Après le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, la guerre s'enlise côté américain devant Saint-Lô dans la Bataille des haies, et dans la Bataille de Caen côté Anglo-Canadien; la progression est difficile vers Falaise.
Unités de la 3e armée américaine du général Patton en route vers la Bretagne
Unités de la 3e armée américaine du général Patton en route vers la Bretagne
Le maréchal Bernard Montgomery se bat avec une armée anglo-canadienne à coup d'opérations limitées et violentes. Faisant face à la majorité des moyens blindés de la Wehrmacht[1], sur un terrain (de bocages normands) défavorable à l'offensive motorisée, la progression britannique est lente et coûteuse.
L'Opération Cobra du 25 juillet 1944, coup de tonnerre planifié par le général Omar Bradley, libère soudainement toute la 3e armée du général Patton après cinquante jours de petites avancées[2]. Le 1er août 1944 la percée d'Avranches permet le jaillissement des divisions américaines vers la Bretagne, seconde étape du plan Overlord. Il devient vite évident que, devant la faiblesse de la 7e armée allemande, une occasion unique se présente d'asséner un coup massif à la Wehrmacht. Une réunion entre Bradley et Montgomery, le 2 août 1944, parvient à la conclusion qu'un seul corps d'armée américain, avec le concours de la Résistance française, serait suffisant pour nettoyer la Bretagne[3]. D'autre part, on décide que le général Patton devrait s'assurer les passages de la Loire au sud, « et se tenir prêt à se lancer vers l'est (Paris) avec de puissantes forces blindées et motorisées »[3].
Contre toute logique militaire, plutôt que de se replier en ordre sur les coupures fluviales après la percée américaine, Adolf Hitler imagine une offensive sur Mortain. Il pousse en effet l'armée allemande vers la destruction[4]. Le Führer a pris personnellement en charge les opérations militaires à l'Ouest depuis l'attentat du 20 juillet 1944, car il a perdu toute confiance dans les militaires de ses états-majors. Il n'écoute plus aucun avis, ni mise en garde[5]. C'est donc un plan complet de la main d'Hitler qui est adressé au maréchal von Kluge. La contre-attaque de Mortain, lancée le 7 août 1944 est un échec cuisant pour les Allemands, qui laissent une partie de leurs forces très dangereusement en pointe.
Carte des opérations du 1er au 13 août 1944
Carte des opérations du 1er au 13 août 1944
Relations et réorganisations alliées [modifier]
General Omar N. Bradley
General Omar N. Bradley
Cette fin de bataille de Normandie se déroule sous fortes tensions entre Alliés britanniques et américains, voire entre Anglais et Canadiens. Les opérations se prolongent depuis beaucoup trop longtemps sans vraie victoire stratégique. Au plus haut niveau politique, les interrogations sont multiples. Des conflits larvés se font jour et gangrènent la confiance mutuelle qui avait prévalu jusqu'ici. Par ailleurs, le nombre de divisions placées sous l'autorité de la 1re armée américaine allant croissant, la situation commence à être difficilement gérable pour le général Bradley.[6] Aussi, le général Dwight Eisenhower, commandant en chef du théâtre d'opérations Europe (ETO) profite-t-il de la victoire américaine d'Avranches pour réorganiser le commandement allié.
Jusqu'alors, l'ensemble des opérations terrestres avaient été prises en main par le général Bernard Montgomery, chef du 21e groupe d'armées. Eisenhower crée le 12e groupe d'armées et met à sa tête le général Omar Bradley, jusqu'ici chef de la 1re armée américaine. Courtney Hodges est nommé commandant de la 1re armée américaine. Montgomery reste commandant en chef des forces terrestres, mais le général Dwight Eisenhower s'apprête à prendre sa place, afin d'être en position d'arbitre des deux commandants de groupe d'armées[7]. Enfin, le débarquement de la 4e division blindée canadienne permet aux Canadiens de gagner leur autonomie par la création d'une armée forte de deux corps d'armée, dont un canadien à deux divisions blindées et deux divisions d'infanterie[8].
