Voici l'une des dernières grandes batailles de ce front, la Bataille pour la Capitale de la Hongrie.
16 octobre 1944, le Régent Horty est chassé du pouvoir en Hongrie par les "Croix fléchées", le parti nazi Hongrois. Cet évènement conduira à la sanglante bataille de Budapest durant l’hiver 1944-45.
En effet, le Régent, comprenant tardivement que son pays ne pouvait plus faire la guerre au coté de l’Allemagne et voulant sauvegarder son intégrité, ainsi que son pouvoir personnel, débuta des négoçiations secrètes avec les soviétiques pour désengager la Hongrie de la guerre avant que le front ne penètre trop dans le pays.
Cependant, avant qu’il n’y parvienne, Hitler ordonna sa "destitution" et permit l’arrivée au pouvoir des "Croix fléchées". Dans les quelques jours qui suivirent, l’armée allemande se déploya massivement en Hongrie et le nouveau régime était bien décidé à stopper, ou retarder, l’avancée soviétique par tous les moyens. Pour chaque camp, Budapest, la perle de l’Europe Centrale, l’une des plus belle ville d’Europe, avait un intérêt stratégique majeur. Ainsi, pour Hitler, Budapest était vitale : capitale de son dernier allié en Europe et porte de l’Autriche et de la Bavière... De plus, la dernière raffinerie de pétrole intacte de l’axe se trouvait dans le sud-ouest de la Hongrie...
Pour Staline, la capitale hongroise était une prise politique de choix. Le sommet de Yalta approchant, la prise rapide de Budapest puis de Vienne lui permettrait de se présenter façe aux Occidentaux en position de force. Il ordonna en conséquence au Maréchal Rodion Malinovsky, commandant en chef du Second Front Ukrainien, de s’emparer de Budapest "le plus vite possible, en quelques jours si possible"
Le 7 novembre 1944, des forces blindées arrivent dans la banlieue Est de la ville, à une vingtaine de kilomètres du Palais Royal, le centre géographique de Budapest. Cette soudaine arrivée de blindés soviétiques provoque la panique dans la ville.
Cependant, les troupes soviétiques manquent alors de ravitaillement, notamment à cause de l’empressement de Staline... La ligne de défense établit par les Hongrois et renforcée par les Allemands tient bon, même si des Soviétiques atteignent le Danube au nord et au sud de la ville. Le réseau de Tramway est alors massivement utilisé pour transporter des soldats vers l’est.
Etrangement très peu des 900 000 habitants, ne partiront avant que les Soviétiques ne l’encerclent... En effet, la croyance populaire voulait que la Hongrie et Budapest seraient vite capturées et qu’il était plus sur de rester dans les grandes villes, où l’occupant serait moins "despotique" que dans les campagnes. La vie dans la capitale se poursuit comme de normale. Un journaliste allemand déclarera ceci :
Sur les ponts connectant Buda et Pest, de chaque coté du Danube, on rencontre un garde allemand tout les vingt mètres. Il porte son arme prête, au poing et non sur son épaule. Le long des quais du Danube, où l’on se baladait avec plaisir sous les lampadaires dans les pâles nuits d’été devant certains des hôtels les plus fameux au monde — les Ritz, Bristol, Hungaria et Carlton — des détachements se préparent à la guerre. Les habitués des cafés se rencontrent comme d’habitude à cinq heure au Negresco et tapent les tenants des nappes d’ennui, puis vont au Dubarry ou au Hungarica vers sept heure pour prendre un cocktail maison ou un bon Tocay alors que les bombardiers soviétiques lâchent des bombes indistinctement. Pour le dîner, l’artillerie soviétique envoie des obus lourds sur la cité. Les serveurs travaillent comme si de rien n’était. Chaque jour, il y a au moins quatre ou cinq alertes aériennes.
Le 19 décembre, après un bref repos et aidée par une excellente opération d’intoxication, l’armée soviétique, forte de 1 075 000 hommes, lance une offensive majeure dans toute la Hongrie. 625 000 hommes attaquent depuis l’est, 450 000 depuis le sud. Cet assaut force le front de l’Axe et dès le 21 les troupes soviétiques au sud ont progressé de manière significative.
Quelques jours plus tard, l’autoroute Vienne-Budapest est coupée, et le 26 décembre à midi, des éléments blindés avancés achèvent l’encerclement de la capitale hongroise en rejoignant des troupes descendant du nord, de la vieille ville de Esztergom sur le Danube. Le jour de Noël, au petit matin, des véhicules de reconnaissance pénètrent dans les collines de Buda (à l’ouest) jusque sur la Colline du Chateau, quartier central de la ville. Les autorités militaires de l’Axe réagissent alors et les premières escarmouches éclatent. Des forces de la SS sont rapidement redéployées vers l’ouest. Bien que les Soviétiques ne soient pas assez nombreux alors pour profiter pleinement de ces avancées, ils prennent le contrôle de certains points stratégiques comme l’Hôpital Janos Korhaz à deux kilomètres du Palais Royal. Dans le même temps, les forces germano-hongroises les empêchent de s’emparer des hauteurs de Buda.
