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 Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »

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naga
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MessageSujet: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 1:30

Le romancier et essayiste Tariq Ali dresse un portrait au vitriol du célèbre Premier ministre britannique dans une biographie qui vient d’être traduite en français
par La Fabrique Éditions.
Il s’intéresse aux nombreux crimes commis sous son autorité durant la première moitié du XXe siècle, en Afrique notamment.

Tariq Ali est un personnage unique dans la société britannique depuis les années 1960, un orateur radical intrépide et un écrivain prolifique qui a publié une cinquantaine de livres :
des essais politiques, mais aussi des romans et des scénarios pour le théâtre et le cinéma – tous profondément critiques de l’Occident et notamment de son bellicisme.
Il est membre de longue date du comité de rédaction de la New Left Review, une revue bimestrielle créée en 1960.


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Son dernier livre, Winston Churchill, His Times, His Crimes, paru chez Verso Books en 2022, et dont les éditions La Fabrique publient une version traduite en français
en ce mois de mai 2023 sous le titre Churchill, sa vie, ses crimes, est à première vue un choix surprenant pour quelqu’un dont les intérêts et les écrits se sont toujours inscrits
dans le contexte mondial le plus large.
Fidèle à son habitude, il livre une biographie au ton très critique, pleine de détails peu connus, d’une sommité britannique qui a causé des dégâts incalculables dans son pays
et à l’étranger.

Au pied de cet entretien, Afrique XXI publie un extrait de son ouvrage, un passage du chapitre 15 intitulé : « Crimes de guerre au Kenya ».


Victoria Brittain : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à Churchill, « un activiste impérial » comme vous le qualifiez ?
S’agissait-il de rebondir sur le mouvement Back Lives Matter et sur le courant de résistance à l’héritage de l’empire aux États-Unis et au Royaume-Uni ?
Ou était-ce lié à l’actualité de la politique britannique, alors que l’élite dirigeante est toujours imprégnée d’une forme d’impérialisme ?

Tariq Ali : C’est tout cela à la fois, mais c’est aussi lié au fait que le regretté universitaire radical de la côte ouest (Californie), Mike Davis, mon collègue depuis des décennies,
insistait beaucoup pour que notre maison d’édition, Verso Books, publie un livre sur Churchill, et pour que ce soit moi qui l’écrive.
J’y ai réfléchi pendant de nombreux mois et j’ai finalement décidé de le faire sous cette forme particulière : en racontant une histoire de l’époque,
à un moment où la classe ouvrière britannique, dont Churchill détestait l’activisme, gagnait en influence.
Je voulais écrire ce livre pour les jeunes générations. On m’a dit qu’un certain nombre de jeunes, à partir de la sixième année [NDLR : à l’âge de 10 ans], lisent Churchill
et l’apprécient.
Le culte de Churchill est devenu une telle plaisanterie qu’un retour de bâton ne peut que venir de la base, et certainement pas des partis politiques.


Victoria Brittain : Commençons par parler du Churchill des trois dernières années du XIXe siècle, afin de planter le décor...

Tariq Ali : Il a d’abord participé à la guerre en Afghanistan en tant que jeune soldat, en 1897.
Puis il a participé à la bataille d’Omdurman, au Soudan, en 1898, cette fois en tant que soldat indépendant, grâce à ses intrigues et à ses contacts familiaux.
Enfin, il s’est rendu en Afrique du Sud lors de la deuxième guerre des Boers en 1899, en tant que journaliste indépendant.


1897-Soldat

Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Church35


1899-Journaliste

Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Church36


Il fut à ce titre aux premières loges de l’affrontement entre l’armée britannique et les guérilleros boers.
C’était un homme politique ambitieux, déterminé à se faire un nom via le journalisme dans les zones de guerre, et à rendre service à son pays.
Il a ses imitateurs aujourd’hui : Bernard-Henri Lévy en France et Rory Stewart en Grande-Bretagne.
Sauf que ni l’un ni l’autre ne sont aussi intelligents que Churchill. Car il était loin d’être bête.


Victoria Brittain : L’entrée en politique de Churchill en 1906 en tant que député et sous-secrétaire d’État aux Colonies, puis, plus tard, en tant que secrétaire d’État à l’Intérieur
en 1910, était-elle une étape inévitable ?
Il ne semble pas avoir été très apprécié au sein de la classe politique...

