Le conflit en Ukraine est à n'en pas douter, pour la Russie, un désastre aisément chiffrables.
Le site spécialisé Oryx tient ainsi une liste précise et documentée des pertes matérielles des deux camps, et les chiffres ont de quoi donner le tournis.
Depuis le début de l'invasion il y a 11 mois, Moscou aurait ainsi déjà perdu plus de 8.500 pièces d'équipement, dont 1.600 chars détruit ou mis hors de combat,
plusieurs milliers de véhicules blindés de divers types ou des centaines de pièces d'artillerie.
Si le site ne s'occupe pas des pertes humaines, qui ont désormais dépassé le chiffre effrayant de 100.000 hommes tués ou blessés, il note également le nombre d'aéronefs perdus
par les VKS, les forces aériennes russes.
Là aussi, Moscou paie le prix fort de ses visées sur l'Ukraine:
67 avions auraient été touchés et 63 abattus, dont 24 exemplaires du très utilisé Su-25 «Frogfoot» ou 17 des plus modernes et coûteux Su-34 «Fullback».
SU-34
Malgré une supériorité incontestable en nombre, cette incapacité à se saisir des cieux ukrainiens tient à la fois à des questions matérielles et à une doctrine totalement inadaptée.
Ces problèmes initiaux ont été très largement amplifiés par la livraison massive à l'Ukraine de multiples systèmes de défenses anti-aériennes par ses alliés occidentaux,
avec un objectif de protection réaffirmé par Volodymyr Zelensky lors de son récent discours du Nouvel An.
Mais un récent rapport du Royal United Services Institute, un think tank britannique dont Business Insider a rapporté le travail, met le doigt sur d'autres soucis et mauvais choix
pour l'armée de l'air russe. Des soucis qui, comme cette coûteuse guerre au sol, pourrait très durablement éroder sa puissance globale face au reste du monde.
Selon le RUSI, avant même que le conflit général ne débute en février 2021, les VKS a ainsi sous-estimé les systèmes de détection et de destruction
des défenses anti-aériennes ukrainiennes, alors en sous-nombre mais dont la ténacité, les tactiques et le courage ont pourtant très vite provoqué de nombreuses pertes du côté russe.
Rapportant des calculs ukrainiens, le think tank explique que l'armée de l'air russe n'est entrée dans le conflit qu'avec une centaine de pilotes véritablement entraînés au combat,
un chiffre qui semble ridiculement bas et dû à un manque d'entraînement et d'heures de combat.
Moscou a rapidement compris l'erreur, et a cherché à extraire des vétérans de leurs retraites pour muscler ses forces aériennes.
Mais le mal était fait, et il risque de se poursuivre des années encore, car le Kremlin s'est également résolu à envoyer au front –et généralement dans les missions
les plus dangereuses– des instructeurs chevronnés extraits des écoles dans lesquelles ils opéraient.
«La mobilisation d'instructeurs des écoles de pilotage vers le front entrave la capacité à générer de nouveaux pilotes», note le rapport du RUSI.
«L'armée ukrainienne a noté une présence plus nombreuse de pilotes très jeunes ou d'autres très âgés dans les forces aériennes russes, avec des pilotes expérimentés renvoyés
au front.»
Business Insider note que cet écueil n'est pas inconnu des historiens.
Durant la seconde guerre mondiale, la Luftwaffe a commis exactement la même erreur: envoyer de plus en plus d'instructeurs vers des missions mortelles,
empêchant ainsi la bonne formation et l'entraînement solide de jeunes pilotes qui, avec l'avancée de la guerre, ont fait perdre qualité
et efficacité à des forces aériennes nazies autrefois redoutable. De bons aéronefs mais des pilotes inexpérimentés et sans mentors ne font pas une bonne armée de l'air.
C'est donc là encore sur le long-terme que le Kremlin entame sa propre puissance militaire, ce que ne manqueront sans doute pas de noter ses rivaux
comme ses alliés pour d'autres conflits potentiels à venir.
Le RUSI note également et par ailleurs que de sérieux problèmes de discipline et d'organisation ont coûté cher aux forces aériennes russes.
La tendance atavique des forces du Kremlin à stocker carburant et munitions à proximité des aéronefs a créé des cibles particulièrement explosives
pour les lointaines attaques ukrainiennes –la base de Voronezh pourrait être la dernière victime en date.
source
korii.slate.fr