Débarquement : il y a 75 ans, tout ne s'est pas déroulé en Normandie
Le 6 juin 1944, l'opération Overlord est lancée. Les forces alliées débarquent en Normandie.
Le même jour, en Bretagne, l'insurrection débute également. Âgée de 19 ans, la résistante Anne-Marie Trégouët raconte cet épisode méconnu.
Le 6 juin 2019, tous les regards se tourneront vers la Normandie à l’occasion des 75 ans du Jour-J.
Pour beaucoup, cette date évoque la plus grande armada de l’histoire, des milliers de navires débarquant des milliers d’hommes… Américains, Britanniques, Canadiens
ou encore Français sur Juno, Omaha ou Sword beach. Mais l’opération Overlord ne s’est pas résumée à ces combats sur les plages normandes.
Le même jour, la Bretagne a elle aussi basculé dans l’insurrection.
Aujourd'hui âgée de 94 ans, Anne-Marie Trégouët née Perret est l’une des derniers témoins de cet épisode de l’histoire.
Soixante-quinze ans après, cette Morbihannaise, originaire du village de Loyat, dans le nord-est du département, se souvient parfaitement de cette journée.
"Le 6 juin, les gens ont appris le Débarquement grâce à la radio anglaise. Une nouvelle pareille, ça a couru les rues", se souvient-t-elle. "J’étais chez mon oncle.
Il avait encore du champagne. Il a débouché une bouteille !". Mais la joie laisse bien vite place à l’action.
"J’avais hâte de m’engager dans la résistance"
Depuis plusieurs mois, Anne-Marie et son oncle, Ange Mounier, un transporteur local, ont déjà rejoint la résistance. La jeune fille, qui n’est alors âgée que de 19 ans,
fait du renseignement. Institutrice au lycée du Sacré-Cœur de Ploërmel, alors occupé par des soldats allemands, elle est en excellente position pour observer leurs allées
et venues. "J’ai été recrutée à la fin de l’année 1943. J’avais hâte de m’engager dans la résistance.
Dans ma famille, on ne pouvait pas voir les Allemands. On n’avait qu’une envie, c’est qu’ils s’en aillent !", explique-t-elle avec un regard toujours très déterminé.
Le 5 juin 1944, un message est diffusé par la BBC :
"Il fait chaud à Suez". Ces quelques mots lancent le déclenchement de la guérilla contre l’occupant.
Dans le Morbihan, les résistants savent qu’ils doivent se regrouper pour commencer l'insurrection. Le chef départemental des FFI, le colonel Morice,
leur ordonne de se rassembler dans une ferme, la Nouette, située près du village de Saint-Marcel et qui sert déjà depuis plusieurs mois pour des opérations de parachutage.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, des parachutistes de la France Libre sont aussi déployés dans le Morbihan.
Ces commandos, membres du Special Air Service (SAS), ont pour mission d’effectuer des actes de sabotage et de mener une guérilla contre les troupes allemandes,
l’idée étant notamment de ralentir leur progression vers le front normand.
Anne-Marie Trégouët est là pour les accueillir. Dès le 6 juin, elle arrive au maquis de Saint-Marcel. L’effervescence est palpable.
"Il arrive des gens de partout et tout le temps", décrit l’ancienne résistante. "Je commence par leur faire la cuisine. On est employé à plein temps sur le maquis.
Les parachutages vont commencer tout de suite. Durant la nuit, on raccompagnait à la ferme les parachutistes qui avaient été largués.
C’était formidable, on n’avait jamais vu ça !".
Après le Jour J, en quelques jours, c’est une véritable communauté qui s'organisent à La Nouette. Un abattoir, une boucherie et même une boulangerie sont installés.
Plus de 3 000 hommes et femmes y passeront. Les parachutistes encadrent les résistants. Ils leur apprennent notamment le maniement des armes.
Anne-Marie de son côté porte des messages ou effectue des ravitaillements. "Il y avait un grand nombre de personnes qui s’activaient.
Ça courait dans tous les sens. Dans ces moments-là, on ne s’appartient plus beaucoup. Ça allait vite, et le soir, nous étions tellement fatigués.
On dormait par terre. Une nuit, j’ai même dormi dehors parce qu’il n’y avait plus de places dans le grenier", souligne l'agente de liaison.