Tariq Ali : La première loyauté de Churchill allait à l’État, à la monarchie et à l’Empire britannique.
Il a toujours pensé qu’il jouerait un rôle au service de ces trois institutions. Cela signifie que son attitude à l’égard des partis politiques était essentiellement instrumentale.
Il a d’abord été conservateur, puis libéral, puis il a dirigé une coalition conservateurs/travaillistes, puis il a à nouveau été conservateur.
Avec une telle philosophie, se faire des amis au sein de la classe politique n’est pas une priorité.
Il n’était pas non plus populaire auprès des généraux !


1911-Politique

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naga
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 1:42

Victoria Brittain : En quoi la violente répression à l’égard des organisations de la classe ouvrière, lorsqu’il était en charge de l’Intérieur,
est-elle révélatrice de sa vision politique fondée sur des considérations de classe ?

Tariq Ali : Il n’était pas très différent des autres conservateurs européens, ni des sociaux-démocrates de droite.
L’hostilité à l’égard de la classe ouvrière est une caractéristique commune à la droite en Europe et aux États-Unis.
Churchill considérait les travailleurs militants comme « l’ennemi intérieur ».
Mais, contrairement à ses homologues en France, en Italie et en Allemagne, il aimait s’en vanter, et c’est l’une des causes de la haine qu’il suscitait.
En tant que ministre de l’Intérieur, il a écrasé les grèves des mineurs gallois dans les années 1920.
Ceux-ci ne le lui ont jamais pardonné : pas un seul conseil de gouvernement local, au Pays de Galles, n’a contribué à l’édification d’une statue à son effigie.
Par ailleurs, je le souligne dans l’introduction de mon livre, Churchill a été détesté par une partie du pays pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale.
Le culte de la personnalité que nous lui connaissons aujourd’hui n’a été insufflé que dans les années 1980 par Margaret Thatcher –
d’abord dans le cadre de la guerre des Malouines contre l’Argentine, en 1982, puis lorsqu’elle a décidé d’écraser le syndicat national des mineurs
et de détruire l’industrie du charbon en 1984.


Victoria Brittain : Vous écrivez que les origines de la Première Guerre mondiale se trouvent dans l’Empire britannique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Tariq Ali : L’évolution du climat politique en Grande-Bretagne au cours des dernières décennies s’est traduite par une désaffection de l’esprit critique,
ce à tous les niveaux.
À l’époque, l’entrée en guerre [Première Guerre mondiale, NDLR] a été constamment attaquée et dénoncée par les poètes, les dramaturges, les intellectuels libéraux, etc.
Mais cet esprit n’existe plus.
Aujourd’hui, la Première Guerre mondiale est commémorée de manière très chauvine : les Allemands étaient les méchants, les Britanniques les gentils.
Le fait est que le développement tardif de l’État allemand a conduit à des demandes d’égalité impériale. Le partage du continent africain [NDLR : à la fin du XIXe siècle]
a été un geste de conciliation de la part de la Grande-Bretagne, mais il a également créé un précédent.
Dès lors, les Allemands se sont demandé pourquoi ils n’obtiendraient pas une part plus importante sur d’autres continents, y compris en Europe ?
Cette guerre était une guerre entre empires.
D’ailleurs, trois d’entre eux se sont effondrés : les empires austro-hongrois et ottoman ont été éclatés, et, plus dommageable pour l’Entente,
la guerre a abouti à la révolution russe après quoi la Russie s’est retirée.


Victoria Brittain : La défaite électorale de Churchill en 1945 a-t-elle été la revanche de la classe ouvrière britannique, particulièrement mise à mal
durant la Seconde Guerre mondiale ?

Tariq Ali : Il ne s’agit pas seulement de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des attaques précédentes contre les travailleurs gallois et écossais,
de son mépris de classe en général et, par-dessus tout, d’un désir irrésistible de changement.



Victoria Brittain : Revenu au pouvoir en 1951 pour quatre ans, Churchill a terminé sa carrière politique par deux événements marquants qui ont changé le cours de l’Histoire :
le coup d’État de 1953 en Iran contre le nationaliste Mohammed Mossadegh, et, en 1954, l’opération Anvil contre le mouvement nationaliste Mau-Mau au Kenya,
au cours de laquelle 50 000 Kényans ont été arrêtés en deux semaines et placés dans des camps de concentration par l’armée britannique.
Ces exemples illustrent-ils à quel point la mentalité de l’empire est restée impitoyable dans les cercles du pouvoir britannique ?

