qui passaient par cette école d’élite, dit une étude militaire,
« ont subi l’influence d’une mystique panasiatique et étaient initiés aux projets les plus vastes et les plus secrets de la politique d’expansion japonaise
et recevaient une instruction technique spéciale pour la zone géopolitique dans laquelle ils allaient prendre en charge ».
Les Alliés pensaient que ces hommes avaient probablement bénéficié d’une protection toute spéciale de la part de l’état-major du maréchal Terauchi,
ce qui leur permettait d’échapper aux recherches des Alliés.
D’après certains documents saisis par ceux-ci à la fin de la guerre, il est possible que certains officiers japonais passèrent au Viet-Minh sur un ordre exprès
du Haut Commandement japonais à la mi-août .
D’ailleurs, bien que durement mis à l’épreuve en Birmanie, le Corps expéditionnaire japonais n’a jamais été battu au vrai sens du mot, ni sur la péninsule indochinoise,
ni en Indonésie. Certains parmi ces officiers devaient avaler très amèrement l’idée de capituler devant les Européens sans se battre.
Dégoûtés par leur débâcle inattendue et la répudiation de l’empereur, plusieurs ont tout simplement disparu pour ne jamais revenir dans un pays qui ne voulait plus les écouter.
Cela semble être le cas de la 55e division en particulier.

Si le nombre des hommes de Nakano ou même le chiffre global des quelques milliers de déserteurs japonais pour tout le Vietnam en 1945-1946
sont relativement restreints, soulignons qu’il ne s’agissait pas d’un problème de « quantité » mais plutôt de « qualité ».
Ce qui explique pourquoi, même en 1948, le général Valluy demanda au général Pechkoff, alors représentant de la France au Japon, d’intervenir personnellement
auprès du général MacArthur pour obtenir que l’empereur fît un appel de ralliement aux déserteurs en Indochine.
Sans aucun effet. Les Américains indiquèrent que l’empereur ne possédait plus ce droit.
Il nous reste à savoir ce que ces déserteurs apportaient au juste.




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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeMar 21 Mai - 22:39

CONTRIBUTIONS JAPONAISES AU VIET-MINH, 1945-1950

Contributions militaires

La formation des officiers et des cadres militaires fut une priorité de premier ordre pour la RDVN en 1945.
Outre une poignée d’hommes formés dans les écoles militaires de la Chine, le Viet-Minh n’avait presque pas d’autres officiers supérieurs.
Et le fait que la colonisation n’avait formé que peu d’officiers supérieurs vietnamiens avant la guerre aggravait une insuffisance déjà critique, surtout dans le Sud
pour les raisons évoquées ci-dessus. Il est donc peu surprenant que le Viet-Minh ait utilisé l’apport militaire important que les soldats et surtout les officiers japonais demeurés
au Vietnam représentaient. Ngo Van Chieu, un militaire vietnamien formé dans l’une des premières écoles d’officiers créée à Hanoi en 1945-1946,
nous révèle dans ses souvenirs qu’un « ancien lieutenant-colonel à l’état-major de la 38e armée nippone » travaillait comme « conseiller technique »
auprès de l’instructeur vietnamien de cette École.


Quang Ngai et le rôle des officiers japonais dans les écoles militaires

Les Japonais déserteurs ont joué un rôle particulièrement important dans le fonctionnement de l’ « École secondaire de l’infanterie de Quang Ngai »
(Truong luc quan trung hoc Quang Ngai) de 1946 à 1949.
Créée par Nguyen Son, cette école d’officiers comprenait du moins six officiers japonais qui servaient comme instructeurs militaires, selon une source française.
Ils étaient connus sous leurs noms vietnamiens : Hung, Tam, Ngoc, Thong, Quang et Tong .
Un autre document fait état de : « Nguyen Van Thong » (Ishii Takuo), « Phan Lai » (Ikari Kazumasa), « Nguyen Thinh Tam » (Saitoh), « Minh Ngoc » (Nakahara Mitsunobu),
« Long » (Konishi ?) et « Hai » (Nabeyasi). Sur ces 6 noms, chacun travaillait comme instructeur militaire.
Sur une autre liste de 46 officiers et sous-officiers présents dans les rangs du Viet-Minh dans la partie méridionale du Trung Bo en 1948, 36 servaient également
comme instructeurs militaires, soit 78 % du total .
Une source estime qu’il y avait environ 200 transfuges japonais à Quang Ngai .

