Le mortier de 280 TR modèle 1914 Schneider était un mortier de siège construit en petite série par Schneider et Cie.
Utilisé principalement par la France durant la Grande Guerre, une quarantaine d'exemplaires fut vendue à l'Empire de Russie pour servir, entre autres, durant la guerre civile russe
et la guerre russo-polonaise sous la dénomination de 11 дм. осадная мортира обр. 1912 г. (« mortier de siège de 11 pouces modèle 1912 »)
ou plus communément 280-мм мортира Шнейдера образца 1914/15 гг. (« mortier Schneider de 280 mm modèle 1914/15 »).
Une version chambrée en calibre 24 cm fut créée à la demande de l'US Army, désignée M1918 240 mm Howitzer , mais ne fut pas terminée avant la fin de la Guerre.
Contrairement à sa dénomination officielle, il conviendrait plutôt d'utiliser le terme d'« obusier » au lieu de « mortier » en raison de ses caractéristiques techniques
(chargement par la culasse au lieu de la bouche et longueur en calibre inférieure à L/201).
L'artillerie du xixe siècle fut souvent divisée en deux types : l'artillerie dite « de campagne », plus conventionnelle, accompagnant l'infanterie sur le champ de bataille et l'artillerie
« de siège » utilisée pour réduire les positions fortifiées ennemies.
Ce dernier type était caractérisé par des armes de gros calibre nécessitant un important déploiement logistique.
L'efficacité de l'artillerie de siège fut mise en lumière lors du siège de Port-Arthur (mai 1904) durant lequel l'Armée impériale japonaise déploya contre les fortifications
et navires de guerre russes, des mortiers lourds de 28 cm, conçus par la firme anglaise Armstrong.
Ce détail de l'histoire n'échappa pas aux Russes qui approchèrent, dès 1909, la société Schneider et Cie pour concevoir un obusier de siège de calibre 11 pouces (279,4 mm) TR
(à tir rapide) ayant une portée de 6 000 m afin d'améliorer l'artillerie du Tsar.
Le prototype de Schneider, issu de son usine du Creusot, fut livré à l'Armée impériale russe pour essais en 1912 sous le nom de 11 дм. осадная мортира обр. 1912 г.
(mortier de siège de 11 pouces modèle 1912).
Ce nouvel obusier fut testé face à des cibles fortifiées spécialement construites pour l'occasion, sur le polygone de tir de l’île de Berezan du fleuve Dniepr (Russie).
Ces essais sont connus sous le nom d'« expériences d’Otchakoff ». Bien que les projectiles ne fussent pas capables de percer des fortifications modernes renforcées,
les performances générales du concept furent jugées satisfaisantes.
Ainsi, la Russie commanda 16 exemplaires à Schneider qui furent fournis en 1915 sous la désignation de officielle de 280-мм мортира Шнейдера образца 1914/15 гг.
(mortier Schneider de 280 mm modèle 1914/15).
Durant cette période, l'Armée de terre française fut également intéressée par le concept pour remplacer ses vieux mortiers de 270 de Bange modèle 1885.
L'Assemblée nationale hésita jusqu'en 1913 avant d'autoriser une commande de 18 pièces, au moment où il était évident que l'Europe allait basculer dans la guerre.
Initialement, les canons français devaient être en calibre 280 mm mais furent finalement construits sous la norme russe 279,4 mm.
Bien que le calibre soit identique, les pièces russes et françaises présentent des différences, notamment au niveau de la culasse.
À la suite de retards en partie dus à la mobilisation générale d'août 1914, les premiers obusiers français furent livrés à la fin de 1915.
Conception
Le mortier de 280 modèle 1914 Schneider était un obusier de siège de conception classique pour son époque, avec culasse à filetage interrompu type de Bange.
Afin de compenser le fort recul induit par le calibre, un système d'absorption hydropneumatique, existant sur les autres pièces d'artillerie françaises, était monté sur le canon.
Ce canon de 12 calibres de longueur (L/12) autorisait une vitesse de sortie initiale des projectiles de 418 m/s pour une portée maximale de 10 950 m.
Contrairement aux autres armes de siège contemporaines, dont les pivots étaient positionnés très haut sur le tube pour permettre d'absorber le recul lors des angles de tir élevés,
le 280 mm modèle 1914 nécessitait de creuser une fosse sous la plaque de base pour accueillir la course de recul du canon.
En contrepartie, cette pièce d'artillerie n'avait pas besoin d'une large plaque de base pour sa stabilité mais seulement d'une paire de bras articulés terminées
par des plaques carrées. Optionnellement, un bouclier pouvait être monté.
Bouche à feu
La bouche à feu en acier est composée d'un tube renforcée sur toute sa longueur par deux manchons : le manchon de volée et le manchon de culasse
portant chacun une agrafe destinée à réunir le mortier au traineau.
La fermeture de culasse est à obturateur plastique, à vis à filet interrompu, à manœuvre rapide par un seul mouvement continu d'un levier.
Un appareil de mise à feu à répétition qui peut être actionné soit directement sous par l'intermédiaire d'un cordeau tire-feu permettant au pointeur de « mettre le feu »
sous tous les angles de tir.
Traîneau
Le traîneau est constitué par un bloc en acier dans lequel sont aménagés les logements des freins et du récupérateur pneumatique.
Il est fixé au mortier par des agrafes et un dispositif de calage à vis permettant son transport en voiture et sa mise en batterie.
Il porte sur sa partie supérieure des glissières garnies de bronze pour le recul sur le berceau.
Les deux freins hydrauliques à contre-tige centrale, indépendants du récupérateur, sont munis de modérateurs de rentrée en batterie.
Le récupérateur pneumatique est composé d'un cylindre, au-dessus duquel sont placés deux réservoirs à air, communiquant avec le cylindre par des conduits percés
dans le traîneau.
Berceau (B)
Le berceau en tôle d'acier porte sur sa partie supérieure les glissières sur lesquelles recule le traîneau. Il est renforcé en son milieu par une entretoise portant les tourillons,
qui reposent dans les sous bandes4 de l'affût. Vers l'avant du berceau sont fixés les tiges des pistons de freins et de récupérateurs.
Affût-châssis
L'affût supporte l'ensemble de la masse oscillante (berceau, traîneau et bouche à feu) et est formé de deux flasques5 en tôle reposant sur un plancher de même matière.
Les flasques et le plancher sont reliés à l'avant et à l'arrière par des entretoises. Chacune est munie sur sa partie supérieure de sous-bandes et de sus-bandes
pour les tourillons du berceau. Chaque sous-bande porte une couronne de galets montée sur ressort qui supportent le berceau et réduisent les efforts de manœuvre
pendant les mouvements de pointage et de retour à la position de chargement.
L'affût repose sur une plateforme, fixée à l'avant par un pivot et à l'arrière sur son chemin de roulement au moyen de deux galets à effacement fixés aux flasques
et montés sur ressort.
Un boulon à écrou logé dans ce pivot avant et deux agrafes placées à l'arrière des flasques fixent l'ensemble.
Des marche-pieds mobiles, placés à droite et gauche de l'affût permettent aux servants de manœuvrer facilement.