Il y a alors près de 70 000 Hongrois et Allemands pour défendre la ville. Certaines unités sont d’excellente qualité comme la division Feldherrnhalle Panzergrenadier, alors que certaines ne sont guère plus que des milices. Cependant, ces forces sont peu adaptées au combat dans une si grande ville et ne partagent pas de système commun de radio-transmission si bien que les lignes de téléphones publics de la ville devront être utilisés et que ce seront parfois des Soviétiques qui décrocheront... La première semaine du siège se caractérise par une série d’assauts soviétiques violents mais désordonnés pour tenter de prendre les points stratégiques de Buda et ceux les plus éloignés du centre de Pest. Les forces hongroises et allemandes transformèrent bien vite tous ces points en véritables forteresses urbaines... Les positions des défenseurs restent cependant stables à ce moment là. Le 29 décembre, pressé de continuer vers Vienne, le Maréchal Malinovsky envoie deux émissaires pour proposer la capitulation de la ville. Ils sont renvoyés par les Allemands. Par un facheux concours de circonstances, les deux émissaires seront tués sur le chemin du retour sans que cela ne soit intentionel de la part des Allemands ou des Hongrois. La machine de propagande soviétique reprendra cependant l’incident à son compte, ajoutant à la sauvagerie des combats.
Dans Pest, les Soviétiques tentèrent alors d’avancer. Plusieurs avenues servirent d’axes d’entrée vers le coeur de la ville. Les défenseurs ne souhaitant pas de battre si loin du centre-ville et ayant perdu leur points forts les plus externes, se replièrent lentement, causant suffisament de pertes aux Soviétiques pour que leur avance se fasse à une allure d’escargot. Le 1er janvier 1945, la Wehrmacht déclenche l’opération Konrad qui vise à désenclaver Budapest par le nord, en attaquant à travers un terrain valonné et forestier. Cette approche plus directe fut préférée à un mouvement plus long mais plus facile sur des plaines cultivées par le sud. Parallèlement, des divisions mécanisées SS se livrent à une série de manoeuvres offensives à l’ouest de Budapest, représentant l’une des dernières victoires tactiques des Allemands sur les Soviétiques.
Le 3 janvier, le Haut-Commandement soviétique reconnait la menace que représente cette contre-offensive et dépèche quatre divisions supplémentaires. Cette réorganisation des forces à l’ouest permettra aux Soviétiques de stopper l’avancée allemande à seulement une vingtaine de Km de Budapest.
Etrangement, les Soviétiques déclenchent une puissante offensive blindée sur la rive nord du Danube et atteignent la frontière autrichienne le 8 janvier. Les Soviétiques avançent au nord vers l’ouest autant que les Allemands avançent au sud vers l’est...
Le 12 janvier au matin, des élements avancés du régiment SS Westland, présents dans les Monts Pilis, dont les collines de Buda sont une extension, aperçoivent au loin la ville et ses clochers. Cependant, dans une situation difficile et très fatigués de la dangereuse traversée des Monts Pilis, ils devront se replier peu de temps après. Les forces engagées dans l’opération Konrad n’iront pas plus loin.
Pendant ce temps, les combats gagnent de plus en plus la ville. Un million de civils se terrent dans les caves, les tunnels de défenses et les grottes naturelles sous la colline du Chateau. Partout les SS, les parachutistes hongrois, les soldats de toutes armes, affrontent les troupes de chocs soviétiques qui déferlent en nombre dans les rues, soutenues par une puissance de feu considérable.
La question du ravitaillement est critique pour les défenseurs de la ville. La perte de l’aéroport Ferihegy, au sud-est de Pest, le 27 décembre 1944, porte un coup sévère au ravitaillement. Les Allemands utiliseront jusqu’au 9 janvier une longue et large avenue avant de se servir d’un parc de Buda au pied de la colline du Château. Cette zone d’atterissage et si fine et courte que seul des planneurs pilotés par des membres des Jeunesses Hitleriennes osaient encore s’y poser sous le feu constant des Soviétiques. Le Danube coulant du nord vers le sud, les Allemands parviendront à faire passer, sous couvert du brouillard et avant que le fleuve ne géle, des milliers de tonnes de ravitaillement sur des barges.
