Lors de son cinquième vol, la partie inférieure du fuselage fut endommagée suite à une panne du train d’atterrissage principal. Après réparations, des problèmes furent également rencontrés au cours d’essais en vol avec les volets, le train avant, le palonnier et l’instrumentation.
A la fin du mois de février 43, Gerhard Caroli, le chef des essais en vol, testa le Messerschmitt, il constata, lui aussi, que les efforts pour actionner les surfaces de contrôle étaient bien trop importants. Au cours du dernier vol de février, Karl Baur atteignit les 600 km/h, mais à cette vitesse, il devint évident que l’empennage vertical devait être entièrement repensé. Le 4 mars 1943, au bout de 15 minutes de vol, le moteur n°3 se mit à fumer et dut être coupé.
De retour au sol, ce moteur fut changé, et les essais purent reprendre 5 jours plus tard. Ce fut alors le pilote automatique qui posa, des problèmes. Le 23 mars, ce fut plus grave ; lors de l’atterrissage, la jambe gauche du train principal céda, elle s’était vraisemblablement mal verrouillée. Les réparations immobilisèrent l’avion pendant deux mois, on en profita pour modifier la timonerie, la radio, le train avant, l’empennage, le revêtement des ailes, et on installa quatre Jumo 211J flambants neufs.
Les problèmes rencontrés par le Me 264 assombrirent l’avenir de l’appareil. L’Amiral Dönitz donna alors préférence au Focke Wulf Ta 400. Cependant, cet avion ne pouvait pas, lui non plus, être prêt avant 1946 ou 1947. Aussi, fut-il décidé que le Ju 290, le He 177 et le Ju 390 devraient s’acquitter temporairement des misions de reconnaissance maritime.
Cependant, l’industrie allemande n’avait plus les moyens ni les capacités pour produire plusieurs types de quadrimoteurs. En mai 1943, un télex fut envoyé à Willy Messerschmitt : il stipulait que tous développements futurs du Me 264 devraient être interrompus et que le programme devait être abandonné.
Malgré ce télex, les vols d’essais se poursuivirent. Le 21 mai 1943, Karl Baur constata que les efforts physiques sur les ailerons et les empennages étaient toujours aussi excessifs. Le 2 juin, il laissa les commandes au Flugkapitän Fritz Wendel, le recordman du monde de vitesse sur le Messerschmitt Me 209, qui confirma les conclusions de Karl Baur. De nouveaux gouvernails ainsi que de nouveaux ailerons furent testés.
Le train avant posa de nouveaux problèmes, et il apparut que le nez amplement vitré faisait office de serre à cette saison : la température devenait excessive. Le 11 août, il fut décidé d’installer de nouveaux moteurs : des BMW 801 MG/2 de 14 cylindres en étoile de plus de 1800 ch.
En juin 1943, Willy Messerschmitt rencontra Hitler pour l'informer de la bonne progression du développement de son appareil, en espérant, bien entendu, que Hitler interviendrait en sa faveur. Le 8 juillet 1943, au cours d’une réunion de l’OKW, (Ober Kommando der Wehrmacht), Dönitz évoqua la nécessité de développer une aviation de reconnaissance lointaine.
Hitler promit tout son soutient à Willy Messerschmitt, il estima que la production du Me 264 était indispensable. Il insista sur la nécessité d’une version quadri ou hexamoteur, dotée d’une autonomie de 17000 km, suffisamment armée et néanmoins rapide de façon à travailler en synergie avec les sous-marins, cependant ce profile de mission l’amena à renoncer au bombardement la côte nord-est des Etats-Unis.
Dès le lendemain, Milch fit poursuivre la construction des prototypes dans un but purement expérimental alors que la Kriegsmarine continuait à réclamer de toute urgence des bombardiers à long rayon d’action !
Pour pallier le manque d'espace nécessaire à l’achèvement leur construction, les ateliers furent déplacés d’Augsbourg à Gersthofen. Il apparaissait, de plus en plus clairement, que le développement de cet avion devenait insurmontable : quel que soit le modèle de quadrimoteur choisi, sa production nécessitait qu’une usine entière, avec tout son personnel, lui fut consacré. Or l’Allemagne n’avait plus, à cette date, les moyens de ses ambitions.
Au début de 1944, Milch, en accord avec Goering, voulut stopper le Me 264 définitivement afin d’allouer les ressources ainsi libérées au chasseur à réaction Me 262. Il déclara : "Le Me 264 ne gagnera pas la guerre, mais le 262 peut la gagner. C’est pourquoi tous les efforts doivent porter sur ce dernier".
Pendant ce temps, le V-1 avait reçut ses nouveaux BMW, mais le 18 mars 1944, il fut endommagé au cours d’un raid aérien sur Lechfeld. Les réparations furent vite entreprises et un mois plus tard, le 14 avril, les tests reprirent. Lors des premiers essais de roulage, les freins lâchèrent. Peu de temps après, lors de l’atterrissage trop cabré, l’arrière de l’avion toucha le sol et de nouvelles réparations furent nécessaires.
D’avril à juin, de nombreux vols d’essais furent effectués aux mains de plusieurs pilotes d’essais dont l’ingénieur Scheibe et l’Hauptmann Nebel. Ces vols mirent en évidence, une fois de plus, les problèmes liés aux empennages, au pilote automatique et au système électrique. Au cours du vol du 26 juin, alors que l’appareil prenait de l’altitude, la pression d’essence des moteurs intérieurs tomba brutalement à zéro. Ces défauts allaient encore nécessiter de longues réparations.
