Les ardennais défendent Vinkt pied à pied.
Dans la matinée du 25 mai 1940, la 56°division allemande est passée à travers la 4°division d'infanterie belge et menace toute la ligne de défense. Elle se jette violemment sur Vinkt défendu par le bataillon Philippart (3°du 1°régiment de Chasseurs Ardennais).
Au cours de la nuit, les bataillons Velghe et Van Espen du 3 CHA (Chasseurs Ardennais) montent sur Vinkt mais leur contre attaque ne se heurte à aucune opposition, l'ennemi s'étant retiré. Le village est alors confié au 3 CHA.
Le 26 mai, le bataillon Velghe, qui occupe l'est du village est attaqué à nouveau, mais renforcé par la compagnie moto du 3 CHA, il repousse toute tentative.
A l'aube du 27 mai, la bataille va reprendre. Vinkt est couvert vers l'est par le III/3 CHA (Velghe), prolongé vers le nord par le 1/1 CHA, et au sud par le 1/3 CHA (Van Espen) qui a pour voisin à sa droite le bataillon Philippart.
Dans le secteur du III/3, les 7° et 8° compagnies sont en position de part et d'autre de la route Vinkt-Nevele, le T 13 du sous-lieutenant Franckx avec son 47 mm. occupant celle-ci.
Un T13 belge Le peloton de St-Hubert se situant au nord de la 7° compagnie et le PC du major ainsi que ses réserves étant à l'ouest du village. La première ligne dispose d'un canon et 18 fusils mitrailleurs, mais le bataillon souffre de plusieurs handicaps et notamment l'absence de liaisons, qui doivent être assurées par des coureurs tous les postes radio étant en panne ... En outre, le terrain est compartimenté par les maisons et les haies des jardins, les blés sont hauts et rendent les contacts difficiles, alors que justement les flancs sont très dégarnis.
Dispositif de combat pour la défense de Vinkt (croquis de l'étude du commandant Hautecler) Dans la nuit du 26 au 27 mai, le village est soumis à un bombardement incessant de 105 mm., qui coupe notamment les lignes téléphoniques du bataillon. Du côté allemand, la 225° division vient de relever la 56° dont le 192° régiment s'est fait étriller les jours précédents.
Très fraîche, encouragée par les bulletins de victoire et la rencontre des colonnes de prisonniers, la nouvelle division croit qu'il n'y a plus qu'à cueillir la place. Pour ne rien laisser au hasard, le général Schamburg met un régiment en face de chaque bataillon belge et plus spécialement le 377° percera le bataillon Velghe, le 192° Van Espen et le 376° plus au nord Temmerman (1 CHA).
Ce régiment relève donc avec enthousiasme le 192°, qui reste sceptique, et qui concentrera sa poussée sur le seul bataillon Van Espen. Le 377° attaquera dans l'axe de la route de Nevele, le bataillon Kühner au sud et le bataillon Klamroth au nord, le troisième demeurant en réserve.
La mise en place s'avère déjà moins gaie qu'il n'était prévu. La relève et la montée s'opèrent sous une grêle d'obus belges. Le bataillon Klamroth est fortement secoué et perd deux commandants de compagnie. De 7h50 à 8h30, l'artillerie allemande prépare le terrain, puis allonge son tir; elle dispersera la réserve du III/3. A 8h45, elle se tait soudain. C'est le début de l'assaut.
De suite, le tir belge cloue les fantassins ennemis au sol. Les rafales de fusils mitrailleurs fauchent les blés, les fusiliers se tirent dessus à 50 mètres. Le tir diminue un moment, les munitions manquent du côté belge. Un groupe d'hommes de la 8°Cie se précipite au camion de munitions en panne dans le village et rapporte des caisses. Le feu reprend. Des servants de FM blessés font la navette entre le village et leurs positions pour alimenter les tireurs en chargeurs.
Le long de la route, la 7° compagnie (lieutenant Laurent) se replie en tiraillant et se réfugie dans le couvent des sœurs jacobites qu'elle transforme en forteresse. Plus un Allemand n'avance. Les petits vieillards de l'hospice accueillent avec enthousiasme cette distraction et galopent en tous sens dans les jambes des soldats. Mais les sœurs préparent inlassablement des tartines et du café, et ces chasseurs seront ainsi les seuls à manger ce jour, les cuisines roulantes ayant été détruites par le bombardement.
Sur la route, entre le la 8° et la 7°, le T13 bloque les avances ennemies. Il appelle a la rescousse une des deux chenillettes T 15 de l'escadron moto qui a pris position près de l'église de Vinkt et la lance détruire un nid de fusils mitrailleurs allemands sous la couverture de son propre feu.
