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 LA GUERRE D'INDOCHINE

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naga
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MessageSujet: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeVen 9 Aoû - 2:20

LA GUERRE DES POSTES

En Indochine, l'essentiel des forces, (dites territoriales) était éparpillé en petites unités chargées de quadriller le pays.
La « Guerre des postes » a été une des caractéristiques du conflit indochinois.
En effet, raconter l'histoire de la guerre d'Indochine en se référant seulement aux batailles rangées ne donnerait pas une idée juste de la réalité de cette guerre
telle qu'elle fut vécue sur le terrain par la plupart des combattants.


LA GUERRE D'INDOCHINE Fort_i10


Dès 1948, pour lutter contre la guérilla, le général Boyer de la Tour fit installer un système de tours en Cochinchine, puis au Centre-Annam.
Il s'agissait le plus souvent d'ouvrages en briques surmontés d'un toit de tuiles à quatre pans.
Certaines aussi ressemblaient à de grands miradors, reposant sur quatre pieds métalliques (ou en bois), semblables à des derricks.
Hautes généralement de 4 à 6 mètres (voire 8 mètres) et larges de 3 à 4 mètres, elles avaient des murs de 30 à 40 cm d'épaisseur, protégées à la base par des troncs d'arbres
ou une murette.
On y entrait à l'aide d'une échelle, par une ouverture située à deux mètres du sol. Chaque soir, la petite garnison retirait l'échelle.
Ces tours d'observation étaient implantées généralement à vue l'une de l'autre, c'est-à-dire à environ un kilomètre de distance, avec tous les cinq kilomètres
un ouvrage plus important. On les nommait par des lettres, des numéros, des points kilométriques.
Dans une tour, veillaient quatre à six hommes, armés de fusils, de grenades et de pistolets-mitrailleurs.

A partir de 1950, comme l'ennemi disposait de canons sans recul de 75 et de bazookas, il fallut renoncer à la construction de ces tours .
Désormais, elles ne serviraient plus, le long des routes, que comme postes de surveillance de jour ou comme cantonnement pour les troupes .
La construction de postes solides, capables de résister à une attaque, s'imposait donc.
Marquant sur tout le territoire de la péninsule la présence militaire française, les postes différaient par leur taille, leur site, leurs matériaux.
Ils étaient construits en s'appuyant sur la géographie locale ; autant dire que ces constructions étaient très diverses.

LA GUERRE D'INDOCHINE Zz218


En 1948-1949, on construisit plus de 500 tours en Cochinchine.
Témoignage écrit du colonel Norbert Delpon. – Celui-ci, jeune lieutenant dans le secteur de Dong Hoï (centre Annam), au printemps de 1950, vit des centaines de tours attaquées
et détruites, dans la même nuit par les Viêts. Ayant refusé d'en reconstruire dans son quartier, il fut sanctionné de huit jours d'arrêts et obligé de se conformer aux ordres :
il fit aménager une tour inoccupée la nuit…


LA GUERRE D'INDOCHINE Zz136


Dans un paysage de rizières souvent abandonnées par suite de la guerre (par exemple, dans la plaine des Joncs), le poste pouvait être constitué (rarement) d'une grande maison d'habitation (à fortifier) et d'une vaste grange aménagée en cases pour loger les familles des partisans .    
Le fortin était généralement construit en bambous garnis de terre ou bien en sacs de terre ou encore entièrement en terre ; dans ce dernier cas,
la terre était très fortement  tassée, ce qui donnait des murs -au moins cinquante centimètres d'épaisseur- très résistants, y compris aux balles de 12,7.
La charpente était en bambous et la toiture en feuilles tressées de bambous, ce qui  rendait l'ensemble très imperméable.

Au Tonkin, le poste était bâti sur une éminence au milieu des rizières, soit sur des pitons arasés dans les zones montagneuses et boisées ;
dans ce dernier lieu, le fort était constitué entièrement de troncs d'arbres et de bambous, ou bien de pierres prises sur place étayées de bois ;
en outre, des « niches » étaient creusées dans la roche pour les familles des supplétifs.

Ces fortifications se présentaient généralement sous la forme d'un carré, d'un rectangle (de 80 x 60 mètres par exemple) ou d'un triangle, voire même sans forme géométrique. Cependant, elles avaient toutes des caractères communs, c'est-à-dire un mur d'enceinte en briques ou en pierres avec des blockhaus d'angle en béton armés de mitrailleuses ;
à environ cinq, dix mètres du poste, se trouvait un fossé circulaire de quatre mètres de large (parfois rempli d'eau), bordé de plusieurs réseaux de bambous (appelés « Zéribas »)
en croisillons, acérés, durcis au feu, profondément enfouis dans le sol avec les pointes tournées vers l'extérieur ;
enfin, au-devant de ce dispositif, à vingt ou trente mètres, un réseau de barbelés, des mines anti-personnel et des pièges éclairants.

Au Tonkin, en 1951, le général de Lattre ordonnait la construction d'une vaste ligne de défense pour isoler « le delta utile » -21 000 km2 et 8 millions d'habitants-
des régions communistes avoisinantes. Cette ceinture fortifiée fut réalisée par le Génie, la Légion et des milliers de coolies vietnamiens qui coulèrent 51 millions de m3 de ciment.