Des souvenirs récemment publiés par des Vietnamiens et des Japonais attachés à l’École de Quang Ngai à l’époque recoupent ces sources françaises de très près.
Dans un récit apparu récemment au Vietnam, Nakahara Mitsunobu, c’est-à-dire Minh Ngoc lui-même, confirme son rôle dans l’École de Quang Ngai
et sa collaboration militaire avec le général Nguyen Son.
C’est le général lui-même qui le convainquit, ainsi qu’un autre officier nommé « Ikawa », de participer à la cause vietnamienne.
Au début de 1946 ces deux Japonais se rendirent ensuite à Tuy Hoa pour aider le Viet-Minh contre le Corps expéditionnaire français attaquant alors le Trung Bo méridional.
Mitsunobu donnait des conseils précieux à Son concernant les opérations du commandement avant de monter l’école de Quang Ngai avec Son en juin.
Ce Japonais alla avec Son au Viet Bac en décembre 1946 et participa à la bataille de Nam Dinh suite au déclenchement de la guerre au Nord.
En 1948, Mitsunobo revit Nguyen Son au LK IV, où notre transfuge japonais forma encore d’autres cadres militaires .
Depuis longtemps, les sources vietnamiennes confirment la présence des Japonais dans les sphères les plus hautes de l’État-major de Nguyen Binh, de Nguyen Son
et de Vuong Thua Vu.

Qu’enseignaient-ils ?
Les documents trouvés en 1946 sur le corps d’un des instructeurs japonais de l’École de Quang Ngai, le sergent chef Oshikiri, nous donnent une idée plus précise du cursus
donné par les Japonais. Dans ces cahiers personnels, on trouvait un cours intensif sur la « Tokkohan » ( « sections spéciales d’assaut » ),
qui consistait en une tactique de guérilla employée par les Japonais vers la fin de la guerre, surtout aux Philippines.
Oshikiri apprenait à ses jeunes élèves vietnamiens comment saboter et monter des coups de mains et embuscades, et comment se battre contre des forces armées supérieures .

Citons quelques extraits provenant d’un cours que Oshikiri enseignait sur la méthode « Tokkohan » pour donner une meilleure idée de cette symbiose militaire nippo-vietnamienne.
En s’adressant aux candidats vietnamiens, Oshikiri martelait l’idée principale de la guérilla :

« Il ne faut pas se plaindre de l’insuffisance des armes. Bien qu’elle manque de chars, d’avions et de canons, l’armée Viet-Minh a [suffisamment] de braves combattants.
Nous avons des hommes chars, nous avons des hommes avions, des hommes canons. Les ennemis se trouvent tout près de nous, ils sont entourés par nous.
Nous sommes bien au courant de la situation géographique. Nous connaissons bien nos adversaires.
Dès que l’ordre en sera donné, nous n’avons qu’à sauter sur l’ennemi, portant sur nous des bombes, des grenades ou des bouteilles enflammées. »

Vu la technologie avancée et les forces écrasantes employées par le Corps expéditionnaire dans le Nam Bo en 1945-1946, il est certain que les idées de Tokkohan
trouvaient un milieu militaire local déjà très favorable à Quang Ngai. Après tout, ce genre de tactique s’insérait parfaitement bien dans la pensée militaire déjà esquissée
par d’autres officiers vietnamiens qui mettaient l’accent sur l’utilisation des tu ve et « volontaires de mort » et savaient que l’armée vietnamienne était encore mal préparée
pour s’organiser dans un sens classique. N’oublions pas que Nguyen Son avait fait la Longue Marche, et Nguyen Binh avait sans doute vécu la guerre sino-japonaise. Mais il n’y avait pas que la guérilla. Les Japonais enseignaient le tir et le lancement de grenades ainsi que les idées élémentaires pour l’entraînement des cadres supérieurs militaires,
exercices de compagnie et de bataillon, dispersion, assaut, attaque et combat de nuit et surtout l’encadrement des hommes de troupes.


