Seconde Guerre mondiale
Pilecki est mobilisé en tant que commandant de peloton de cavalerie le 26 août 1939.
Celui qui a déjà vécu deux guerres, est affecté à la 19e division d'infanterie du général Józef Kwaciszewski et son unité prend part à de violents combats contre la Wehrmacht
lors de la campagne de Pologne. Le peloton est presque complètement décimé à la suite d'un affrontement avec les forces allemandes le 10 septembre
et se retire au sud-est en direction de Lwów (aujourd'hui Lviv en Ukraine) et de la tête de pont roumaine. Il est intégré à la 41e division d'infanterie,
où Pilecki est nommé commandant en second sous les ordres du major Jan Włodarkiewicz.
Ses hommes et lui détruisent sept chars allemands, abattent un avion et en détruisent deux autres au sol.
Le 17 septembre, l'Union soviétique envahit l'est de la Pologne à la suite du pacte germano-soviétique. Le gouvernement polonais se rend officiellement au Troisième Reich
le 27 septembre 1939, mais Pilecki et nombre de ses hommes continuent à se battre en tant que partisans.
Sa division est dissoute le 17 octobre et une partie de celle-ci se rend à l'ennemi. Pilecki se cache à Varsovie avec son commandant, le major Włodarkiewicz.
Le 9 novembre 1939, les deux hommes fondent la Tajna Armia Polska (« l'armée secrète polonaise », TAP), l'une des premières organisations clandestines en Pologne occupée.
Pilecki devient commandant de la TAP et organise ce réseau clandestin qui s'étend à Varsovie, Siedlce, Radom, Lublin et à d'autres grandes villes du centre de la Pologne.
En 1940, la TAP compte environ 8 000 hommes, 20 mitrailleuses et plusieurs fusils antichars.
Pour maintenir sa couverture, Pilecki travaille en tant que gérant d'un magasin de cosmétiques. Plus tard, la TAP est intégrée à la Związek Walki Zbrojnej
(« l'union pour la lutte armée », ZWZ), plus tard renommée en Armia Krajowa (« armée de l'Intérieur », AK).
Au sein de l'AK, les éléments de la TAP deviennent le noyau de l'unité Wachlarz, spécialisée en sabotage sur le Front de l'Est, à l'extérieur des frontières polonaises.
En 1940, Pilecki présente à ses supérieurs le projet de pénétrer volontairement dans le camp de concentration d'Auschwitz — nom allemand de la ville d'Oświęcim — en Allemagne,
afin de collecter des informations sur le camp et organiser la résistance de l'intérieur.
Peu de choses sur la façon dont les Allemands dirigent le camp sont connues et à l'époque, il s'agit d'un camp d'internement ou d'une grande prison plutôt
que d'un camp d'extermination. Ses supérieurs approuvent le plan et lui fournissent une fausse carte d'identité au nom de « Tomasz Serafiński ».
Il sort dans les rues de Varsovie le 19 septembre 1940 et se laisse volontairement capturer par les Allemands lors d'une rafle (Łapanka) avec 2 000 civils,
dont Władysław Bartoszewski.
Après deux jours de tortures dans une caserne de la Wehrmacht, les survivants sont envoyés à Auschwitz.
Il reçoit le numéro de détenu no 4859. Durant son emprisonnement, Pilecki est promu par l'armée au rang de premier lieutenant (porucznik).
Une fois à l'intérieur du camp, tout en travaillant dans des unités de travail forcé, il organise le Związek Organizacji Wojskowych (« union clandestine des organisations militaires », ZOW) à Auschwitz, principalement dans le but de collecter des informations sur les activités des Allemands, les transmettre à la résistance polonaise,
ainsi que de préparer le combat contre les SS.
Dans un second temps, le ZOW cherche à améliorer le moral des détenus, créer un réseau d'entraide, fournir des médicaments et à distribuer de la nourriture
et des vêtements supplémentaires aux membres, mais également à se défendre, par exemple en essayant d'inoculer le typhus à des SS en les infectant avec des poux.
De nombreuses petites organisations clandestines du camp fusionnent finalement avec le ZOW.
Survivant à une pneumonie aiguë et à la règle de la « responsabilité collective »,Note 2, Pilecki aide le ZOW à former des détachements pour prendre en charge le camp
dans l'espoir d'une attaque d'urgence par la 1re brigade indépendante de parachutistes polonais basée au Royaume-Uni, voire que les Alliés larguent des armes sur le camp.
Le ZOW envoie ainsi un rapport en octobre 1940 à Varsovie avec des informations précieuses et précises sur l'extermination des Juifs dans les chambres à gaz
et la construction de fours crématoires.
Ce rapport est transmis via la résistance polonaise au gouvernement britannique à Londres en mars 1941.
En 1942, le ZOW diffuse également des informations sur le nombre d'arrivées et de morts dans le camp et sur les conditions de détention des détenus
à l'aide d'un émetteur radio construit par les détenus du camp. La station de radio secrète est construite pendant sept mois à l'aide de pièces de contrebande
et émet depuis le camp jusqu'à l'automne 1942, date à laquelle il est démantelé par les hommes de Pilecki, craignant que les Allemands ne découvrent son emplacement.
Ces informations sont la source principale de renseignements sur Auschwitz pour les Alliés occidentaux.
Pendant ce temps, la Gestapo du camp, dirigée par le SS-Untersturmfuhrer Maximilian Grabner, redouble d'efforts pour retrouver des membres du ZOW
et en tue plusieurs. En 1943, il est ainsi décidé d'exécuter les prisonniers les plus anciens.
Pilecki est régulièrement ciblé mais parvient grâce au ZOW à éviter à chaque fois la sanction ultime.
Comprenant que des plans pour une attaque du camp n'existent pas, Pilecki décide de convaincre personnellement ses supérieurs de la nécessité d'attaquer Auschwitz
et, avec deux camarades, s'évade du camp le 26 avril 1943 après 947 jours de détention, pendant la nuit de Pâques, et alors que nombre de SS sont en congé.
Il mène son évasion à partir d'une boulangerie du camp située à l'extérieur de la clôture, maîtrisant avec ses complices un garde, coupant la ligne téléphonique
et emportant avec eux des documents volés aux Allemands.
Aucun prisonnier du camp n'est inquiété par l'évasion car la règle de la « responsabilité collective » a été abrogée début 1943 suite à un accord avec la Croix-Rouge.
Il prépare un second rapport très détaillé sur la situation dans le camp avec des documents provenant d'autres anciens prisonniers.
L'AK juge qu'elle n'a pas les effectifs suffisants pour attaquer frontalement le camp d'Auschwitz et demande de l'aide aux Alliés, mais les Britanniques refusent d'accorder
une aide aérienne. Les informations des rapports Pilecki sont jugées exagérées par le nombre important de personnes exterminées.
Au final, les rapports de Pilecki provoquent la même réaction que le rapport Karski, de Jan Karski : l'incrédulité et le déni.
Première alerte officielle et documentée du gouvernement polonais en exil par le gouvernement sur l'Holocauste et le génocide des Polonais adressée aux Alliés
au moment de la guerre, en 1942.