Le 11 janvier à 14 h, le commandant de l’Afrique apprend que les deux remorqueurs Cèdre et Victoire n'ont pu dépasser l'île d'Aix à cause du mauvais temps.
Vers 15 h 30, le Ceylan annonce son arrivée au paquebot Afrique. Vers 16 h, le Ceylan propose à l’Afrique de le remorquer mais le commandant de l’Afrique lui répond
qu'il est impossible d'exécuter cette opération et lui demande juste de l'escorter.
Le Ceylan accepte et l’Afrique essaie péniblement de se remettre en route avec sa seule machine encore en état de marche.
Il est 15 h, le plateau de Rochebonne est à 17 milles dans le 53° et le bateau-feu (bouée automatique qui jouera un rôle dans ce drame) à une vingtaine de miles dans le 57°.
Vers 18 h la dernière machine en marche (machine bâbord) ralentit et s'arrête par manque de pression.
Les chauffeurs ont de l'eau jusqu'au ventre et l'approvisionnement en charbon est presque impossible.
L’Afrique est à nouveau malmené par le vent et dérive à environ 7 ou 8 miles du bateau-feu de Rochebonne.
Après plusieurs essais pour redémarrer la machine bâbord, la salle des machines est abandonnée à 20 h.
Vers 21 h 30, l’Afrique signale qu'il va être obligé de stopper sa dynamo, sa lumière s'éteint et il ne peut plus opérer qu'avec son appareil de secours.
Tout en continuant de monter, l'eau a envahi toutes les machines et la chaufferie mais pas les autres compartiments isolés par des cloisons étanches.
Le Ceylan est toujours dans les environs mais l’Afrique privé d'électricité ne peut plus être vu par le Ceylan qui s'est éloigné pour éviter un abordage
et les hauts-fonds de Rochebonne. L’Afrique dérive lentement vers le bateau-feu de Rochebonne.
La radio du paquebot fonctionne encore à l'aide des batteries de secours mais n'est pourtant pas utilisée.
Le 11 janvier à 22 h, le bateau heurte le bateau-feu par tribord devant et par le travers de la cale no 2, mais la bouée ne s'arrête pas là et continue de heurter plusieurs fois
le navire et se dégage seulement au bout de 7 à 8 minutes.
Immédiatement l'équipage constate une forte voie d'eau dans les aménagements des 3e classes. Ils ne parviennent pas à la colmater et font évacuer tous les passagers
et le personnel en fermant les portes étanches des différents compartiments.
L'opération est terminée à 23 h 30 environ. Tous les passagers ont reçu l'ordre de mettre leur gilet de sauvetage dès 20 h.
À minuit, le commandant décide qu'il est temps de lancer les embarcations de sauvetage à la mer.
Il est décidé qu'on lancerait en premier les embarcations de bâbord. Le canot 6 ne peut être lancé, les canots 4 et 2 sont donc mis à l'eau avec 2 hommes d'équipage par canot ;
mais à peine les passagers sont prêts à descendre vers les canots que ces derniers sont projetés à la mer avec les hommes d'équipage.
Il est temps maintenant de lancer les embarcations de tribord. Le canot 1 est lancé mais personne ne peut prendre place à l'intérieur.
Le canot 3 est emporté lui aussi avec quelques hommes à son bord. Il ne reste plus que le canot 5 qui transporte deux seconds maîtres de la Marine,
un passager civil (le seul civil rescapé) et deux autres membres d'équipage, mais aussi le deuxième lieutenant, un mousse et le maître d'équipage, Joseph Corlouër.
La plupart des passagers, malades et apeurés, n'ont pas voulu grimper à bord des canots de sauvetage.
Seuls quelques tirailleurs sénégalais prendront place à bord des radeaux qui n'ont pas encore été mis à flot. Les canots de sauvetage offraient un nombre de places
nettement inférieur au nombre de passagers.
L'Afrique ne disposait lors de son naufrage que de six baleinières, la septième ayant été emportée lors de la tempête. Il ne restait donc que deux ou trois canots
pour les 602 personnes à bord.
Les membres de l'équipage ne sont pas blâmables dans ces circonstances, ils ont tout fait pour inciter les passagers à embarquer et ne sont montés dans les canots
qu'à la dernière minute. Le commandant Le Dû est resté à son poste jusqu'à la fin et n'a jamais quitté son navire, précisant sa position avant de sombrer.
Sa dernière action est d'avoir fait monter les passagers sur le pont de l'équipage (le point culminant du navire) et d'avoir attendu sereinement que la mer engloutisse son navire.
Rescapés du naufrage, canot avec 9 survivants
Radeau de rescapés sénégalais, 13 à bord (un va décéder)
Bilan
Il n'y a eu que 34 rescapés sur les 602 personnes à bord : ce sont les 12 hommes de la baleinière 5 (qui transporte aussi le seul civil survivant) qui accosteront
à Saint-Vincent-sur-Jard et les 23 autres ayant été repêchés par le Ceylan, 9 hommes qui seront repêchés dans une baleinière et 13 Sénégalais sur un radeau ;
l'un d'eux (Mamadou N'Diaye) décédera sur le pont du navire sauveteur.
Il faut indiquer aussi que le passager civil (Jean-Georges Métayer, 3e classe), après avoir rejoint la terre ferme au lieu de suivre ses concitoyens pour un interrogatoire des autorités
à propos du naufrage, rejoindra Bordeaux et donnera sa version des faits au journal La Petite Gironde, mais elle ne fut pas publiée.
Quelques corps seront repêchés par des bateaux accourus sur les lieux du naufrage. Douze seront repêchés par les remorqueurs Hippopotame et cinq par le Cèdre :
c'est tout ce que trouveront ces bateaux sur les lieux du sinistre.
Trois à quatre jours plus tard, tous les garde-côtes seront mobilisés pour chercher les corps (s'échouant ou dérivant près de la côte).
Le mercredi 14 janvier un dirigeable de la Défense de Rochefort signala un certain nombre de corps entre le Grouin du Cou (La Tranche-sur-Mer) et les Barges.
Trois chasseurs de sous-marins seront aussi envoyés dans les zones proches, le chasseur no 17 trouvera des corps.
Un radeau en bon état a été aussi retrouvé sur la côte avec à son bord deux souliers, trois ceintures de sauvetage et deux couvre-chefs.
Un canot sera aussi retrouvé dans les parages mais les premiers corps ne réapparaîtront pas avant au moins un mois.
La plupart, affreusement mutilés, ne seront pas identifiables et seront inhumés dans la fosse commune. Certains seulement seront reconnus grâce à des objets personnels
(comme le commandant Antoine Le Dû par son alliance gravée aux initiales de son nom et de celui de son épouse, Anna Le Caër), d'autres seront aussi retrouvés dans des filets
de pêche, mais des gens n'ayant aucun scrupule n'hésiteront pas à dépouiller les cadavres de leurs biens.
Deux corps seront également retrouvés les 30 janvier et 2 février sur la côte à La Guérinière, sur l'île de Noirmoutier.