Or, n’oublions pas pour autant que les stratégies et tactiques militaires de ces officiers japonais ne s’adaptaient pas forcément aux besoins de l’armée vietnamienne,
toujours mal armée et peu encadrée pendant cette période. Le général de division Vuong Thua Vu révèle dans ses souvenirs publiés en 1979 qu’un officier japonais,
nommé « Ai Viet », « celui qui aime le Vietnam », servait dans son état-major en tant que « délégué militaire » (phai vien quan su) en décembre 1946.
Or, un débat acerbe se produisit en décembre 1946 entre cet officier japonais qui prônait une défense classique de Hanoi contre le Corps expéditionnaire français
et l’état-major de Vuong Thua Vu, qui soulignait l’importance stratégique des tu ve et la tactique de guérilla (du kich).
Le général Vu considérait le plan de défense d’Ai Viet suicidaire, « ne s’accordant aucunement avec le niveau technique et tactique des forces [vietnamiennes très faibles]
de l’époque».



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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeMer 22 Mai - 6:37

Sûr que les conseils d'officier Japs, ayant combattu les occidentaux, ont été très précieux pour les Viets...
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeMer 22 Mai - 22:42

Le rôle des officiers japonais dans le commandement : « Dai Ta » Ishii

Les idées japonaises étaient introduites aussi par certains officiers supérieurs stationnés dans les écoles militaires ou même dans certains états-majors
les plus importants de l’armée vietnamienne. À ce sujet, il convient de s’arrêter sur un homme en particulier, le commandant « Ishii », qui passa au Viet-Minh du Sud
et devint l’un des déserteurs les plus importants.
À la capitulation en août 1945, à 27 ans, Ishii était le plus jeune commandant de l’armée japonaise. Le colonel Saito, lui-même son ancien supérieur dans l’état-major
de la 55e division en Birmanie (de juillet 1945 à avril 1946), voulait à tout prix récupérer cet homme 
Ishii avait d’abord été formé à l’École Nakano et possédait donc une maîtrise exceptionnelle des méthodes japonaises les plus modernes de guerre,
ainsi que des méthodes de guerre clandestines. D’autre part, il avait déjà commandé au sein de l’état-major de la 55e division en Birmanie et il avait participé lui-même
à la dure prise de Rangoon. C’est pour ces raisons que cet homme barbu et si taciturne était, comme le dit Saito, extrêmement dangereux.

Ishii déserta de son unité le 17 décembre 1945 à Banam au Cambodge, amenant avec lui d’autres « anciens » de Nakano, peut-être sur un ordre supérieur.
Une fois rallié au Viet-Minh au début de 1946, il troqua son anglais moyen pour un vietnamien de plus en plus aisé.
En échange de sa collaboration militaire, le Viet-Minh le baptisa colonel (dai ta) dans son armée. Ainsi débuta-t-il la carrière d’instructeur militaire dans la RDVN.
Au mois de mai 1946, il quitte Baria en bateau en compagnie de Pham Van Bach, président du Comité de résistance du Nam Bo, à destination de Quang Ngai.
Sous la direction de Nguyen Son et Pham Van Dong, le Trung bo méridional, que les forces terrestres françaises laissaient largement non occupé,
servait de relais de ravitaillement principal pour transférer du nord au sud des armes et des hommes.
Même après le déclenchement de la guerre au Nord-Vietnam, de vastes zones du Vietnam central restaient aux mains du Viet-Minh,
ce qui explique peut-être la présence continue d’officiers déserteurs dans cette région.

En juin 1946, d’après une source française, Ishii fit rassembler tous les commandants de « trung doan » (régiment) entre Hue et Phan Thiet,
et leur donna une instruction militaire pendant environ un mois.
En juillet 1946, il prit lui-même la direction de l’École militaire de Quang Ngai. Il plaça d’autres officiers japonais qu’il avait connus avant dans cette école,
tel que son ami, l’instructeur Saitoh (à ne pas confondre avec Saito), nommé colonel aussi par le Viet-Minh.
À la fin de 1946, ce dernier prit la relève à l’École de Quang Ngai , alors que Ishii devint « conseiller suprême » des troupes Viet-Minh dans le Sud
et inspecteur de l’École militaire et administrative du Nam Bo. 

