Son action après l'Armistice fut loin d'être toujours pacifique: il participa activement à vie politique allemande.
Le corps des officiers, vaincu militairement, se sentait humilié et aigri par l'Armistice ressenti comme un « coup de poignard dans le dos ».
Les officiers supérieurs commencèrent à mettre sur pied des armées privées appelées "Freikorps".
Celles-ci furent d'abord utilisées pour défendre les frontières allemandes dans l'éventualité d'une invasion de l'Armée rouge.
Niemöller a rejoint ce groupe. Il soutint la tentative de putsch de Kapp en 1920. Ce coup d' Etat de droite a finalement été vaincu par une grève générale.
Putsch de Kapp
Après la création de la République de Weimar, il devint brièvement agriculteur.
Puis il s'orienta vers la théologie protestante de 1919 à 1923. Il fut ordonné en 1924.
En 1931, il devint pasteur à Dahlem. Il continua à s'intéresser à la politique et soutint Hitler au début.
En 1931, dans des discours, il fit valoir que l'Allemagne avait besoin d'un Führer.
Dans son autobiographie, "From U-Boat to Pulpit" publiée au printemps 1933, il appelle l’époque du « Système » (un nom péjoratif pour la République de Weimar)
les « années des ténèbres » et salue Adolf Hitler pour avoir commencé un « renouveau national ».
L’autobiographie de Niemöller a reçu des critiques positives dans les journaux nazis et a été un best-seller.
Cependant, il s’opposa résolument au «paragraphe aryen» des nazis aux Juifs convertis au luthéranisme.
En 1936, il signe la pétition d’un groupe d’ecclésiastiques protestants qui critique vivement la politique nazie et déclare le paragraphe aryen incompatible
avec la vertu chrétienne de la charité.
Contrairement à l’Eglise catholique dont les structures rendaient difficile toute intrusion d’éléments étrangers à la foi, les Eglises Protestantes avec leurs structures plus souples
et leurs traditions d'union avec le Pouvoir furent plus exposées. Et rapidement confrontées aux menées de ralliement au régime.
Au fur et à mesure de sa montée en puissance, le pouvoir nazi se mit à noyauter l'Église protestante allemande.
Le " Mouvement des Chrétiens Allemands " qui prônait un christianisme héroïque fondé sur le sang et la race, se propagea à partir de 1933.
En 1933, les églises protestantes furent contraintes de fusionner au sein d'une "Eglise Protestante du Reich", noyautée par le " Mouvement des Chrétiens Allemands ".
Les " Chrétiens allemands " avaient comme but de purifier la Bible et la foi chrétienne de tous les aspects juifs.
Ils écartaient donc l'Ancien Testament et voulaient éliminer l'apôtre Paul du Nouveau Testament.
Ils voulaient un Jésus aryen, non-juif. Le danger de voir le protestantisme infiltré et submergé par l'idéologie nazie suscita une mobilisation des forces hostiles à une telle évolution.
Il fallait faire l'exercice difficile de s’opposer aux détenteurs du pouvoir sans être soutenu par la hiérarchie.
Niemöller, pourtant partisan du régime hitlérien, appela les pasteurs hostiles aux mesures antisémites à s'unir au sein d'une nouvelle organisation, le "Pfarrernotbund"
( « Ligue d'urgence des pasteurs » ), basée sur les principes de tolérance énoncés par la Bible et la profession de foi des réformés.
Il appelait à combattre toute atteinte à la confession évangélique, à aider matériellement "les frères opprimés".
Cet appel fut bien accueilli: fin 1933, 6000 pasteurs, soit plus d'un tiers des ecclésiastiques protestants, avaient rejoint ce groupe dissident.
1934 vit la création de «l’Eglise confessante » ("Bekennende Kirche"), un schisme dans l'Eglise Protestante.
Le noyau de la résistance se trouvait à Berlin-Dahlem, la paroisse de Niemöller.
Celle-ci lutta ouvertement, dès 1934, contre la dictature et l'idéologie nazie qualifiée de " non chrétienne et de non morale ".
Ils s'opposaient notamment à l'introduction du terme « aryen » par "l'Eglise Protestante du Reich", qui prévoyait l'exclusion des pasteurs d'origine juive ou mariés à une juive.
Mais la majorité des Églises luthériennes resta fidèle aux dirigeants du Troisième Reich, pendant toute son existence.