Ce sont les civils qui souffrent en premier de la faim et de la soif. Il est dangereux de s’aventurer dans les rues, même pour prendre un peu d’eau dans le Danube et beaucoup y laisseront la vie. La priorité est pour les combattants qui vont jusqu’à sacrifier les chevaux des divisions de cavalerie SS... Les unités hongroises sont un peu mieux loties car la population les aides plus que les unités allemandes ! La bataille devient alors le plus violent et sanglant combat urbain majeur depuis Stalingrad. La guerre psychologique s’installe. Des tracts lachés par les avions soviétiques disent : Die Schwarzen Raben fliegen aus Stalingrad (les corbeaux noirs arrivent de Stalingrad). Le froid inhabituel et les snipers (sibériens) mènent la vie dure aux soldats de l’Axe. Si les unités allemandes, habituées à ce genre de situation, ne bronchent pas, ce n’est pas le cas des unités hongroises récemment recrutées et où la désertion devient monnaie courante. La guerre se propagent dans les égouts que les deux camps utilisent pour infiltrer les lignes adverses et amasser des renseignements. Six fusillers-marins soviétiques parviendront ainsi à gagner la colline du Château, y rester plusieurs heures avant de capturer un officier allemand et de le trainer vers leurs lignes toujours en sous-sol. Les Hongrois utilisent des travailleurs municipaux pour les guider dans les égouts et contrer au mieux ce genre d’opérations éclair...
Mais Staline, toujours pressé, s’impatiente... Le 11 Janvier, il ordonna que la ville soit prise par la force la plus brutale qu’il soit possible d’employer. Une unité spéciale équipée de lances-flammes, de sapeurs et d’armes lourdes fut formée alors que les unités régulières lançaient un assaut général vers le centre-ville.
Les Soviétiques chassèrent les Allemands de l’Ile Csepel, le coeur industriel de la ville, après d’apres combats mètres par mètres dans les usines et les manufactures. Jusqu’au dernier moment les usines du grant magnat industriel juif hongrois Manfred Weiss, le "Krupp hongrois" produiront des obus, des munitions et des Panzerfausts pour la garnison.
A Pest l’avance rouge se poursuit. Le 12 janvier, la Place des Héros et le Bois de Ville sont pris et les Soviétiques déferlent sur l’Avenue Andrassy, les Champs Elysées de Budapest. A partir de ce point, l’avancée soviétique s’accélère. Au niveau de la Gare de l’Est (Keleti Palyaudvar), à partir du 14, les Hongrois se défendent avec archanement et sauvagerie face à leurs ennemis héréditaires, les Roumains du Général Nicholae Sova. Jusque là ils n’avaient combattu qu’à contre-coeur... Le 16 les défenseurs hongrois épuisés défendent encore chaque quai de la gare mais sont finalement vaincu par un ennemi supérieur en nombre.
La Gare de l’Ouest, à Pest, (Nyugati Palyaudvar) est aussi un point de sérieuse résistance de la part des Hongrois. Cependant ils en sont également chassés le 16, ce qui met les Soviétiques à quelques centaines de mètres du Danube. La garnison de Pest risque alors de se trouver coupé en deux par son centre ! Le 17, Hitler consent à laisser l’ensemble de la garnison se replier sur Buda. Un terrible bouchon encombre alors les deux principaux ponts sur le Danube, le Pont des Chaines, centenaire, et le pont Erzsebet. Voici la description qu’en fit un reporter :
Les ponts étaient constament sous le plus lourd des feu, et malgré ceci, tout ce qui pouvait courir, rouler ou ramper traversait de Pest vers Buda. Les véhicules de toutes sortes, civils comme militaires, chargés comme pas possible, transportaient des mères en haillons, des épouses et des enfants en pleurs et beaucoup, beaucoup de soldats blessés. Quand les obus de mortiers tombaient dans cette masse mouvante d’humanité, hommes et matériels étaient éjectés de chaque coté des ponts dans le fleuve.
Malgré les protestations du Général Ivan Hindy, commandant en chef hongrois, les Allemands firent sauter les magnifiques ponts le 18, peu avant l’aube.
A l’extérieur de la poche, les SS déployés au nord-ouest furent secrètement redéployés au sud si bien que le 20, les Allemands purent lancer le dernier grand raid blindé de la guerre. Ce raid ouvrit un trou large de 18 Km dans les lignes soviétiques et finit par atteindre le Danube au sud de Budapest où les chars allemands ouvrirent le feu sur l’activité fluviale soviétique. Le 23 janvier, la ville de Székesfehérvár, au sud-ouest de Budapest, était reprise par les SS mettant ainsi en danger l’ensemble du dispositif soviétique.
Les officiers soviétiques hésiteront quelques temps, demandant même l’autorisation à Staline de se replier. Mais finalement ce dernier leur ordonne de tenir la position coûte que coûte... Deux corps d’infanterie qui se préparaient à l’anéantissement final de la poche de Budapest sont redéployés vers le sud en catastrophe. Le Cinquième corps de Cavalerie de la Garde parcourera près de 100 Km en une journée, arrivant avec les autres unités redeployées pour repousser les Allemands, grandement affaiblis par leur avance.
Le 24 janvier, les Allemands mènent une dernière attaque qui les amènent à 20 Km au sud de la ville. Un certain nombre de messages sont echangés par radio avec la garnison, notamment celui-ci :
Souhaitons avec ardeur votre succès et notre libération, dix milles des notres, bléssés, vous attendent.