La Guerre froide (1952–1991)
En 1956 est signée la déclaration commune soviéto-japonaise, qui mentionne la possible rétrocession au Japon des îles Habomai et Chikotan après la conclusion d'un traité de paix.
Durant la Guerre froide, les Kouriles ont une grande importance stratégique. L'archipel constitue la première ligne de défense de la Russie continentale. À côté d'une division de troupes terrestres (créée en 1978 et réduite en 1995) sont stationnés dans les îles environ quarante chasseurs-bombardiers MiG-23B qui peuvent atteindre Tokyo.
Dans les années 1980 en particulier, ces forces étaient considérées comme représentant une menace permanente pour Hokkaidō. En réponse à cette menace, les États-Unis ont apporté une aide militaire constante au Japon depuis 1952, d’autant plus renforcée que d’autres conflits régionaux sont nés depuis avec la Corée du Nord ainsi qu'avec la République populaire de Chine qui n’a pas signé non plus le Traité de San Francisco, et conteste l’influence japonaise sur le statut actuel de Taïwan (toujours non résolu) ou la présence de la flotte japonaise en mer de Chine ou à proximité de Taïwan.
Le Japon a constitué durant toute la Guerre froide pour la Russie, la Chine et encore aujourd'hui la Corée du Nord un « porte-avion américain » menaçant stationné en mer de Chine orientale, pour assister Taïwan et la Corée du Sud, ce qui n’a pas facilité les relations du Japon avec l’Union soviétique.
Le statut de l'archipel aujourd'hui
L'ensemble des Kouriles fait aujourd'hui partie de la Fédération de Russie, plus précisément de l'Oblast de Sakhaline.
Toutefois, le Japon réclame toujours les quatre îles Kouriles les plus méridionales (Kounachir, Itouroup, Chikotan et l'archipel des îles Habomai soit un tiers de la surface totale), selon la frontière fixée par le Traité de Shimoda signé par le Japon et la Russie le 7 février 1855, et arguant du fait que le Traité de San Francisco de 1951 (par lequel le Japon renonçait à ses droits sur les Kouriles) :
ne précise pas quelles îles exactement comprend la dénomination d'îles Kouriles ;
n'a pas été contresigné par l'URSS
Le gouvernement nippon considère que les quatre îles qu'il revendique sont partiellement des extensions d'Hokkaidō, et les appelle territoire du nord (北方領土, hoppō ryōdo?). Il ne revendique pas (contrairement au Parti communiste japonais) le retour à la frontière fixée par le Traité russo-japonais de 1875 incluant les îles plus au nord. La Russie, comme le faisait auparavant l'URSS, se réfère pour sa part à l'accord de Yalta de 1945, qui prévoit la cession des ïles Kouriles à l'URSS en échange de sa participation à la guerre contre le Japon, et considère que le renoncement japonais concerne l'ensemble de l'archipel.
Le Japon rétorque que, faute de signature d'un traité de paix avec la Russie, et d'une reconnaissance par la Russie du traité de San Francisco, et compte tenu du caractère arbitraire et unilatéral de la déclaration soviétique d’annexion de 1946, la question de la définition de cette frontière reste un élément négociable avec l’actuelle Russie. Le Japon négocie encore avec elle le statut des populations japonaises (et autochtones aïnoues) des Kouriles expulsées en 1946, afin de permettre leur réinstallation dans l’archipel et son développement économique.
Le 3 juillet 2009, la Diète du Japon a adopté une loi affirmant la souveraineté du Japon sur les quatre îles, le texte déclarant que le Japon « fera tous ses efforts pour obtenir la restitution au plus tôt des îles qui font partie intégrante du pays ». Le gouvernement russe a déclaré en réaction : « Nous considérons l'adoption de cette revendication territoriale infondée vis-à-vis de la Russie comme inappropriée et inacceptable ».