Ligne de Lattre

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_l10

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naga
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeVen 9 Aoû - 2:38

Au 1er janvier 1953, il y avait au Tonkin 917 postes, dont 80 seulement étaient modernes (« la ligne de Lattre »), 25 relativement récents et 810 démodés à des degrés divers.

Bunker style Maginot au Tonkin

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_l11


LA GUERRE D'INDOCHINE Indoch10


LA GUERRE D'INDOCHINE Indoch11


En mai 1953, le soldat Jean-Aimé Diaz était envoyé à Sontay (Tonkin) dans un fort situé à proximité immédiate du Fleuve Rouge.
C'était un blockhaus en béton armé (construit sous le général de Lattre), comportant une porte blindée et des volets d'acier pour les meurtrières ;
des escaliers en terre descendaient à trois mètres de profondeur dans une salle (servant de cuisine et de dortoir), équipée d'un groupe électrogène.
A l'exception d'un mortier de 81 installé à l'extérieur sur une dalle de béton avec un parapet, l'ensemble du blockhaus n'était guère visible, couvert de terre au niveau du sol  
avec de l'herbe, s'étendant sur environ un hectare sans végétation dans « un paysage infini » de rizières abandonnées ; autour du fort, quelques mines et des barbelés.

Sur chaque fortin plus ou moins bricolé, régnait un jeune chef, assisté de quelques européens et une troupe plus ou moins importante de Vietnamiens (partisans ou supplétifs).
Le chef de poste était parfois un officier (sous-lieutenant ou lieutenant), le plus souvent un sous-officier (sergent, sergent-chef), voire un simple gendarme.
Il commandait un personnel militaire européen peu nombreux qui servait à l'encadrement des groupes de partisans :
par exemple, au Tonkin, en 1948, le taux d'encadrement théorique était fixé à 5 % ; on relevait 3 sous-officiers et un homme de troupe pour deux cent partisans (soit 2%) ;
en 1951, 3 Européens pour une centaine de supplétifs ;
enfin, en 1953, au Sud-Annam (région de Djirang), un seul gendarme était responsable d'une vingtaine d'autochtones .
Les Européens mutés dans des unités supplétives ne recevaient guère de formation particulière ; on ne leur donnait que quelques conseils pratiques pour faciliter leur intégration
au groupe : appeler le supplétif par son nom personnel, ne pas heurter l'autochtone par des cris et des réprimandes publiques, respecter les familles et les enfants des hommes,
et surveiller les chaussures des partisans car les Vietnamiens avaient les pieds courts et larges.
En théorie, le recrutement se faisait sur la base du volontariat, mais, dans la pratique, l'administration militaire puisait dans les arrivants sans se soucier du reste.
Des rapports signalaient la médiocrité de ces Européens (laisser-aller, alcoolisme et manque de courage).

Finalement, tout dépendait du chef de poste qui s'occupait pratiquement de tout : actions militaires, instruction, vie matérielle, récompenses et sanctions.
C'était lui qui traçait la ligne entre le licite et l'illicite, car toute autorité émanait de sa personne. Il présidait les mariages et réglait les séparations. Il assistait aux fêtes.
Il arbitrait aussi les conflits, nombreux, parfois violents. Il décidait des uniformes, voire de l'insigne de son unité. Il avait l'allure d'un chef de bande sans peur, sans faiblesse,
ni pitié s'il le fallait.



a suivre...
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vania
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeVen 9 Aoû - 10:49

Très bon sujet... Cool
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naga
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeVen 9 Aoû - 12:57

En 1951-1953, un lieutenant de l'infanterie coloniale effectua deux séjours dans une zone située à la frontière du Laos et du Nord-Annam dans la chaîne Annamitique
(1 600 mètres d'altitude), « sans aucunes voies de communications terrestres en dehors des pistes qui reliaient les villages les uns aux autres ».
Il était « le seul européen avec cent partisans montagnards, en qui il avait toute confiance ».

Voici quelques réflexions sur son comportement :
« Pour remplir ma mission et survivre, il fallut abandonner mes habitudes d'Européen, s'intégrer au milieu dans lequel ils vivaient, adopter en partie les mœurs de mes partisans, c'est-à-dire, apprendre des rudiments de la langue des populations côtoyées, consommer la même chose que mes partisans, dormir sur le sol ;
tel était le prix à payer pour se faire admettre et être considéré comme un des leurs par ces gens simples, mais particulièrement accueillants.
Souvent coupé des bases logistiques (à part le poste radio), isolé dans la nature, je devais vivre sur le pays en symbiose avec les partisans et les villageois ;
seuls quelques parachutages viendront apporter l'essentiel (des sacs de riz et du sel) , lors de la saison des pluies.
Mon problème le plus délicat était l'évacuation des blessés, car, à cette époque, en Indochine, il n'y avait pas d'hélicoptère :
ils étaient évacués par brancardage et quelquefois en pirogue. Les délais étaient très longs et les blessés graves perdaient la vie avant d'arriver à l'hôpital.
Les morts étaient généralement enterrés sur place ».
En outre, « les Viêts n'étaient pas des bienvenus dans cette zone ; en général, cette population n'aimait pas les Annamites, ce qui nous facilitait la tâche ».

