Bataille d'Abbeville 4 juin 1940 Attaque du Mont Caubert
Le CRECY-AU-MONT est parvenu jusqu'au cœur des positions allemandes du Mont-Caubert. Il détruit un canon de 88mm avant de succomber lui-même.
Le chef de char, le lieutenant Blondelet et l'aide pilote, chasseur Célérier, sont tués.
Récit du sergent Job, pilote du CRECY-AU-MONT.
"Vers minuit courte halte, puis nous repartons. 3 heures.
Nous arrivons en bordure d'un bois mais il fait encore sombre et je distingue peu de choses des environs.
Le lieutenant est allé aux renseignements.
"A vos postes." Calmement nous gagnons nos places. Le lieutenant, marchant devant le char, me guide à travers les champs. "Halte !"
Le lieutenant s'engouffre dans le char, tire les verrous et ferme la porte de tourelle. Nous sommes à l'abri d'un petit talus qu'il nous faudra franchir tout à l'heure
en ordre de bataille. Je distingue à peine les chars qui sont devant moi...
Nous attendons, scrutant le visage du radio. L'ordre de départ arrive enfin et c'est le moment que choisit ma troisième pour ne pas passer.
Nous montons donc lentement. Il fait à peine jour et ce mauvais départ me fait perdre un terrain que je m'efforce de rattraper.
Il y a une brume qui rend la visibilité mauvaise. Enfin, peu à peu, le jour devient meilleur. Une grosse meule de paille se dresse dans le champ que je traverse.
Belle occasion d'essayer un coup au but de 75mm à 300 mètres. Peu après, une violente secousse ébranle le char. Nous avons certainement touché une mine.
L'appareil est presque arrêté mais répond rapidement à mon coup d'accélérateur. J'éprouve cependant de la difficulté à reprendre ma pleine vitesse.
Le lieutenant arrose à la mitrailleuse la lisière d'un bois. Je repère une flamme en même temps que le lieutenant me signale l'arme qui nous tire dessus.
Nous enregistrons des chocs. Rapidement nous pointons nos armes sur la flamme du canon antichar.
Le lieutenant tire au canon de 47mm et j'envoie deux coups de 75mm à environ 600m. Nos coups portent...
J'utilise le 75mm contre des boqueteaux où il me semble apercevoir des groupes ennemis. Un second antichar est neutralisé, puis le char qui avance toujours
dans des trous cachés par les hautes herbes. A l'intérieur, tout s'éteint à chaque bascule. Nous sortons d'un trou pour tomber dans un autre et je me demande
comment nous en sommes sortis. Je réussis enfin à trouver un terrain moins accidenté, presque un sous-bois.
Le feu se déclare soudain dans la chambre des machines, de grandes flammes... Calmement, le lieutenant commande à Juteau d'actionner l'extincteur.
Il s'approche de moi : "Il fait chaud dans ce coin !" Nous roulons lentement. Le tableau de bord indique de hautes températures pour l'eau.
Juteau envoie un S.O.S. car nous ne sommes pas surs de ce qui va arriver. Enfin le feu est arrêté.
Nous arrivons au sommet d'une colline que je commence à descendre. Le Lieutenant descend et me signale un groupe que nous n'identifions pas tout d'abord.
Remonté dans la tourelle, la mitrailleuse puis le 47mm ne tardent pas à entrer en action... J'ai compris...
A la corne d'un bois j'aperçois un canon abandonné, les obus rangés autour. Le lieutenant continue à faire feu sur les lisères. Mon idée est de foncer sur ce canon,
de le démolir... Rapidement nous avançons mais, arrivés à quelques mètres du canon, un coup au but nous immobilise.
Le moteur s'arrête. Le feu est à l'intérieur et cette fois tous les réservoirs flambent. Au moins 150 litres d'essence !
Je coupe le contact et je me retourne juste à temps pour apercevoir un gros éclatement dans la chambre d'équipage. Ce coup nous a pris de plein fouet.
Tout flambe ! L'air est irrespirable. Je ne crois pas que le premier coup ait blessé l'un de nous mais le second nous a été fatal.
Je crois être touché à la poitrine, étant complètement asphyxié et dans d'impossibilité de respirer. Je m'évanouis.
A mon réveil, quelques secondes plus tard, j'ouvre mon volet et respire de l'air frais du dehors... Je cherche à distinguer à l'intérieur, mais je suis aveuglé par la fumée
et le feu est derrière moi.
Où sont mes camarades ? Il me semble les voir dehors... puis à l'intérieur... Il ne reste rien à détruire, tout brûle.
Avant que je n'ai pu réaliser, deux allemands m'ont saisi et me traînent sur le terrain. Des hommes sortent des trous, lèvent le poing à mon passage.
Juteau est amené vers moi, encadré. Il me serre la main et comme moi, hélas, il pense à nos deux camarades. Le deuxième obus a du les tuer sur le coup..."
source
chars-francais.net