Bien que les détails manquent, et faute de sources plus fiables, la position élevée de Ishii dans la hiérarchie militaire du Viet-Minh du Sud ne laisse aucun doute
sur le fait que ses connaissances militaires et techniques étaient très appréciées par les Vietnamiens.
D’après des renseignements français et japonais, en juillet 1946, il se dirigea vers Pleiku pour mener lui-même l’offensive Viet-Minh.
En août 1946, Nguyen Son l’envoya à Tuy Hoa pour fonder une autre école militaire. En 1947, cet homme de Nakano prodigua un entraînement d’élite aux 130 Viet-Minh
et vers la fin de juin 1948 il dispensa une instruction militaire aux cadres des troupes populaires des 7e, 8e, 9e zones .
Ce « transfert technique » aux Vietnamiens fut d’autant plus facile que plusieurs de ces « déserteurs » japonais connaissaient remarquablement le Vietnam,
sa langue et sa culture.
Soulignons que sur les 7 officiers identifiés dans l’École de Quang Ngai en 1946, 4 venaient de la Kempetai de Hue et Phan Thiet et
auraient donc eu une connaissance géographique, linguistique et culturelle approfondie par la guerre.
Sur les 46 déserteurs au Trung bo méridional en 1948, 13 pouvaient parler le vietnamien soit « parfaitement » soit « très bien » et 9 « assez bien ».
Neuf étaient mariés à des femmes vietnamiennes .

Pour évaluer l’importance de ces officiers japonais au Vietnam, il serait utile d’établir combien d’entre eux avaient été formés dans l’École Nakano.
Car, après l’armistice, selon les dires d’un ancien membre de cette école, il y avait en Asie environ 2 000 anciens officiers et sous-officiers de Nakano.
Sur ces 2 000 hommes, de 7 à 800 officiers, dont environ 400 choisis parmi les meilleurs, étaient dispersés en Asie.
Ceux qui se trouvaient en Birmanie à la fin de la guerre étaient parmi les plus réticents à se rendre aux Alliés (ce qui suggère l’importance d’étudier de plus près les transfuges
de cette 55e division). À la fin de juillet 1945, une décision du Quartier général du Corps expéditionnaire japonais envoya une partie de ces « spécialistes de Nakano » en Indochine.
Il nous semble que 21 spécialistes de Nakano en Birmanie arrivèrent à Saigon le 10 septembre 1945.
Le Bureau central de renseignements français savait de source « sûre » qu’au Tonkin la plupart des officiers de Nakano étaient restés en place après la capitulation.
Leur chef au Nord n’était autre que le lieutenant-colonel Mukaiyama, basé à Thai Nguyen, et également directeur de l’organisme japonais de « Collaboration et
entraide pour l’indépendance du Vietnam ».

Nous voudrions souligner que ces officiers japonais dans des écoles militaires du Viet-Minh et surtout ces officiers de Nakano comme Ishii à Quang Ngai et Mukaiyama
à Thai Nguyen étaient des atouts technologiques et militaires pour la RDVN au début de la guerre, alors que les besoins militaires de l’État vietnamien étaient des plus critiques.
Il serait intéressant de comparer éventuellement les contributions technico-militaires de ces déserteurs japonais avec celles des Européens passés au Viet-Minh
à la même époque.



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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeJeu 23 Mai - 22:22

Troupes d’élite

L’un des résultats concrets de cette présence japonaise dans l’armée du Viet-Minh était d’avoir accru les pertes chez les Français au début de la guerre .
Au cours des premiers combats au Nord, par exemple, des unités japonaises engagées avec les troupes Viet-Minh ont opposé une résistance farouche en se faisant tuer sur place.
Des cadavres japonais ont été dénombrés à l’ancienne résidence de Ho Chi Minh au moment de la reprise de Hanoi par les Français en 1946-1947 .
Pendant la bataille de Hue au début de 1946, les Français estimaient qu’ils avaient lutté contre une section d’assaut composée d’environ 150 Japonais.
En raison de leur entraînement supérieur et de leur expérience au combat (pour certains), ces Japonais furent responsables d’une dizaine de tués et plusieurs blessés
parmi le Corps expéditionnaire.
En 1947, en collaboration avec Nguyen Son, Ishii monta une embuscade qui fit de 70 à 80 morts parmi les hommes du Corps expéditionnaire.
Les pertes humaines dans ces troupes d’élite japonaises devaient être très élevées également…