1951-retour au Pouvoir

Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Church38


Tariq Ali : Le renversement de Mossadegh et l’opération Anvil étaient des crimes.
Churchill les a soutenus et s’en est même vanté. Ce qui est intéressant, c’est que nombre d’historiens britanniques ont ignoré cet épisode kényan.
Il a fallu qu’une historienne américaine de Harvard, Caroline Elkins, mène des recherches et dénonce les atrocités commises par l’armée britannique
à l’encontre du peuple kényan pour que l’on en parle. Cette professeur d’histoire et d’études afro-américaines a qualifié le Kenya de « goulag britannique ».


Victoria Brittain : Comment voyez-vous l’évolution de l’équilibre des forces dans le monde ?
La domination de l’Occident est aujourd’hui remise en question sur de nombreux fronts.

Tariq Ali : Il n’y a qu’un seul empire dans le monde aujourd’hui, et il n’a pas de rival militaire : ce sont les États-Unis.
Ils agissent seuls, ont utilisé le Conseil de sécurité des Nations unies lorsque c’était possible et, de plus en plus, l’OTAN, pour montrer qu’ils contrôlent le bloc occidental.
La Grande-Bretagne et l’Australie ne sont guère plus que des États supplétifs.
L’Allemagne est soumise à de fortes pressions. Les Japonais ne sont pas autorisés à avoir une politique étrangère, et la Corée du Sud reste occupée par les troupes américaines.
La principale cible des États-Unis est la Chine, et cela aurait été le cas même si ce pays avait été une démocratie de type occidental et avait mieux traité ses minorités.
Ce siècle sera le témoin d’une forme d’affrontement entre ces deux États, puisque les États-Unis semblent déterminés à contenir, voire à écraser, le régime de Pékin.
Le fantôme de Churchill à la Maison Blanche observera la situation avec intérêt.
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 8:45

Ayant lu et écouté sur lui on peut lui reprocher plusieurs choses c'est vrai.
Sa connaissance des camps et d'avoir laissé faire entre autre. Sur lui : un personnage buveur, grossier, fumeur et héroïnomane aussi.
Coté bien : il a géré assez correctement la WWII.
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vania
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 10:02

Citation :
Il a ses imitateurs aujourd’hui : Bernard-Henri Lévy en France
Euh...non ! Comparaison bien inappropriée, l'autre n'a jamais été en situation vraiment dangereuse, ni n'a été combattant. Evil or Very Mad Rolling Eyes
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 13:18

Ci-dessous, un extrait du chapitre 15 de l’ouvrage de Tariq Ali intitulé « Crimes de guerre au Kenya » :

« […] Le peuple kényan ne peut pas se permettre de continuer comme avant.
Il sait ce qui se cache derrière la façade de la « normalité » et il commence à se révolter contre l’autorité britannique en 1950.
Les mobilisations des Mau-Mau sont une réponse directe à l’expropriation éhontée des terres africaines, qui répétait le processus appliqué en Rhodésie (Zimbabwe)
sous le contrôle des colons blancs. Le nombre de colons blancs au Kenya est passé de 21 000 en 1938 à 40 000 en 1953.

Churchill et ses représentants successifs au Bureau colonial – Oliver Lyttelton, Alan Lennox-Boyd et le particulièrement honni Evelyn Baring – sont tous d’accord
pour faire de la création d’un nouvel État de colons blancs l’axe central de la politique impériale au Kenya.
Le modèle rhodésien a été un immense succès qui serait facile à répéter.
C’était sans compter sur la colère croissante du groupe le plus affecté par cette politique, les Kikuyus, 1,5 million de personnes au milieu des années 1950.
Les efforts concertés de l’administration et des historiens conservateurs pour dissimuler les atrocités commises par les Britanniques au Kenya ont fini par échouer.
Une chercheuse états-unienne de Harvard aussi douée que têtue, Caroline Elkins, a réussi à révéler une grande part de la vérité.
Son livre, Britain’s Gulag : The Brutal End of Empire in Kenya, retrace l’histoire de la violente répression contre les Kikuyus et des camps dans lesquels des dizaines de milliers
d’entre eux ont été détenus entre 1952 et 1960.

