Chaque guerre a ses mythes, réels ou fantasmés.
Dans la grande bataille de l'information qui, en parallèle des âpres combats de rue, des tirs de missiles dévastateurs ou de l'utilisation supposée de terrifiantes
bombes thermobariques, font de la guerre d'Ukraine le grand conflit hybride qu'elle est, une légende a émergé: celle du «fantôme de Kiev», «the Ghost of Kyiv» en anglais.
Le fantôme de Kiev revient ainsi dans de nombreuses discussions en ligne.
Il s'agit d'un pilote ukrainien devenu un «as en un jour»: son MiG-29 aurait, selon la légende, abattu en moins de vingt-quatre heures la bagatelle de six avions russes
(deux Su-35, un MiG-29M, un Su-27 et deux Su-25) pour défendre cette capitale ukrainienne que la Russie peine à soumettre.
As parmi les as, il dispose même sur Twitter de son écusson, et est devenu un thème récurrent des échanges sur les difficultés qu'ont les puissantes armées russes
à mettre au pas une Ukraine qu'elle pensait faible, et qu'elle aurait dû écraser en quelques jours.
Mais comme le note l'excellent The Drive, qui consacre un article au Ghost of Kyiv, il est fort probable que le dit fantôme n'existe que dans l'esprit de celles et ceux
qui souhaitent y croire.
Baume au cœur
Il est du moins, à ce stade, difficile sinon impossible d'authentifier ces exploits déclarés, ces six avions abattus en quelques heures qui en feraient l'un des pilotes de chasse
les plus efficaces depuis la Seconde Guerre mondiale.
Malgré les nombreuses vidéos de combats aériens ou de ballets de Su-27 et de MiG-29 publiées sur les réseaux, le simple fait que des chasseurs russes aient été abattus
par leurs ennemis volants ukrainiens ne peut, encore une fois à ce stade, être formellement confirmé.
On sait néanmoins que si le commandement russe a fait état d'une supériorité aérienne totale sur le territoire ukrainien dès les premières heures du conflit,
avec la prise ou la destruction de nombreux aéroports et bases aériennes, la réalité semble être plus nuancée.
"The ghost of Kyiv"
Le renseignement américain souligne notamment depuis le premier jour que cette mainmise aérienne russe n'est pas absolue, et que l'Ukraine dispose encore de défenses sol-air
ou de chasseurs valides. De plus, ses redoutables drones turcs Bayraktar TB2 semblent encore capables d'infliger d'importants dégâts au sol.
En outre, et au-delà de centaines de lanceurs sol-air, l'Ukraine pourrait dans les tout prochains jours, et s'il n'est pas trop tard, recevoir d'importants renforts matériels
en provenance de pays de l'Union européenne, qui opèrent des chasseurs similaires à ceux sur lesquels les pilotes ukrainiens volent.
Mais le fantôme de Kiev?
Il est sans doute un mythe, une légende urbaine. Capacité d'emport, autonomie limitée, base a priori endommagée: The Drive note que la faisabilité même de l'abattage
de six avions ennemis par un seul MiG-29 en une seule journée semble des plus douteuses.
Pourtant, si le Ghost of Kyiv est une fable, elle est peut-être une fable capitale pour les jours cruciaux qui se profilent.
Pour le moral des troupes comme celui des civils et résistants, l'un des paramètres les plus cruciaux d'un tel conflit, les actes héroïques réels sont un appréciable carburant.
Mais même si elles ne relèvent que du fantasme et de la croyance, les légendes comme celles du fantôme de Kiev ont aussi leur importance.
Penser que, quelque part dans le ciel, un ange exterminateur aux qualités quasi surhumaines veille sur l'Ukraine ne peut qu'être un baume au cœur de celles et ceux
qui souffrent au sol.
source
korii.slate.fr