Leurs 10 ans, ils les ont vécus en 1945 ou juste après.
Et à cette période où les familles étaient nombreuses et les maisons, la vie de manière générale, abîmées par la guerre, les fêtes étaient modestes.
Pourtant, tous se souviennent d'avoir vu la magie de Noël opérer.
"Dans les années de guerre ou juste après, nous ne faisions pas de grand réveillon comme aujourd'hui, raconte Gilbert Lambé qui avait 13 ans à la Libération.
À Caen et autour, les familles étaient éparpillées... Si le fils était à 10 kilomètres à droite, et la fille 10 kilomètres à gauche, il n'y avait pas de voiture, pas de téléphone,
on se rassemblait beaucoup moins... On faisait des petits repas de Noël en famille avec les enfants."
"Nous invitions quand même les voisins, se souvient Simone Frémon, 93 ans, qui habitait alors à Douvres-la-Délivrande.
Nous étions habitués à jouer ensemble, à être ensemble... Pour nous, c'était normal."
Le 57 rue de Geôle au cours de l'hiver 1944/1945.
Des fêtes plus modestes donc, mais qui donnaient quand même lieu à un repas sortant de l'ordinaire.
De la teurgoule se rappellent certains, du poulet dans la mémoire de beaucoup - "On en mangeait jamais, ça représentait quelque chose d'important,
c'était assez cher et assez rare, un festin !" sourit Mireille Lambé, 79 ans - et surtout quelques friandises.
Un sucre d'orge ou des oranges étaient d'ailleurs souvent le seul cadeau que les enfants recevaient.
"Nous n'en avions jamais vu de notre vie, ça m'a marquée... témoigne Simone. C'était tellement bon, nous avions même mangé les pelures !"
Messe de minuit et Père Noël
Mais elle aime rappeler que "à l'époque, Noël, c'était surtout le petit Jésus ! On allait à la messe de minuit à pied, avec les sabots dans lesquelles on mettait de la paille
pour se protéger du froid." Un souvenir de marche dans le froid qui a aussi marqué Gilbert :
"Attention, l'église était pas toujours au pied de la porte, et y'avait pas le métro !"
Mireille se souvient elle, qu'avant Noël, "on allait voir la crèche, et celle de Saint-Étienne était magnifique".
Il fallait parfois marcher plusieurs kilomètres dans le froid et sous la neige pour aller à la messe de minuit. - Image de l'église Saint Jean à Caen.
Ce qui n'empêchait bien sûr pas les enfants de l'époque de croire quand même au Père Noël.
"A partir de 11-12 ans, c'était fini et du coup nous n'avions plus de cadeau, témoigne Gilbert. Nos parents étaient relativement modestes, et pour faire des économies ils disaient
'T'es assez grand, t'y crois plus c'est pas la peine!'" Il se souvient d'avoir été particulièrement gâté une année avec "un stylo à encre, c'était la grande fête !".
Mireille évoque elle "un petit baigneur que ma sœur avait habillé, et ça représentait toute une fortune.
" Odette Droissard, 84 ans, garde elle aussi en mémoire "une poupée articulée" mais aussi "un petit établi en bois" que son frère avait reçu.
Tino Rossi superstar
Et pour assurer l'ambiance, chacun mettait la main à la pâte pour décorer la maison.
"On tendait des draps aux murs, avec du houx, du gui, décrit Simone. Nous n'avions pas l'électricité, alors on installait des lampions.
Je me souviens aussi que l'on creusait des betteraves pour leur donner un aspect de visage, avec des yeux, une bouche, et l'on glissait une bougie à l'intérieur."
Chacun installait sa chaussure devant la cheminée, le tout au son de "Petit papa Noël, Mon beau sapin et surtout beaucoup de chansons de Tino Rossi, c'était la mode"
sourit Mireille. Une idée à ajouter à votre playlist pour replonger dans l'ambiance de l'après-guerre et changer un peu de Mariah Carey.
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tendanceouest.com