Il est aussi probable que certains soldats japonais eussent servi comme tireurs d’élite (snipers) et aient été utiles par leur démonstration du maniement des armes automatiques
et de la DCA. Certains avaient fait profiter au Viet-Minh de leur expérience sur l’installation de fabriques d’armes légères et de munitions avec des moyens limités.
Faute de documentation, nous n’avons pas pu estimer le rôle joué par des conseillers japonais dans le service de transmission et des radios.
Mais il est sûr qu’au début, des techniciens japonais (et également européens) furent « consultés » quant à la mise en place des services de renseignements militaires
et un nouveau réseau policier pour la RDVN. Un officier japonais, Koshiro Iwai, connu sous le nom vietnamien de « Sau Nhat », fournissait à l’état-major vietnamien
des renseignements militaires sur les mouvements de l’armée française dans la région de Cao Bang et Lang Son .
Toshio Komaya (Nguyen Quang Thuc) travaillait pour le service de renseignements militaire de l’inter-zone I dans le Nord-Vietnam entre 1947 et 1950. 
En échange de ces services d’élite, le Viet-Minh donnait à ces alliés une solde plus importante qu’aux hommes de troupes vietnamiens, du moins au début du conflit.

Insistons sur le fait que l’utilisation des Japonais fut la plus notable dans les deux ou trois premières années de la guerre,
lorsque Giap, Nguyen Son, Vuong Thua Vu et Nguyen Binh durent mettre sur pied à partir de rien et très rapidement une armée capable de faire face au Corps expéditionnaire.
Vers 1948, ces transfuges japonais (et européens) devaient être écartés au fur et à mesure que les Vietnamiens prenaient en leurs mains la direction militaire
de leur armée « nationale » .
.Ce qui est remarquable, c’est la capacité de l’armée vietnamienne de sélectionner et d’indigéniser ce qui venait de l’extérieur pour le rendre opérationnel
dans un contexte si différent.


Contributions technico-économiques

La modernité japonaise se faisait sentir chez le Viet-Minh dans le domaine de l’économie. Bien que les sources soient beaucoup plus rares, la présence d’ingénieurs japonais
parmi le Viet Minh du Nord est néanmoins notable.
C’est d’autant plus le cas que notre connaissance de cette contribution provient d’une source vietnamienne très haut placée à l’époque, à savoir l’ancien ministre de l’Économie,
Le Van Hien. Dans son journal récemment publié au Vietnam, Hien ne cache pas la présence d’une poignée de conseillers techniques japonais au ministère de l’Économie
à la fin des années 1940.
Ceux-ci travaillaient souvent à ses côtés, donnant leur avis sur la planification, l’organisation et la gestion de l’économie et des ressources de la RDVN située au Nord-Vietnam .
Hien mentionne cinq déserteurs japonais principaux par leur noms vietnamiens : Thuan, Thanh, Lam, Hien et Duong.
Quelques-uns de ces ingénieurs employés par son service économique avaient travaillé dans les mines du Tonkin (celle de Minh Khai en particulier)
pendant l’occupation japonaise .
Bien entendu, c’étaient leurs connaissances techniques et leur familiarité avec les mines tonkinoises qui les rendaient précieux au Viet-Minh. « Thuan » est un bon exemple.
Ingénieur (ky su) de profession, il servait de conseiller économique à Le Van Hien dans l’ « étude de la planification de construction » et dans la fonderie de plomb
pour l’industrie d’armement au Nord-Vietnam. Impressionné par ses talents techniques,
Hien nous dit dans ses souvenirs qu’il le considérait comme « une véritable main qualifiée » .
Un autre exemple est fourni par deux autres ingénieurs japonais stationnés près de Lao Cai qui appliquaient des méthodes scientifiques pour exploiter des mines
et extraire des phosphates et d’autres produits chimiques essentiels pour la fabrication locale des armes et explosifs.

