Le 19 février 1945, près de mille soldats japonais cherchaient à fuir les Britanniques par les marécages: ils ont été dévorés par les crocodiles.
Le cas n'a pas d'équivalent dans l'histoire militaire: le 19 février 1945, pendant la bataille de l'île de Ramree (Birmanie), les troupes aéroportées britanniques ont poussé l'armée japonaise dans des marécages où vivaient des milliers de crocodiles marins. Près de mille hommes y ont trouvé la mort, dévorés par les reptiles, sans que les Britanniques n'aient tiré un seul coup de feu. Le rapport du colonel japonais Yasu Yunuko, déclassifié l'an dernier, indique: "Seulement 22 soldats et 3 officiers de ce groupe sont revenus en vie des marécages de Ramree". L'enquête d'une commission spéciale de la cour martiale menée deux mois plus tard a montré que l'eau de ces marécages de 3 km² de superficie était composée à 24% de sang humain.
En février 1945, les alliés d'Hitler menaient encore une contre-offensive sur tous les axes stratégiques et notamment le Front du Sud-Ouest. La base d'artillerie à longue portée située sur l'île birmane de Ramree était son maillon territorial clé. C'est d'ici qu'étaient portées les meilleures attaques contre les navires de débarquement britanniques. Quand le site a été découvert par les renseignements militaires anglo-américains, son élimination est devenue l'une des cinq priorités de la 7e escadre de débarquement de la Royal Navy. Le commandement japonais avait envoyé sur l'île sa meilleure unité d'élite — le 1er corps de commandos de marine, considéré comme inégalable pour parer les attaques de l'infanterie mobile.
Le chef du bataillon aéroporté britannique Andrew Wyert était un officier très rusé. Il avait envoyé un groupe de reconnaissance dans les profondeurs de l'île, justement où se trouvaient les mangroves. En apprenant qu'elles étaient remplies de crocodiles marins il a décidé qu'il fallait à tout prix y pousser l'ennemi. Son commandant avait objecté: "Nos équipements et armements ne sont pas adaptés aux marécages, contrairement aux Japonais dotés d'uniformes spéciaux et d'armes blanches. Nous perdrons tout". Mais le chef du bataillon avait répondu, confiant: "Fais-moi confiance et tu vivras…".
La manœuvre tactique était impressionnante. Après avoir repoussé l'unité japonaise par des combats de position au fond du marais (à la grande joie des officiers japonais qui pensaient y obtenir un avantage), le chef du bataillon a ordonné de se retirer progressivement vers la côte, en laissant à l'avant une section réduite sous couvert d'artillerie.
Dans les minutes qui ont suivi, les officiers britanniques qui observaient la situation avec leurs jumelles ont assisté à une scène étrange: en dépit d'une suspension temporaire des attaques, les soldats japonais ont commencé l'un après l'autre à tomber dans le marécage. Rapidement, le groupe japonais a cessé d'opposer toute résistance: les soldats encore debout cherchaient à remettre sur pieds les soldats tombés, puis s'effondraient à leur tour dans des convulsions épileptiques. Wyert a ordonné à l'unité d'avant-garde de se retirer, bien que ses collègues officiers estimaient que l'ennemi devait être éliminé complètement. Pendant les deux heures qui ont suivi, les Britanniques observaient tranquillement depuis une colline la disparition de l'armée japonaise puissante et bien armée. Au final, le meilleur régiment commando composé de 1 215 soldats d'élite, qui avait vaincu à plusieurs reprises des unités ennemies bien plus importantes — ce qui lui a valu d'être surnommé de "tornade" par les adversaires — a été dévoré par les crocodiles. Les 20 survivants ont été faits prisonniers par les Britanniques.
Ce cas est entré dans l'histoire comme "le plus grand nombre d'hommes tués par des animaux" dans le livre Guinness des records: "Près de mille soldats japonais tentaient de contrer l'attaque des commandos de marine britanniques, à dix miles de la côte, dans la mangrove où vivent des milliers de crocodiles. Vingt soldats ont été capturés vivants ensuite, mais la plupart ont été dévorés par les crocodiles. La situation catastrophique des soldats battant en retraite était aggravée par la présence de très nombreux scorpions et moustiques tropiques, qui les attaquaient également", indique le livre des records. Le naturaliste Bruce Right, qui a participé à la bataille du bataillon britannique, affirme que les crocodiles ont dévoré la majorité des soldats japonais: "Cette nuit était la plus horrible pour les soldats. Les Japonais en sang, éparpillés dans le marécage noir, hurlaient et se faisaient dévorer par les reptiles, et les bruits inquiétants des déplacements de crocodiles ressemblaient à une cacophonie de l'enfer. Peu ont assisté à une telle scène dans leur vie. A l'aube, les charognards sont arrivés pour nettoyer ce qui restait des mille soldats japonais qui étaient entrés dans les marécages de Ramree. Seulement une vingtaine ont été retrouvés en vie".
Le crocodile marin reste l'un des prédateurs les plus dangereux et agressifs de la planète. Près des côtes australiennes, on compte davantage de victimes tuées par les crocodiles marins que par les attaques de requins blancs, qui sont considérés par erreur comme les plus dangereux. Ce reptile a la plus puissante morsure dans le monde animal: les spécimens adultes peuvent avoir une force de morsure de plus de 2,5 tonnes. En Indonésie, un Suffolk Punch d'une tonne capable de tirer plus de 2 tonnes a été tué par un grand crocodile marin mâle, qui a traîné sa victime dans l'eau et a brisé le cou du cheval. La force de sa mâchoire est telle qu'il est capable de fracturer en quelques secondes le crâne d'un buffle ou la carapace d'une tortue de mer. Selon des cas confirmés de victimes humaines en masse tuées par des animaux, il convient de noter un autre incident pendant la Seconde Guerre mondiale: l'attaque de grands requins blancs, qui ont dévoré près de 800 personnes, lors du naufrage de navires bombardés avec des civils à bord.
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fr.sputniknews.com