Ces îles offrent un intérêt stratégique majeur pour la Russie : en effet, tant que le Japon les possédait, les bateaux russes basés dans le port de Vladivostok n'avaient pas librement accès au Pacifique, d'autant qu'en hiver la mer d'Okhotsk est gelée. La navigation y est donc très difficile, sauf dans le sud de l'archipel où le climat est plus doux. L'annexion des Kouriles après la Seconde Guerre mondiale a ainsi permis de renforcer la position géostratégique de l'URSS (puis encore de la Russie actuelle) sur cet océan, en facilitant l'accès à celui-ci en toute saison. Enfin, les forces armées de la fédération de Russie restent encore très présentes à Kounachir, celle des îles qui est la plus proche des côtes japonaises.
L’intérêt halieutique des Kouriles est un autre enjeu majeur : il concerne l'attribution des zones de pêche environnantes qui étaient très poissonneuses.
Le 1er novembre 2010, le président Dmitri Medvedev se rend sur les îles, une première pour un chef d'État russe depuis 1945 ; ceci avant son déplacement au Japon pour le sommet de la coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Apec) le 12 novembre. Le Premier ministre japonais Naoto Kan juge alors « très regrettable » cette visite, qu'il qualifiera en février 2011 d'« outrage impardonnable ». Le ministre japonais des Affaires étrangères Seiji Maehara quant à lui convoque le jour-même l'ambassadeur de Russie à Tokyo pour protester contre cette visite6. Selon Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères, le chef de l'État russe est libre de choisir « les régions russes » qu'il visite, « ne voyant aucun lien » entre une visite sur ces îles et les relations russo-japonaises. Il juge « inacceptable » le mécontentement du Japon et annonce alors que l'ambassadeur japonais à Moscou sera convoqué7. En réaction, Seiji Maehara demande à son ambassadeur de rentrer au Japon8. Dans cette affaire, les États-Unis soutiennent le Japon, et encouragent les deux pays à négocier un traité de paix. Selon le porte parole du Département d'État américain Philip Crowley, « les États-Unis soutiennent le Japon et reconnaissent la souveraineté japonaise sur les territoires du nord ".
Plusieurs visites de ministres russes sur les îles ont lieu par la suite, notamment du ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, venu inspecter le 4 février 2011 une division d'artillerie5. À la suite de ses visites, une manifestation est organisée le 7 février par des militants nationalistes japonais devant l'ambassade de Russie, pendant laquelle ils traînent par terre un drapeau russe déchiré, provoquant l'ire de Moscou qui demande des poursuites. Le même jour, l'ambassade aurait reçu par courrier une balle accompagnée du message : « Les territoires du Nord sont une terre japonaise ». Le 9 février, Dmitri Medvedev annonce que son pays va renforcer sa présence militaire auprès de ces îles : les deux premiers navires de guerre de la classe Mistral commandés à la France, ainsi que des systèmes de missiles de défense antiaérienne S-400, des radars et des avions de combat Soukhoï Su-35 de nouvelle génération sont évoqués.
Le président russe Dmitri Medvedev se rend de nouveau sur les îles le 3 juillet 2012, et déclare qu'elles sont « une partie importante de la région de Sakhaline et tout simplement une partie importante de notre territoire russe ». La réaction du Japon apparaît alors plus modérée que lors de la précédente visite, limitée à une protestation formelle du ministère des Affaires étrangères, son titulaire Kōichirō Genba déclarant : « La visite de Medvedev à Kounachir ressemble à un seau d'eau froide versé dans nos relations ». De plus, le retour à la présidence de la Russie de Vladimir Poutine semble indiquer une politique plus favorable à un rapprochement et donc à un règlement diplomatique de la dispute territoriale.
Le 18 avril 2014, le ministère russe de la défense annonce l'adoption d'un plan détaillé de construction d'infrastructures militaires sur les îles Kouriles du Sud Itouroup et Kounachir d'ici à 2016.
Le désormais premier ministre Dmitri Medvedev visite une nouvelle fois les îles le 22 août 2015, visite immédiatement dénoncée par le Japon. Il y inspecte l'aéroport d'Itouroup, ouvert en septembre 2014, puis visite un forum consacré à l'éducation de la jeunesse russe ainsi que plusieurs projets économiques menés sur l'archipel.
Guerres successives et occupation russe des iles Kouriles