Jean-Marc Varaut écrit qu’à l’issue des dépositions des témoins de la défense:
«[...] l’impression générale est que Staline a fait assassiner préventivement l’encadrement de l’armée polonaise»
Il conclut comme Poliakov:
«L’affaire de Katyn ne sera pas reprise par le Tribunal dans son jugement. [...]. L’Union soviétique n’insistera plus sur l’affaire, sans jamais reconnaître le crime.
Et le gouvernement communiste polonais ne mentionne pas le nom de Katyn dans la liste des crimes allemands commis en Pologne.»
Michael Bildis, qui fut président de l’Historical Association en Grande-Bretagne, écrit:
«By the close of the trial it was becoming plainer that the crime belonged not to 1941, as alleged, but to 1940 when the area was still under the control of the Red Army. By excluding from the final judgement all reference to this matter, the Western members of the Tribunal were paying silent and embarrassed testimony to the fact that in Eastern Europe, before as well after Germany and the USRR became open enemies in June 1941, both the Nazi and the Stalinist regimes had pursued their irreconcilable goals with comparable ruthlessness.»
Ce qui signifie, en résumé, que la culpabilité des Soviétiques est apparue clairement pendant le procès et que la disparition de Katyn du jugement prend acte de ce fait.
Tous sont d’accord pour dire que la culpabilité des Soviétiques est apparue, que celle des Allemands a disparu.
C’est bien ce que signifie l’absence de Katyn dans le jugement. Il serait grotesque, et contraire à la vérité, d’affirmer que les Allemands furent condamnés pour Katyn...
La lecture des minutes du procès, ainsi que les récits qui en ont été faits (voir notamment Telford Taylor et Jean-Marc Varaut), révèle l’importance que les Soviétiques
attachaient à Katyn. Non seulement ils avaient monté une commission d’enquête bidon, mais ils avaient été prêts à aller jusqu’à la crise pour inclure Katyn
dans l’accusation. On peut être sûr que s’ils avaient considéré leur position comme démontrée à l’issue des audiences, ils auraient fait en sorte que Katyn
soit mentionnér dans le jugement.
Ils tenaient bien trop à étaler la «culpabilité» allemande, concernant Katyn, aux yeux du monde (seul moyen pour eux de se disculper) pour ne pas clamer haut et fort leur «victoire» s’ils avaient pu en obtenir une.
Ce fut une défaite, comme on l’a vu. C’est dans ce contexte-là, dans le cadre de l’acharnement soviétique qu’il faut lire et interpréter l’absence de Katyn dans le jugement.
Cette absence signifie bien la défaite de la tentative soviétique et la reconnaissance de l’innocence allemande. Elle est soulignée par l’absence, rapportée par Poliakov et Varaut,
de l’évocation de Katyn par le gouvernement polonais communiste pro-soviétique (c’est-à-dire à la botte de l’URSS), dans la liste des crimes allemands commis en Pologne.
On peut dire sans se tromper que si l’URSS avait considéré que le jugement rendu à Nuremberg pouvait être interprété comme un jugement de culpabilité allemande
pour Katyn, elle aurait imposé la mention de Katyn aux Polonais.
Dans un livre sur le procès, paru aux Editions de Moscou en 1969, Katyn n’est mentionné nulle part.
Après tant d’insistance pour accuser les Allemands de ce crime, ces silences disent clairement quelle fut l’interprétation par les Soviétiques eux-mêmes de l’absence de Katyn
dans le jugement.
Nuremberg, un procès équitable
Qu’il nous soit permis de rappeler l’article n°16 du statut, du point IV intitulé «Procès équitable des accusés»:
«Article 16: Afin d’assurer que les accusés soient jugés avec équité, la procédure suivante sera adoptée:
a) L’Acte d’accusation comportera les éléments complets spécifiant en détail les charges relevées à l’encontre des accusés.