Situation du haut commandement allemand [modifier]
Le contexte est marqué par la confusion issue des complexités d'organisation de la Wehrmacht. Le Maréchal von Kluge est un fidèle d'Hitler. À ce moment de la bataille, il combine les rôles de commandant du groupe d'armées B et de commandant en chef des forces armées à l'Ouest[9]. Soupçonné d'avoir trempé dans le complot du 20 juillet contre Hitler, il agit avec un zèle extrême et fait tout pour s'affranchir des soupçons du Führer. Aussi, tous les ordres qu'il reçoit sont-ils traités à la lettre, sans aucune forme d'interprétation, aboutissant au final aux pires catastrophes. Pendant la journée du 15 août 1944, à l'occasion d'une inspection dans la poche, il disparaît sans donner de nouvelles, réapparaissant au QG du général Eberbach à la nuit tombée. Les soupçons de trahison sans aucun fondement[10] pèsent de plus en plus sur le Feldmarschal, finalement révoqué le soir du 17 août par Hitler. Walter Model, le pompier de service[11], en provenance du Front de l'Est, le remplace au pied levé dès le 18 août 1944, au pire moment de la bataille. Von Kluge est convoqué à Berlin pour s'expliquer, destination qu'il n'atteindra jamais car il se suicide au cyanure, le 19 août, au bord de la route, pendant le trajet, en laissant une lettre assez prophétique à destination d'Hitler[12].
Autre personnage, le général Heinrich Eberbach est en charge de la 5e armée blindée. Il fait face aux Anglo-Canadiens, qui pressent pour capturer Falaise.
En opposition aux ordres reçus, il refuse de libérer trois divisions de panzers pour la contre-attaque de Mortain, considérant comme imminente l'attaque contre ses propres positions[13]. Dès avant la fin de la contre-attaque allemande sur Avranches, l'opération Totalize démarre face à ses troupes, lui donnant raison après-coup. Mais ce refus d'obtempérer l'amène à la disgrâce aux yeux d'Hitler, qui le relègue au commandement d'un corps d'armée blindé (Panzergruppe Eberbach). Le général SS Sepp Dietrich le remplace à la tête de la 5e armée blindée[14]. Le général SS Paul Hausser commande de son côté la 7e armée allemande au grade d’Oberstgruppenführer (Général de corps d'armée). Premier général de la Waffen-SS à commander une armée, il est haï par le haut commandement du fait de sa promotion trop rapide. Son armée est littéralement vaporisée par l'opération Cobra, qui le laisse avec des restes de divisions à gérer[15]. En résumé, le commandement en chef est donc confié à un fidèle d'Hitler en plein milieu de la bataille, le général Model, et les deux armées sous son autorité, à deux généraux de la Waffen-SS, signe clair de la défiance d'Hitler envers la Wehrmacht.
Forces en présence [modifier]
Les Alliés sont organisés en deux grandes forces, l'une anglo-canadienne et l'autre américaine. Les Allemands, après leur échec de Mortain, ont des forces très affaiblies, mais encore combatives.
Alliés [modifier]
Organisation et composition de l'armée britannique
Organisation et composition de l'armée britannique
* Depuis la réorganisation d'août, le 21e groupe d'armées du général Montgomery est organisé en deux armées distinctes : la 2e armée britannique du général Sir Miles Dempsey et la 1re armée canadienne du général Harry Crerar.
L'armée britannique est forte de trois corps d'armée à trois divisions chaque. L'armée canadienne est constituée de deux corps d'armée. Ces forces totalisent 16 divisions, dont cinq blindées, soit 240 000 hommes et 1 500 blindés[16]. Ce début du mois d'août voit l'engagement de la 1re division blindée polonaise du général Maczek, juste débarquée le 31 juillet.
Organisation et composition de l'armée américaine
Organisation et composition de l'armée américaine
* Le 12e groupe d'armées du général Omar Bradley est organisé en deux armées de la même manière : la 1re armée américaine du général Courtney Hodges à deux corps d'armée et la 3e armée américaine du général Georges Patton à quatre corps d'armée. Les Américains disposent ainsi de 21 divisions, dont 6 blindées, y compris la 2e division blindée française du général Leclerc, soit 320 000 hommes et plus de 2 000 blindés.
Bien que très fortement entamées par la guerre d'usure qu'elles viennent de subir, les troupes alliées restent quasiment à 100% de leur capacité grâce à la puissance du système de ravitaillement allié[17]. Le moral est très haut depuis la victoire de Patton et son échappée en Bretagne. Le soldat allié sent que la victoire décisive est à portée. Les forces alliées totalisent ainsi 37 divisions dont 11 blindées, ou près de 600 000 hommes et 3 500 chars, y compris les unités rattachées (brigades et bataillons divers)[18]. La supériorité numérique alliée est donc totale, sur terre comme dans les airs.
Allemands [modifier]
Après la réforme organisationnelle du 6 août, précédant l'offensive allemande sur Avranches, deux armées allemandes sont en ligne face aux Alliés. Les unités qui les composent ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, totalement usées par les deux mois de combats en Normandie. Elles ne consistent plus, pour la moitié d'entre-elles, qu'en groupements tactiques (Kampfgruppe) totalisant moins de la moitié (parfois moins du quart) de leur force initiale ; l'appellation de division doit donc être relativisée dès lors qu'elle s'applique au camp allemand. Le général allemand Hausser estime que la bataille de Normandie a détruit pratiquement huit divisions allemandes en juillet[19].