Certains experts financiers japonais servaient aussi de conseillers dans la gestion de la politique bancaire de la RDVN.
Si leur nombre était infiniment plus restreint, leur importance ne l’était peut-être pas. Encore une fois, c’est Le Van Hien qui nous révèle qu’un Japonais nommé « Tung »
(de son nom vietnamien, Hoang Dinh Tung) était le plus important de ses conseillers économiques.
La raison en est simple : ce « Tung » n’était autre que l’ancien directeur (giam doc) de la Banque de Yokohama à Hanoi.
Après la défaite japonaise en 1945, il se rallia à la RDVN pour occuper une place de conseiller dans la « Banque nationale du Vietnam » (Quoc Gia Ngan Hang Vietnam).
Selon Hien, ce Japonais joua un rôle influent dans la mise au point de la « politique bancaire » (chinh sach ngan hang) de la RDVN .

Une source japonaise fournit des renseignements similaires sur un certain M. Fujita.
Ce dernier était un ancien employé de la Yokohama Specie Bank à Hanoi, transféré à la Banque d’Indochine après le 9 mars 1945.
Il continua à y travailler pendant l’occupation chinoise. À la fin de 1945, il fut recruté par des agents du Viet-Minh infiltrés dans la banque.
Fujita se rallia au Viet-Minh à ce moment-là, en aidant la RDVN à mettre en œuvre un « nouveau système bancaire et un régime de devises »,
ce qui recoupe largement les dires de Le Van Hien au sujet de « Tung » .
Comme le dit également l’ancien ministre au sujet des contributions de Tung lors d’une réunion de la sous-commission de la Banque Nationale
(Hoi Nghi Tieu Ban Quoc Gia Ngan Hang) en septembre 1949 :
« Puisque Hoang Dinh Tung a travaillé antérieurement à la banque de Yokohama, il a des expériences concrètes et a donc pu fournir beaucoup de suggestions
sur les questions d’organisation [de la politique bancaire]. » 
Constat qui pourrait résumer de façon générale la politique vietnamienne concernant le recrutement de Japonais.


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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeVen 24 Mai - 11:30

Un autre domaine où les compétences modernes de quelques déserteurs constituaient une contribution non-négligeable fut l’application de la médecine occidentale
au service du Viet-Minh dispensée par quelques docteurs japonais déserteurs.
L’un des plus notables fut le Dr Phuong. Bien que nous ne sachions que peu de choses sur lui, il figure néanmoins parmi les noms souvent mentionnés par Le Van Hien.
À partir de décembre 1949, la RDVN autorisa Phuong à fonder un laboratoire pour fabriquer des médicaments (phong bao che thuoc), dont l’armée vietnamienne
avait grand besoin pour soigner les blessés. Cette « industrie pharmaceutique » locale à la japonaise visait aussi à amoindrir la dépendance du Viet-Minh des importations coûteuses. Selon Hien, les Japonais dans son entourage ont joué un rôle important dans la construction de ce laboratoire médical dans le maquis,
dont « Bac si » Phuong devint le directeur en décembre 1949.
Pour encourager leur soutien à la résistance, une « politique correcte et généreuse » (chinh sach dung dan, rong rai) leur fut appliquée .
Outre ces deux médecins japonais au service du Viet-Minh, nous avons pu identifier sur une liste de 81 déserteurs repérés au Vietnam du Nord vers 1951,
11 infirmiers et deux médecins japonais.



CONCLUSION

Il est difficile, à ce stade de nos recherches, de savoir précisément combien de déserteurs japonais allaient rester dans les rangs Viet-Minh après l’arrivée des troupes
de Mao Zedong sur la frontière vietnamienne vers 1950.
Ils devaient probablement se chiffrer à quelques centaines d’hommes dans le Nord, et sans doute moins dans le Sud.
Sur ce nombre, des dizaines d’alliés seulement restaient vraiment utiles à la RDVN au seuil des années 1950. Les autres, moins indispensables, vivaient sans doute
en petits groupes étroitement surveillés par le Viet-Minh. Avec l’alignement idéologique et officiel de la RDVN sur le reste du monde communiste depuis 1950,
la surveillance de ces alliés japonais par les leaders communistes chinois et vietnamien devenait impérieuse, tant en raison de leurs passés politiques mouvementés
qu’à cause de la menace qu’ils représentaient comme espions éventuels.
En tout cas, ce noyau dur d’ « alliés tardifs » ne comprenait certainement pas des milliers d’hommes en 1950, comme des détracteurs de la RDVN ont pu l’affirmer.
Pourtant, les Japonais encore présents travaillaient dans l’état-major de l’armée vietnamienne, détenaient parfois des postes de confiance, poste de commandement
ou de conseillers techniques, qui infirment la version minimaliste défendue par les nationalistes vietnamiens.
En fait, selon une récente étude militaire publiée à Hanoi, l’état-major général du Vietnam décida lui-même en 1951 de congédier officiellement les conseillers japonais
(et européens) travaillant dans ses bureaux. Ils les renvoyèrent via les canaux internationalistes de la Chine communiste .


