Vers le grand remplacement des humains par les robots ?
Les rapports sur la robotisation de la société et le grand replacement de l’homme par la machine se succèdent, effrayant çà et là. D’aucuns s’émeuvent que plus de 60% des postes de travail puissent être remplacés par des machines, hurlant au loup. À l’ère du chômage de masse, le progrès technologique effraie les plus vulnérables. Pourtant, autant de nouveaux métiers verront le jour.
Historiquement, à chaque vague de progrès technologique, le capital s’est substitué au travail à faible valeur ajoutée. Ce sont essentiellement les activités répétitives et standardisées qui ont fait l’objet de remplacement par des machines. L’exemple type est celui des chaînes de montage des usines de l’industrie lourde où les machines ont remplacé les ouvriers spécialisés. Souvent, il s’agit de métiers très difficiles et peu valorisants pour ceux qui les exercent.
L’automatisation des métiers à faible valeur ajoutée est donc une réelle inquiétude pour ceux qui ont quitté le système scolaire sans aucune qualification ou sont très dépendants d’un unique employeur sur un bassin d’emploi donné. On peut en effet imaginer que les derniers ouvriers de Michelin en Auvergne ou de PSA à Sochaux ou encore Aulnay-Sous-Bois se sentent menacés. L’automatisation de leur poste de travail risque donc de se traduire par la perte de leur emploi et la désocialisation que cela entraînerait.
Le remplacement des métiers de haute technicité
À l’ère de la troisième révolution industrielle, celle des technologies de l’information, des postes de travail de haute précision se trouvent également concernés par l’automatisation. C’est ainsi qu’un robot, en Australie, a pu opérer un patient sur la côte ouest, sur ordre d’un chirurgien basé à Sydney.
Mais également, on constate que des algorithmes très puissants peuvent prendre en charge de nombreuses activités comme le trading à haute fréquence, le pilotage ( « Google Car » ), mais aussi l’analyse de solvabilité dans le monde bancaire . Plus récemment, Goldman Sachs a développé un algorithme permettant de dresser des pronostics sportifs à l’occasion de l'Euro 2016.
L’intelligence artificielle , exacerbation de l’automatisation de la société , peut donc remplacer l’être humain en de nombreux endroits. Ainsi, les métiers techniques du chiffre pourront-ils être menacés. On peut imaginer que nombre de comptables, bookmakers ou analystes financiers perdraient de leur influence professionnelle et de leur utilité face aux machines. De la même manière, les aiguilleurs du ciel ou encore les conducteurs de train pourront-ils être remplacés par des algorithmes.
Vers de nouveaux métiers de conception et de maintenance des algorithms
Bien que ceci soit un lieu commun, il est important de souligner que ces machines et algorithmes devront faire l’objet d’une conception en amont et d’une maintenance au cours de leur utilisation, sans même parler de leur recyclage en fin de vie. C’est ce à quoi renvoient les rapports se voulant rassurants lorsqu’est évoqué le fait que 60 à 70% des métiers de demain n’existent pas encore.
C’est-à-dire que de nouveaux métiers hautement qualifiés devront voir le jour, à mesure que les machines remplaceront l’humain. On aura besoin de davantage d’ingénieurs, de programmeurs, de spécialistes du cryptage, du fonctionnement des machines, mais aussi de l’interprétation de l’information. Mais également, de nouveaux ingénieurs en charge de la conception des robots de nouvelle génération (écologiques, recyclables, etc.) seront particulièrement recherchés.
Vers la naissance d'un nouveau proletariat
Même si la robotisation des postes de travail apparaît comme une menace pour tous ceux qui ne parviendront pas à trouver leur juste place dans cette société hyper qualifiée, tous les métiers sont loin d’être menacés. Fort opportunément, cette révolution technologique accompagne le développement de la société du service et de l’humain.
Les métiers impliquant traditionnellement un rapport humain ne feront pas l’objet d’un remplacement par des machines. C’est particulièrement vrai des services à la personne. Un infirmier à domicile, un jardinier, un cuisinier, un agent d’entretien, un répétiteur ou garde d’enfants ne pourront pas être remplacés par des machines. Donc, ces métiers appelés à se développer à mesure que vieillit la population et que la société subit des rapports interpersonnels de plus en plus distants, les métiers de l’humain auront vocation à connaître un développement plus rapide encore.
Le grand remplacement des postes de travail par des machines, comme toute révolution technologique, suscite des craintes. Parmi celles-ci, la crainte de voir disparaître une classe ouvrière déjà déclinante. Une crainte sans doute plus légitime est de voir comme conséquence de l’automatisation le fossé entre métiers à très forte valeur ajoutée économique et ceux à valeur ajoutée sociale se creuser, ces derniers pouvant forger le prolétariat du XXIe siècle.
Vassili Joannidès de Lautour est professeur à Grenoble Ecole de Management
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lesechos.fr