Une copie de l’Acte d’accusation et de tous les documents annexes, traduits dans une langue qu’il comprend, sera remise à l’accusé dans un délai raisonnable avant le jugement;
b) Au cours de tout interrogatoire préliminaire au procès d’un accusé, celui-ci aura le droit de donner toutes explications se rapportant aux charges relevées contre lui;
c) Les interrogatoires préliminaires et le procès des accusés devront être conduits dans une langue que l’accusé comprend ou traduits dans cette langue;
d) Les accusés auront le droit d’assurer eux-mêmes leur défense devant le Tribunal, ou de se faire assister d’un avocat;
e) Les accusés auront le droit d’apporter au cours du procès, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de leur avocat, toutes preuves à l’appui de leur défense
et de poser des questions à tous les témoins produits par l’Accusation.»
Et en effet, les accusés eux même furent surpris par le caractère équilibré et équitable du procès! Voici ce qu’en écrit Jean-Marc Varaut:
«Le Président s’emploiera tout au long du procès à faire respecter la notion de procès équitable. La liberté de choix laissée aux accusés [concernant leurs avocats]
par le statut surprendra plusieurs d’entre eux. [...]
Les accusés, même lorsqu’ils dénoncent le procès comme le procès des vainqueurs aux vaincus, reconnaissent l’impartialité du président.
Dans le temps même où il retire la parole aux avocats qui veulent anticiper sur le temps de leurs interventions, il réprimande les représentants du Ministère public
lorsqu’ils dénaturent un document par une lecture sélective ou par leurs commentaires. [...]
On comprend que les avocats et les accusés aient été unanimes à reconnaître et à louer l’impartialité de Lord Geoffrey Lawrence [Le Président].
Il fut exemplaire tout au long du procès, le Juge, tel que le rêvent les opprimés et le craignent les puissants, et que les puissants déchus attendent eux aussi lorsque l’accusation
les égale à leurs victimes.»
A la fin du procès, auront été entendus 33 témoins à charge et 61 témoins à décharge, sans compter les 19 accusés qui ont comparu personnellement à la barre.
La défense a en outre produit 143 dépositions écrites.
Ceux qui voudraient faire croire que le procès de Nuremberg fut inique commetraient une escroquerie historique...
Laissons le mot de la fin à François de Fontette:
«On aperçoit aisément l’écheveau serré des problèmes posés, qu’ils soient juridiques, historiques, politiques, sociologiques ou philosophiques.
Entre les deux extrêmes du coup de pistolet dans la nuque et de la leçon publique de morale, combien sage apparaît la création d’une juridiction pénale internationale;
cela est d’autant plus vrai qu’on y a observé une pondération et un équilibre remarquables puisqu’on n’a pas hésité à acquitter trois accusés.
La liberté de parole des avocats (certains membres du NSDAP), l’adoption d’une procédure pour une grande part anglo-saxonne et donc accusatoire,
la possibilité pour les accusés eux-mêmes de témoigner dans leur propre cause sont autant d’éléments qui ont contribué à apporter aux débats un grand sérieux
et une relative sérénité. La longueur même des débats, les 22 volumes qui en sont la reproduction et les 20 volumes de documents attestent de la minutie avec laquelle
les questions ont été étudiées, les interrogatoires menés et la défense entendue.
Il suffit d’opposer l’assassinat et l’exposition scandaleuse des cadavres de Mussolini et de Clara Petacci à l’exécution légale des criminels nazis
après une sentence judiciaire longuement mûrie.
Le premier mode relève de l’ire populaire sauvage, le second est l’expression d’un droit international pénal sans doute appliqué pour la première fois dans toute sa rigueur,
mais il faut bien qu’il y ait une première fois et justice n’est pas vengeance.
La justice ne cesse pas d’exister parce qu’elle se trouve à la fin du drame, du côté de la force victorieuse.
Voici longtemps que Blaise Pascal le signifiait en un propos définitif: «La justice sans la force est impuissante... la force sans la justice est tyrannique.
Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.»
C’est à cela qu’à Nuremberg on est tant bien que mal parvenu lorsque la lance d’Athéna rencontre le glaive de Thémis, alors la mesure est bonne.»
source
phdn.org