La devise inscrite sur la porte du camp d’Agathi était : « Aide-toi et on t’aidera ».
Une manière de dire que ceux qui aidaient les Britanniques seraient mieux traités que les rebelles impénitents.
Churchill est parfaitement au courant des crimes qui y sont commis. Il est alors Premier ministre, et son soutien aux colons blancs n’est pas vraiment un secret.
Ce que ni Churchill ni les colons n’auraient pu prévoir, c’est que l’un des 150 000 Mau-Mau arrêtés, Hussein Onyango Obama, aurait un fils, qui aurait un fils
qui deviendrait président des États-Unis, suscitant l’intérêt des universitaires dans le pays.


Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Church39


Comme l’explique John Newsinger dans sa recension du livre d’Elkins,
les Kikuyus étaient soumis dans des proportions toujours plus grandes à la faim de terres et à la misère à mesure que les implantations blanches les chassaient
de leurs hautes terres fertiles.
Empêchés d’accéder aux terres hors des réserves indigènes à partir du début des années 1930, la plupart des Kikuyus avaient le choix entre trois formes de dénuement :
revenir aux sols épuisés et aux pénuries de terres des réserves ; travailler les terres des Européens en dehors des réserves comme métayers précaires ;
ou rejoindre comme tant d’autres les bidonvilles de Nairobi en quête d’un emploi.

Pendant ce temps, les colons, qui se sont engraissés sur l’envolée des prix des matières premières pendant la guerre, refusent toute idée de négociation
avec des « nationalistes africains modérés » (comme Jomo Kenyatta), des gens qu’ils qualifient ouvertement de « singes ».
Sous Churchill, le Kenya est une dictature de colons blancs bénéficiant de l’appui militaire britannique.
Le mouvement dirigé par les Kikuyus – Mau-Mau est le nom donné par les oppresseurs – fait le choix d’une révolution armée pour chasser les Britanniques
et leurs descendants du pays, et ses membres en font le serment. Les colons sont attaqués, leur bétail volé ou détruit et les collaborateurs africains traités sévèrement.


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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 13:27

DES « SAUVAGES VIOLENTS ET INSENSIBLES »
[…] La campagne de propagande britannique présente les Mau-Mau comme des sauvages violents et insensibles, un point de vue relayé sans le moindre recul critique
par de nombreux journaux et magazines aux États-Unis, à l’instar de Life qui publie des images sanglantes des « atrocités mau-mau » sans mentionner
les causes de la révolte.
Histories of the Hanged : Britain’s Dirty War in Kenya and the End of Empire, de David Anderson [paru chez WW Norton, octobre 2005], constitue à ce jour l’étude la plus détaillée
sur la révolte et ses combattants, la composition du mouvement et la stratégie et la tactique déployées par les Britanniques.
Surtout, il raconte minutieusement comment, après la défaite des Mau-Mau (11 000 d’entre eux ont été tués pour prolonger la domination britannique quelques années),
les Britanniques entreprennent de mettre au pouvoir les loyalistes africains qui les ont soutenus.


Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Church40


Beaucoup d’entre eux sont encouragés à acheter les terres que les colons blancs revendent.
Une forme de récompense afin de garantir la poursuite de la collaboration après l’indépendance officielle.
Ça a marché. Économiquement et politiquement, les limites de l’indépendance se dessinent dès ce moment.
La décolonisation au Kenya et dans d’autres colonies est une néo-colonisation. Quand les leaders africains refusent d’obtempérer, les anciennes puissances coloniales
les tuent (Patrice Lumumba au Congo) ou les destituent (Nkrumah au Ghana, Obote en Ouganda).
Jomo Kenyatta, l’un des leaders mau-mau, accepte malheureusement de jouer le jeu. L’establishment britannique fera de lui une star lors de sa visite à Londres.
Le « terroriste » est invité à dîner au palais et il se voit offrir maint et maint thé et sandwich au concombre dans les jardins de familles de colons qui ont regagné sans encombre
leur habitat natal.

En prison déjà, Kenyatta s’était brouillé avec la plupart des leaders mau-mau.
Conscients des divergences politiques qui les opposaient, les Britanniques lui avaient donné une cellule à part par crainte des violences.
Il a très probablement été identifié comme une recrue potentielle pour la faction loyaliste de l’élite kényane.
Un autre détenu mau-mau a expliqué que Kenyatta n’avait jamais soutenu totalement le programme du mouvement.