Cette " Ligue " reçut le soutien des protestants à l'étranger. Elle adressa au Synode une lettre de protestation contre les mesures d'exclusion et de persécution prises envers les Juifs
et envers les pasteurs refusant d'obéir aux nazis.
Malgré les protestations, début novembre 1933, Martin Niemöller fut déchu de ses fonctions de pasteur et mis prématurément à la retraite.
Mais la grande majorité de ses paroissiens décida de lui rester fidèle.
Il put ainsi continuer à prêcher et à assumer ses fonctions de pasteur. Mais son attitude reste néanmoins équivoque:
il fait partie de ceux qui ne sont pas radicalement opposés au régime: en novembre 1933, après avoir fondé, en septembre, son mouvement dissident, il envoie un télégramme
à Hitler pour le féliciter de retirer l'Allemagne de la SDN. Il qualifie cela comme un « acte utile à l'intérêt national ».
Arrestation par les Nazis
Mais à plusieurs reprises, il outrepassa dans ses sermons les limites entre religion et politique. Il fut arrêté le 1er juillet 1937.
Le 2 mars 1938, il est jugé par un « tribunal spécial » pour activités contre l’État.
Il a reçu le statut de Sonder- und Ehrenhaft,ce qui signifiait qu'il était placé en quartier spécial, ce qui le mettait à l'abri des mesures arbitraires des SS.
Il a reçu une amende de 2 000 Reichmarks et sept mois d’emprisonnement.
Mais comme il avait été détenu avant le procès pendant plus longtemps que la peine de sept mois de prison, il a été libéré par le tribunal après la détermination de la peine.
Il se porte volontaire en septembre 1939 pour devenir commandant de sous-marins ; son offre a été rejetée.
Cependant, il fut immédiatement arrêté de nouvelles par la Gestapode Himmler– probablement parce que Rudolf Hess trouvait la sentence trop clémente
et décida de prendre des « mesures impitoyables » contre lui.
Il est interné dans les camps de concentration de Sachsenhausen et de Dachau pour « détention préventive » de 1938 à 1945.
Son ancien compagnon de cellule, Leo Stein, a été libéré de Sachsenhausen pour aller en Amérique, et il a écrit un article sur Niemöller pour The National Jewish Monthly en 1941.
Stein rapporte avoir demandé à Niemöller pourquoi il avait jamais soutenu le parti nazi,ce à quoi Niemöller a répondu :
Je me pose des questions à ce sujet aussi. Je m’interroge autant que je le regrette.
Pourtant, il est vrai qu’Hitler m’a trahi. J’ai eu une audience avec lui, en tant que représentant de l’Église protestante, peu de temps avant qu’il ne devienne chancelier, en 1932.
Hitler m’a promis, sur sa parole d’honneur, de protéger l’Église et de ne pas émettre de lois anti-Église.
Il a également accepté de ne pas autoriser les pogroms contre les Juifs, m’assurant ainsi :
« Il y aura des restrictions contre les Juifs, mais il n’y aura pas de ghettos, pas de pogroms, en Allemagne. »
Je croyais vraiment, étant donné l’antisémitisme répandu en Allemagne, à cette époque, que les Juifs devraient éviter d’aspirer à des postes gouvernementaux
ou à des sièges au Reichstag. Il y avait beaucoup de Juifs, en particulier parmi les sionistes, qui ont pris une position similaire.
L’assurance d’Hitler me satisfaisait à l’époque. D’autre part, je détestais le mouvement athée croissant, qui était encouragé et promu par les sociaux-démocrates
et les communistes. Leur hostilité envers l’Église m’a fait placer mes espoirs sur Hitler pendant un certain temps.
Je paie pour cette erreur maintenant; et pas moi seul, mais des milliers d’autres personnes comme moi.
Fin avril 1945, Niemöller – avec environ 140 prisonniers de haut rang – fut transporté à l’Alpenfestung.
Le groupe devait peut-être être utilisé comme otage dans les négociations de reddition.
Les gardes SS du transport avaient l’ordre de tuer tout le monde si la libération par les Alliés occidentaux qui avançaient devenait imminente.
Cependant, dans la région du Tyrol du Sud, les troupes régulières allemandes ont placé les détenus en détention préventive.
L’ensemble du groupe a finalement été libéré par des unités avancées de la septième armée américaine.