La situation militaire se dégrada rapidement, L’Amiral Dönitz, ainsi que le Commandement de l’aviation de reconnaissance, reconnurent que les missions de reconnaissance lointaines avec de gros appareils sous-motorisés étaient irréalistes.
Le 29 juin 1944, l’OKW entérina le fait que le Me 264, ainsi que le Junkers Ju 390, seraient très probablement inaptes à une utilisation opérationnelle. Munis de la totalité de leurs équipements militaires, ainsi que de leur charge de bombes, leur masse au décollage était devenue excessive. Le 18 juillet 1944, suite à un bombardement, le prototype V-1 fut gravement endommagé, et déclaré irrécupérable.
Une partie des composants déjà assemblés des prototypes V-2 et V-3 furent également détruits, ainsi que plus de 80% de l’outillage et des installations nécessaires à la production. Dans le meilleur des cas, le Me 264V-2 ne pourrait pas être prêt avant février 1945.
Le Me-264V-2 était équipé de moteurs BMW-802 plus puissants. Il ne vola jamais : la guerre prit fin avant qu'il ne soit achevé.
Envers et contre tout, la Luftwaffe mit sur pied le Sonderkommando Nebel, dirigé par l’Hauptmann Nebel, chargé de poursuivre la construction du V-2. Le 5 août, Hitler approuva le projet et insista pour que la fabrication en série puisse débuter rapidement.
Le 30 août, Albert Speer, Ministre de l’armement du Reich, ordonna que la production en série du Me 264 soit lancée de toute urgence et que soient consacrés les moyens industriels nécessaires à sa production. Malgré ces promesses le Sonderkommando Nebel ne reçut aucun moyen pour mener sa mission à bien !
De plus, la perte des sous ensembles détruits dans le bombardement du 18 juillet rendait cette mission impossible. Willy Messerschmitt, toujours optimiste, adressa de nouvelles propositions de développement de son appareil, avec des versions équipées de deux ou de quatre réacteurs d’appoint.
Cependant, cet accroissement de puissance, de vitesse et du plafond, aurait pour conséquence une augmentation de la consommation. Elle aurait indubitablement entraîné une réduction sensible de l’autonomie au point de rendre l’appareil inapte aux missions de bombardement ou de reconnaissance lointaine.
Bien qu’il fut évident que la fabrication en série du Me 264 ne pourrait pas raisonnablement se faire avant juillet 1945, Albert Speer réitéra son ordre ; il déclara le 18 septembre 1944 "Le Führer a décidé l’urgence du programme V1, A4 et Me 264".
Quatre jours plus tard, le 23 septembre 1944, malgré les nombreuses tentatives de sauvetage du programme du Me 264, l’amiral Dönitz obtînt de Hitler qu’il consente à stopper tout développement sur le Me 264. Moins d'un mois plus tard, le 18 octobre 1944, une directive formelle fut reçue : "l’ordre technique Nr. 2" du Reichsmarschall Goering, qui disait : "La production du Me 264 est définitivement annulée".
Ceci mettait un point final à un programme de développement qui dura huit ans et qui s’acheva sur trois prototypes, dont deux inachevés, qui étaient encore bien loin d’obtenir un statut opérationnel.
Cependant, même après cet ordre d'annulation, les études furent poursuivies chez Messerschmitt et elles mobilisèrent de nombreux ingénieurs et dessinateurs. Ils travaillèrent sur une version commerciale du Me 264, ayant une autonomie de 12000 km et une charge utile de 4 tonnes. Cette dernière version, envisagée par Willy Messerschmitt, n’avait pour but que de protéger ses employés en les occupant à des projets utopiques. Ainsi, ils ne furent pas enrôlés sur le front russe.
Bien avant que le premier prototype eût volé, des développements complémentaires du Me 264 furent envisagés. Tout d’abord, le modèle V-4, devait utiliser quatre moteurs BMW 801E à haute performance équipés de compresseurs et de systèmes d’injection eau-méthanol GM-1
Une autre version prévoyait l’ajout de deux turboréacteurs Jumo 004B de 910 kgp sous les ailes en plus des quatre moteurs BMW 801 E/F de 1970 ch suralimentés. Le projet fut soumis à la Luftwaffe pour évaluation. Il fut même envisagé de lui faire emporter un chasseur parasite, un Me 328 à pulsoréacteur, pour sa propre protection. Ce système fut repris par les Américains avec le B-29 équipé du chasseur XF-85 "Goblin".
D’autres moteurs à pistons furent retenus comme pouvant équiper le Me 264 :
Toute une gamme de moteurs futuristes furent envisagés pour propulser le Me 264 : une version composée de quatre Jumo 004C, version améliorée du 004B disposant d’une post-combustion et développant environ 1500 kgp. Une autre version prévoyait l’emploi de quatre turbopropulseurs BMW PTL 028 de 3100 ch.
Cette version aurait certainement été la plus intéressante, car elle combinait puissance, et sobriété des moteurs, elle aurait pu propulser le Me 264 à plus de 700 km/h. Une version équipée de deux turboréacteurs BMW 018, développant chacun 3450 kgp, fut également prévue. Mais ces moteurs, tout comme les turbopropulseurs BMW n’existaient que sur les tables à dessins. Un autre projet prévoyait l’utilisation d’échangeurs de chaleur Ritz qui auraient permis d’augmenter considérablement l’autonomie.