Des solidarités individuelles, sont nés souvent des foyers de résistance plus organisés au sein d’un groupe de même nationalité,
de même conviction politique et quand les conditions de détention étaient plus favorables.
Le travail forcé : du ralentissement au sabotage
Par leur travail dans les usines et ateliers, les déportés devaient contribuer à l’effort de guerre allemand, pouvoir travailler signifiait donc avoir une chance de survie.
Le niveau de surveillance était différent selon les camps et les groupes de travail, laissant parfois des occasions de freiner ou perturber la production.
Les déportés apprenaient à ralentir le rythme pour économiser leurs forces et être moins productifs, quand cette forme de résistance ne mettait pas trop en danger leur vie
et celle de leurs camarades.
Les déportés au travail dans le camp de Dora, complexe industriel de construction des fusées V1 et V2
Temoignages:
« Il faut saisir tout ce qui se passe autour de vous - ralentir lorsqu'on voit le dos du Vorarbeiter ou du SS, jouer la comédie de l'actif lorsqu'ils s'approchent de vous
- sous peine de recevoir des coups ». Raymond Juillard, Bussières, déporté à Buchenwald, Sachsenhausen, Neuengamme, Sandbostel.
« Avec un Kapo et un SS en permanence derrière moi, prêt à frapper si la cadence diminuait, je ne vois pas comment j'aurais pu perturber et faire du sabotage.».
Georges Bonjour, Chalon, déporté à Mauthausen, Melk et Ebensee.
Le sabotage a pu prendre plusieurs formes : détourner du matériel, simuler une panne, réaliser des pièces défectueuses.
« À l'usine, une fabrique de chars, notre travée usinait des engrenages pour les chenilles …, et comme on travaillait à la chaîne, il suffisait qu'un tour tombe en panne
pour arrêter la production et on l'a fait aussi longtemps que l'on a pu, afin de ralentir le rythme du travail.» Jean Jarlot, Montchanin, déporté à Neuengamme et Sachsenhausen.
Les auteurs de sabotages étaient passibles de la peine de mort : trois déportées françaises le payèrent de leur vie et furent pendues à Flossenbürg en avril 1945.
Photo de Simone Michel-Levy prise à Ravensbrück. Noémie Suchet, Hélène Linière et elle ont été pendues à Flossenbürg pour avoir saboté une presse de 100 tonnes.
(Musée de l’Ordre de la Libération, Paris, collection FMD)
À Mauthausen
Suzanne Burdin témoigne d’un acte de résistance spontané en mars 1945 suite au bombardement d’une équipe partie travailler à la gare de triage d’Amstetten :
« Une nouvelle équipe a été formée le lendemain pour prendre la relève dont je faisais partie. Un essai de résistance a eu lieu, nous avons refusé de partir.
Aussitôt les SS étaient là, braquant leurs mitraillettes sur nous. Entre le massacre immédiat ou le risque d’être tuées par un bombardement, il valait mieux risquer le second.
Nous sommes donc parties. »
À Mauthausen, l’organisation de résistance intérieure joua un rôle important lors de la libération du camp : « J’assistais à un événement symbolique.
Deux camarades encore vaillants étaient occupés à déboulonner la statue en bronze massif de l’aigle géant qui trônait au dessus de la porte d’entrée du garage des SS.
Malgré son poids, l’aigle fut soulevé et balancé au sol où il piqua du nez…
Ah ! Quelle revanche sur les seigneurs du grand Reich nazi ; tous les témoins de la scène exultaient et applaudissaient de toutes leurs mains.
Une photo a immortalisé cet instant historique. » Robert Chanut, Cluny, déporté à Mauthausen, Gusen.