Des personnalités prestigieuses qui valident malgré tout la direction choisie
En France, la Fondation pour la mémoire de la Shoah a eu vent du projet à ses débuts, puis au moment du recrutement de Khrjanovsky.
Pour son directeur, Jacques Fredj, "le rôle d'un site de cette nature, c'est de faire réfléchir, pas de jouer sur les émotions, sinon ça devient un jeu vidéo".
Selon lui, il y aurait ainsi des lignes rouges. "Un mémorial est fait pour comprendre comment on en est arrivé à une telle barbarie, comment un génocide se met en place.
En aucun cas il ne peut s'agir de reconstituer ce qui s'est passé, y compris par les plus récentes inventions technologiques."
Historien lui-même, il a suivi le travail de Steven Spielberg dans les musées de l'Holocauste de Dallas et de l'Illinois, avec ses hologrammes de rescapés juifs de la Shoah.
Le metteur en scène de La Liste de Schindler a beaucoup œuvré pour faire vivre leur témoignage au-delà de leur décès afin que leur voix continue à être entendue.
"De là à finir par jouer au Juif ou au bourreau? s'interroge également le grand rabbin de France, Haïm Korsia. Non."
Vendredi, lors d'une nouvelle réunion du comité de surveillance du mémorial de Babi Yar, les personnalités prestigieuses qui y siègent ont, selon nos informations,
renouvelé leur confiance à Khrjanovsky. À commencer par Natan Sharansky, célèbre dissident juif soviétique devenu vice-Premier ministre en Israël et aujourd'hui à la retraite.
Ou Irina Bokova, l'ex-directrice générale bulgare de l'Unesco ; Joschka Fischer, ex-chef de la diplomatie allemande ; et l'ex-sénateur américain Joe Lieberman,
colistier en 2000 du démocrate Al Gore pour la Maison-Blanche.
Quels sont leurs liens avec Mikhail Fridman, milliardaire russe d'origine ukrainienne proche de Vladimir Poutine et principal mécène du mémorial de Babi Yar,
où 100 millions de dollars ont été investis?
Pour tous, c'est évidemment l'attachement à la mémoire de la Shoah, car cette nouvelle institution pourrait bien devenir le plus grand site mémoriel d'Europe.
Mais on ne peut occulter la question de l'implication possible du Kremlin.
Architecture du Projet
Le président Zelensky, d'origine juive, se tient à distance du projet
"Le drame est que ce projet se télescope avec une guerre en cours en Ukraine", décrypte Vladislav Davidzon, rédacteur en chef au magazine en ligne Tablet,
consacré à la vie culturelle juive, qui a suivi le dossier depuis le tout début. "
Les Russes ne sont pas les seuls à essayer de réécrire et réinterpréter l'Histoire. C'est un processus qui est à l'œuvre aujourd'hui des pays Baltes à la Hongrie
en passant par la Pologne ou l'Ukraine et qui renvoie les opinions publiques à la réalité du nationalisme."
Les nationalistes ukrainiens qui luttent contre l'hégémonie russe ont une relation compliquée avec leurs ancêtres qui ont collaboré avec les nazis contre les communistes.
Si le mémorial de Babi Yar est né sous la présidence Porochenko, le successeur de celui-ci, Volodymyr Zelensky, d'origine juive, ne semble apparemment pas vouloir s'impliquer
dans ce "cauchemar politique", selon les mots de Davidzon.
Il n'y a donc à ce stade aucun financement public ni la moindre participation de l'État ou des pouvoirs publics de Kiev au sein des instances de direction.
Le mémorial devait ouvrir en 2023. Les enjeux de mémoire et le débat muséographique en cours pourraient bien retarder cette échéance.
source
msn.com