Entre-temps, les autorités militaires au Japon continuaient à se préoccuper du sort de leurs soldats non-rapatriés et redoutaient leur possible retournement par les Chinois.
Au début de l’année 1949, le célèbre diplomate et homme d’affaires de la Chine nationaliste, T. V. Soong, demanda à son ami et associé français Louis Rondon longtemps actif
en Asie, s’il pouvait utiliser ses contacts au Tonkin et en Chine du Sud pour organiser le rapatriement des derniers déserteurs japonais encore présents au Nord-Vietnam.
En décembre 1949, le général Terauchi pour qui travaillait Soong, arriva à Hanoi pour tenter de faire rentrer ces transfuges avant l’arrivée des communistes chinois à la frontière.
Il s’adressa par la radio à ses hommes et lança un appel directement à Ho Chi Minh à leur sujet .
Bien que nous ne connaissions pas le résultat de tous ces efforts, des sources japonaises révèlent qu’au lendemain des accords de Genève en 1954, 71 Japonais quittèrent
le Viet-Minh pour retourner dans leur pays.
Une poignée d’hommes continuèrent à rentrer chez eux au fil des années. Quelques-uns ne reviendront jamais, dont Takuo Ishii, tué au Vietnam en 1950.

Au cours de cette étude, nous avons voulu montrer l’importance de prendre en compte ces « étrangers asiatiques » dans l’analyse de la guerre franco-vietnamienne.
Sans vouloir un instant nier les origines nationales de l’armée vietnamienne ni diminuer la puissance militaire des Français et des Américains, il nous semble intéressant
de mesurer le rôle joué par d’autres acteurs asiatiques du conflit, japonais en l’occurrence.
La toile géo-historique de la guerre apparaît alors plus complexe qu’on ne le croit. Nous avons également suggéré comment la « modernité » militaire pouvait entrer au Vietnam
par un intermédiaire asiatique relativement méconnu. Si l’on ne doit pas exagérer l’importance de ce transfert technique japonais, il est nécessaire de le considérer
à sa juste valeur, d’apprécier l’aide qu’il put représenter quand les besoins militaires de la révolution vietnamienne étaient maximaux, alors que ses capacités militaires
étaient, inversement, déficientes. C’est ce fossé originel entre volonté politique et faisabilité militaire que l’on doit garder à l’esprit pour évaluer l’apport des alliés tardifs
japonais au Viet-Minh.

Significativement depuis 1948 et plus encore à partir de 1950, cet apport ira décroissant. Ironiquement, ce fut au moment même où l’état-major vietnamien renvoyait chez eux
ses conseillers japonais via la Chine que prit place, à partir de 1950, un nouveau groupe, très « internationaliste », de conseillers asiatiques au Vietnam.
En fait, durant toute la seconde moitié de la guerre d’Indochine, des centaines de conseillers chinois auront un impact bien plus profond sur l’armée vietnamienne
que leurs prédécesseurs japonais.
Les Français et les Américains ne furent clairement pas les seules forces étrangères impliquées au Vietnam.
Et les Vietnamiens ne furent pas toujours seuls à lutter contre elles...



source
cairn.info


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vania
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitimeSam 25 Mai - 6:36

Analyse claire et détaillée sur un sujet peu connu ... Cool
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MessageSujet: Re: Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh    Les apports techniques des déserteurs japonais au Viet-Minh  Icon_minitime

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