Il avait refusé de rejoindre le parti politique créé par des militants au camp de Lokitaung, un parti dont la devise était « Liberté, égalité et justice ».
C’était trop extrême pour Kenyatta. Comme le disait Kaggia, l’un des fondateurs : « Kenyatta n’était pas des nôtres en prison. Il avait épousé une femme dont le père
était un chef et pour cette raison, quand on s’est retrouvés en prison, il était souvent du côté des conservateurs et du gouvernement.
Je suis devenu le leader du groupe à sa place, même si nous en étions tous déçus. »


RACISTES VISCÉRAUX
Churchill, Alan Lennox-Boyd (un de ses chouchous, choisi tout spécialement pour le Bureau colonial à la suite de son opposition à l’indépendance de l’Inde)
et le gouverneur du Kenya Evelyn Baring sont des racistes viscéraux.
Baring aurait fait un excellent bureaucrate sous le Troisième Reich.
Pour les Kényans, c’est une brute absolue qui ne se contente pas d’obéir aux ordres de Londres mais les devance largement.
La résistance politique aux Britanniques ne cesse de progresser dans les années 1950 et les instigateurs du mouvement des Mau-Mau ne sont plus prêts à tolérer le degré
de violence infligé à leur peuple.
En réaction, Baring, avec l’appui de Churchill, crée un réseau de camps de détention bien pire que tout ce que Churchill avait pu voir pendant la guerre des Boers
en Afrique du Sud.


Sir Evelyn Baring, Gouverneur du Kenya. 1954

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Les témoignages des prisonniers sur les traitements qu’ils y subissent se lisent comme des journaux d’esclaves.
« C’était comme l’Enfer sur Terre », raconte un survivant. Elkins résume en deux phrases la situation tant dans les camps qu’en dehors :
« La violence et la torture avaient dominé la vie dans les camps kényans pendant des années. Une pornographie de la terreur, à base de brutalité publique, de viol et de famine,
s’est aussi répandue dans les villages et des milliers de personnes y sont mortes. »

Le massacre du camp de Hola où onze prisonniers sont battus à mort – la version présentée devant le Parlement est qu’ils sont morts parce qu’ils ont bu de l’eau insalubre –
est une goutte d’eau parmi les atrocités britanniques mais c’est la goutte de trop.
La tentative d’étouffer l’affaire échoue parce qu’un célèbre avocat de gauche anti-colonial, D. N. Pritt, se trouve au Kenya à l’époque et se sert de ses relations
pour dévoiler la vérité. Les Églises anglicanes se mobilisent, ainsi que de nombreux députés travaillistes.
Des députés conservateurs commencent aussi à s’émouvoir. L’un d’eux, Enoch Powell, juge les événements de Hola déplorables.
L’insoutenable perpétuation du pouvoir colonial au Kenya s’achève enfin.
Kenyatta est alors devenu le dirigeant officiel, il a eu beaucoup d’enfants (comme Boris Johnson) et il a été célébré par la reine.

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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeSam 16 Sep - 13:28

Parmi les nombreux mythes sur l’Empire britannique, l’un des plus tenaces concerne sa chute :
« Comme nous avons été bons alors », se (et nous) répètent encore ses apologistes. « Nous avons battu en retraite si dignement, pas comme ces horribles Français au Vietnam
et en Algérie. »
Sont ainsi dissimulées au regard public la catastrophe de la partition de l’Inde, présentée comme le fait de religions antipathiques qui se battent entre elles ;
la répression brutale de l’insurrection malaise ; et la violente campagne contre le mouvement de libération au Kenya.
Tout cela se trouve aujourd’hui remis en question à mesure que des historiens africains et asiatiques, avec quelques-uns de leurs homologues états-uniens
et britanniques, démystifient les mythologies colportées par les historiens néo-impérialistes en révélant le coût en vies humaines de cette décolonisation accélérée.
Les crimes du Kenya ont été commis de manière systématique.
Churchill, Lennox-Boyd et Baring sont restés impunis. »


source
afriquexxi.info
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vania
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeDim 17 Sep - 9:43

Il faut quand même reconnaitre que les indépendances des pays colonisés et les années post-coloniales se sont mieux passées chez les Britishs que chez nous ... scratch
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitimeDim 17 Sep - 10:20

vania a écrit:
Il faut quand même reconnaitre que les indépendances des pays colonisés et les années post-coloniales se sont mieux passées chez les Britishs que chez nous ... scratch
Si on veut, regardes l'Inde, ils en sont envahis sans rien dire. L'Angleterre ne ressemble plus à des troches de rosbif ! Evil or Very Mad
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MessageSujet: Re: Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel »   Tariq Ali. « Winston Churchill, ce criminel » Icon_minitime

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