Un T15 belge Les soldats continuent le combat, fatigués et assoiffés. Trois sur quatre des FM d'un peloton sont enrayés. Des fuyards passent devant le PC du colonel commandant le 3 CHA et pour se justifier, prétendent que Vinkt est tombé. L'officier demande aussitôt à l'artillerie de soutien d'écraser le village. Les obus belges font des ravages parmi le deuxième échelon des chasseurs ardennais. Des unités se disloquent et se reconstitueront en groupes de hasard.
Les 8° et 7° compagnies, toujours à l'entrée est du village, n'ont pas fait la différence entre les obus belges et allemands qui leur tombent dessus. Ils continuent le combat. Il n'y a plus de munitions pour le lance grenades. Un atelier de réparation de fortune pour les armes enrayées fonctionne à l'abri du T 13.
Mais les Allemands débordent la 8° compagnie par le nord, ayant percé les restes épars du peloton de jonction avec le 1° bataillon (Temmerman) du 1 CHA.
Le commandant de compagnie, lieutenant Lamborelle fait replier son unité jusqu'au village et interdira avec ses FM les Dorpstraat et Ketelstraat. (rue du village et rue du chaudron).
Le T 13 Franckx prend position au carrefour principal du village. Du grenier du couvent, les FM de la 7° compagnie neutralisent une mitrailleuse qui tente de couvrir les mouvements d'encerclement allemand.
Les bataillons Kühner et Klamroth sont cloués sur place, et ce dernier major est blessé et évacué; la plus grande confusion règne dans les unités allemandes, des compagnies se sont débandées, les pertes sont lourdes. L'artillerie belge a détruit un pont sur le canal et empêche les canons allemands de traverser et d'apporter un soutien rapproché. Enfin, sur le front sud, le bataillon Van Espen a infligé le même échec à l'adversaire et ses mitrailleuses lourdes Maxim ont provoqué un massacre.
A 12 heures, le colonel Hodissen ordonne le repli de son 377° et lance les pionniers d'assaut spécialisés dans les combats de rue.
A ce moment, le lieutenant Laurent occupe toujours le couvent, mais comme le nord du village est déjà occupé et qu'il est isolé, il décide de rentrer dans le village. Les chasseurs traversent le jardin et rejoignent au nombre d'une cinquantaine le carrefour tenu par les motocyclistes et les T 15 de la 10° compagnie de chasseurs ardennais (lieutenant Lalière).
Comme ils avaient déposés leurs vélos dans le cimetière avant la bataille, ils obtiennent qu'un T 15 les soutienne pour aller les rechercher et se lancent de l'avant. Surpris, les Allemands perdent pied et les vélos sont repris.
Dans le village, des petits groupes de soldats livrent maintenant un corps à corps. La compagnie moto a rétabli une ligne continue qui tient le carrefour Staggestraat-route de Deinze à Lotenhulle et tout le long de cette route, renforcée par trois chenillettes dont les déplacements impressionnent fort les Allemands qui croient avoir à faire à de véritables chars.
Cette unité couvre le retrait de la 7° compagnie qui arrivera dans les lignes du 2CHA vers 13h20. Puis son commandant décide d'encore couvrir le repli des éléments du 1 CHA.
Il n'a plus de munitions normales et doit tirer à obus antichars.
Au sud, les pionniers d'assaut entrent dans le village à 13h30. Le groupe rencontre la 2° compagnie qui se déplace en vélo. Les chasseurs ardennais sautent à terre et contre attaquent, les chars T 13 du sous-lieutenant Wasselle arrivent à la rescousse.
Un autre groupe allemand attaque et prend la ferme Provyn, puis la ferme Van Hoe, occupée par des hommes de la 9° compagnie du bataillon Philippart (IlI/l) qui abandonnent, puis, constatant que leurs vélos sont demeurés dans la ferme, remontent à l'assaut avec l'aide d'un T 13 qui passait par là.
Profitant de leur élan, ils reprennent également la ferme Provyn que tout le peloton de pionniers allemands va alors attaquer. Mais quand il aura repris la ferme, le bataillon Van Espen aura pu décrocher. Un demi-peloton, encerclé, brise le cercle en avançant FM à la hanche. Des hommes isolés se battent dans des maisons dont les jardins grouillent d'ennemis.
La résistance de Vinkt est déjà sans objet depuis 12 heures, car le front a été enfoncé ailleurs et une nouvelle ligne en retrait doit être établie. Le commandant du 3 CHA a donné l'ordre de repli depuis 12h30 et chaque unité décroche quand elle peut. A 14h30 la bataille est finie, la 1° Div. CHA a reconstitué une nouvelle ligne. A 15 heures, les hommes du 377°régiment allemand occupent Vinkt et dans leur fureur, fusillent 86 civils de 13 à 89 ans.
Source bibliographique :
"18 jours entre l’enclume et le marteau" par Henri Anrys Pierre De Méyère Editeur Bxl 1962
Source : freebelgians