Cela dit, la force allemande de Normandie encore en place début août 1944 reste une puissance respectable, encore correctement équipée en blindés et moyens antichars, dont environ 100 canons de 88 mm et 75 mm devant Falaise[20].
Organisation et composition de l'armée allemande
Organisation et composition de l'armée allemande
L'armée allemande pèche encore et toujours sur le plan logistique, avec une capacité faible d'approvisionnement en munitions et une incapacité quasi complète à remplacer les pertes en hommes et matériels. Le moral des soldats allemands de cette période de la guerre était en général faible, encore amoindri par l'échec de la contre-attaque de Mortain. Certaines unités connaissent même des redditions massives pendant la progression rapide des américains après la percée d'Avranches.
Seules quelques unités fanatiques de la Waffen SS ont une capacité de rétablissement moral leur permettant de contre-attaquer efficacement[21]. L'articulation de l'armée allemande est la suivante[22] :
* La 5e armée blindée du général Eberbach comporte quatre corps d'armée pour un total de 12 divisions dont 4 divisions blindées.
* La 7e armée du général Hausser composée de quatre corps d'armée aligne 16 divisions dont 6 blindées.
Ainsi, sur le papier, la Wehrmacht aligne 28 divisions dont 10 blindées, mais on sait qu'il ne s'agit plus, dans la plupart des cas, que de débris. On estime qu'elle n'est forte qu'au maximum de 250 000 hommes et 250 chars pour faire face aux Alliés dans cette ultime bataille en Normandie[23].
Physionomie du champ de bataille [modifier]
Carte physique du secteur des combats de la poche de Falaise
Carte physique du secteur des combats de la poche de Falaise
Le champ de bataille de la poche de Falaise est un quadrilatère dont les quatre angles sont initialement les villes de Condé-sur-Noireau, Flers, Argentan et Falaise. Les dimensions de ce rectangle sont de 40 km sur 20 km. Ce rectangle est divisé par deux coupures fluviales d'importance, orientées sud-nord : l'Orne à l'ouest et la Dives au centre. Ces deux cours d'eau ont creusé des vallées encaissées bordées de fortes dénivellations, canalisant les mouvements vers les routes. Les ponts et passages divers deviennent rapidement des objectifs stratégiques. Trois routes permettent des déplacements est-ouest : Falaise-Vire, Argentan-Flers, et la petite départementale Argentan-Vire, qui est la voie d'évacuation principale de la Wehrmacht. Cette dernière route traverse une hauteur escarpée au nord-est de Trun, le Mont-Ormel, secteur stratégique dont la valeur n'échappe pas aux belligérants. Falaise constitue la limite sud du bocage normand. Le terrain des combats est ainsi semé de champs ouverts, et donc moins propices aux actions défensives, hormis dans les agglomérations adjacentes.
Les plans : le dilemme après la percée [modifier]
Enigma, une machine de chiffrement électromécanique
Enigma, une machine de chiffrement électromécanique
Les Alliés sont au courant de l'état catastrophique des forces allemandes, ainsi que de leur incapacité à les renforcer. En effet, le groupe Ultra, spécialisé dans le décodage d'Enigma, alimente le haut commandement allié en informations secrètes, de nature à déjouer tous les plans allemands[24]. C'est sur cette base que la contre attaque allemande vers Avranches a pu être déjouée ; c'est aussi à l'aide de ces informations décisives que les Alliés décident d'encercler les Allemands.
Le haut commandement allié est pris dans le dilemme classique d'une armée qui perce subitement un front fixe : exploiter ou encercler ? Le commandement allemand avait connu cette expérience difficile sur le Front de l'Est, notamment en 1941, en choisissant l'encerclement au détriment de l'exploitation lointaine[25]. C'est un casse-tête car un général ne dispose en effet jamais de suffisamment d'effectifs pour atteindre les deux objectifs simultanément (encerclement et poursuite). Le premier réflexe du commandement allié est d'exploiter, puisque la 3e Armée américaine du général Patton lance déjà des pointes en Bretagne puis aussi vers le Mans[26]. Aussi, les informations reçues à la fois d'Ultra et de la reconnaissance aérienne occasionnent un changement de plans. Un consensus émerge rapidement au sein du haut commandement allié afin d'envisager l'encerclement des forces allemandes situées à l'ouest de la Dives[27].
suite bientot
source : Wikipedia