Où sont donc passés les T-90A modernes du Kremlin?
Des images de chars russes détruits, la guerre en Ukraine, ultra documentée, n'en manque pas.
Le journal ukrainien Kyiv Post, qui tient un décompte en temps réel des pertes ennemies sur son site internet, fait état de plus de 5.400 chars détruits
et plus de 10.000 véhicules blindés annihilés.
Évidemment, ce conflit est aussi une guerre de communication et les deux camps ne partagent que les images qui les arrangent.
Mais en les scrutant de manière approfondie, une anomalie a été relevée: on ne note quasiment aucune perte de chars de combat T-90A côté russe,
comme si ces derniers n'avaient pas été déployés sur le front. Mais où sont passés ces tanks modernes?
Pour Forbes, le journaliste britannique David Hambling tente d'éclaircir ce mystère.
Un char T-90A lors d'un défilé militaire en Russie en 2012.
Évidemment, les équipements des forces armées russes n'ont jamais été entièrement modernes et le Kremlin se repose beaucoup sur des véhicules blindés plus anciens,
souvent rafraîchis. Cette flotte –parfois antique– est complétée par une petite force d'élite de chars plus récents, dont le T-90A, en service depuis 2004.
«La Russie devrait avoir beaucoup de T-90. Il devrait y avoir 120 T-90 originaux et 369 T-90A, y compris les versions sous-variantes», a confié à Forbes Richard Vereker,
un spécialiste du renseignement de sources ouvertes (OSINT).
«Mais seulement trente-quatre T-90A ont été perdus et seulement trois d'entre eux après mars 2023.
Alors où sont-ils passés?», s'interroge à son tour l'analyste.
T'as pas vu mes 217 chars ?
On pourrait penser que si les pertes sont si faibles, c'est que les T-90 sont invulnérables.
Le T-90M, version améliorée et la plus récente (2020) du T-90A, est apparu au début de la guerre en Ukraine, à partir d'avril 2022, avant de progressivement déserter
le champ de bataille.
Sur les quelque deux centaines de chars russes T-90M construits, on estime que cinquante ont été touchés en Ukraine, soit 25%.
En comparaison, la flotte de T-90A –pourtant bien moins robustes– aurait perdu moins de 10% de ses véhicules.
«On sait que cinquante des T-90 originaux sont dans un entrepôt», précise Richard Vereker.
Mais même en faisant des estimations élargies sur de possibles disparitions, «il manque encore 217 T-90A à l'appel».
Un chiffre non négligeable quand on sait à quel point les pertes de matériel sont élevées pour l'armée du Kremlin.
Où est passée la «flotte fantôme»?
L'analyste a plusieurs pistes de réponse. Il est possible que les T-90A manquants soient stockés: soit dans l'attente d'une nouvelle phase du conflit,
soit parce qu'ils ne sont pas encore prêts à partir au combat. Il est également plausible qu'ils soient réquisitionnés pour protéger Moscou en cas d'offensive ukrainienne,
ou si le conflit venait à s'étendre, notamment avec des États membres de l'OTAN.
Une autre piste pourrait être que les T-90A ont été discrètement améliorés puis vendus sur le marché de l'exportation.
De nombreux pays tels que l'Inde, l'Algérie, l'Arménie, le Turkménistan, l'Ouganda ou le Vietnam ont acheté des chars T-90S, le modèle dérivé du T-90/T-90A
et proposé à l'étranger.
L'explication la plus convaincante serait que ces chars n'ont jamais existé, quoi qu'en disent la communication russe, les fournisseurs ou le ministère russe de la Défense.
Les chiffres de cette «flotte fantôme» auraient été volontairement gonflés à des fins de propagande.
Richard Vereker propose cependant une dernière théorie, sa préférée: les T-90A seraient à l'usine, attendant patiemment d'être transformés (et améliorés) en T-90M.
«Si c'est exact, cela supposerait que la capacité de la Russie à fabriquer des T-90M tout neufs est moins importante que nous ne le pensions.
Et quand ils auront épuisé le stock de T-90A à reconvertir, les Russes devront ralentir le rythme des chars neufs allant sur le front», conclut l'analyste.
source
korii.slate.fr