Chaque chef de poste adressait régulièrement des rapports au capitaine ou commandant de région.
Ainsi, le 24 septembre 1949, le garde républicain Marc Giraud du poste de Dak-Song (Sud-Annam) rendait compte de la tournée effectuée,
en compagnie d'un caporal et de six gardes républicains dans deux cantons proches de la frontière du Cambodge pour assurer la perception des impôts (environ une semaine).
Dans chaque canton, avait lieu une réunion en présence des chefs de secteurs et de villages :
« La discussion portait particulièrement sur la sécurité du territoire, les déserteurs des plantations (coolies contractuels), le signalement des suspects,
la recherche des renseignements, ainsi que sur le recouvrement  du rôle des contributions (fraudes).
Dans les villages visités où règne partout la disette, plusieurs décès ont été signalés parmi les jeunes. Il semble que ces décès soient dus au paludisme et à la dysenterie.
Les habitants vivent dans un état de saleté déplorable. Les cases sont généralement partout très mal entretenues.
En grosse forêt, les pistes sont très mal entretenues  et rendent difficiles le passage des éléphants ».

Construction d un Fort par les suppletifs

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_c10


La plupart de nos anciens combattants, chefs de postes, avaient sous leurs ordres des unités de partisans ou de supplétifs ce qui permettait de faire face au déficit
chronique d'hommes, sans avoir à réclamer sans cesse des renforts .
Leur utilisation était aussi vieille que la colonisation : on les recrutait en partie parmi les minorités ethniques (Khmers vietnamiens en Cochinchine) en puisant naturellement
dans les multiples peuples montagnards, c'est-à-dire, par exemple, les Nungs, dans le Nord Tonkin, à l'Est du Fleuve Rouge ; les Thos au Nord du Fleuve Rouge ;
les Muongs au Nord-Annam  et le Sud-ouest du Tonkin ; les Thaïs au Sud du Fleuve Rouge…
En effet, des haines traditionnelles et ancestrales existaient entre les peuples de la Haute-Région et les Vietnamiens des plaines.
Jaloux de leur autonomie et attachés à leurs coutumes, ces montagnards n'étaient pas disposés à accepter l'emprise vietminh.

En zones contrôlées, le recrutement se faisait par l'intermédiaire de chefs de village, de notables fidèles à la France, ou d'anciens militaires.
La plupart des supplétifs avaient à se venger de l'assassinat d'un parent ou d'un ami. Le mode de recrutement du lieutenant Jacques Guichard  était simple :
« Je traçais une ligne sur le sol et j'exécutais un saut à pieds joints. Vu mon âge et ma forme physique, le résultat était bon ; puis, les candidats faisaient le même saut,
et je retenais à priori ceux qui avaient sauté aussi loin que moi. Cela me permettait d'écarter les insuffisants sans leur faire perdre la face  ».
Chaque supplétif touchait un habillement léger mais usagé, c'est-à-dire des shorts, des chemisettes, un pantalon de drap, un chapeau de brousse et un équipement réduit
(bidon, gamelle, cartouchière). Au Tonkin, il percevait un paquetage plus important qu'en Cochinchine en raison des changements climatiques (treillis, couverture, moustiquaire).

Le lieutenant Jacques Guichard  décida d'améliorer l'équipement  de ses supplétifs, vu le caractère sommaire de la dotation de base.
A cause de son isolement, il utilisait les prises des embuscades, notamment des ballots d'étoffes de différentes couleurs et du tabac :
« Le tissu m'a permis de faire confectionner chez les tailleurs locaux des uniformes de couleurs variées : noire, beige clair, vert armée, cu-nau (marron).
Les tailleurs étaient payés avec du tabac, tout comme les « baskets » achetés aux Chinois. »

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naga
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeVen 9 Aoû - 13:03

Le lieutenant Dominique de La Motte fit tailler (pour ses partisans) dans le tissu de son choix, des tenues de parade et des tenues de combat noires ;
lui-même avait une « belle tenue de combat noire », car il avait remarqué que sa tenue claire réglementaire était la cible privilégiée des Viêts.

En principe, le logement des partisans n'était pas prévu, car certains vaquaient à leurs propres occupations en dehors du temps de service.
Souvent, à proximité immédiate des postes, on construisait des villages pour les supplétifs et leurs familles.
En pays Thaï, se dressaient des paillotes typiques montées sur pilotis et accessibles par une échelle de bambou avec les êtres humains à l'étage supérieur
et les cochons et les volailles à même le sol. D'autres étaient logés dans des baraquements, des hangars ou des pagodes abandonnées.

LA GUERRE D'INDOCHINE Zz137


Pour les postes très  isolés, les épouses et les enfants vivaient, dans la mesure du possible, dans l'enceinte même des points fortifiés.
Comme tout militaire, chaque partisan touchait « une pauvre solde », payée tous les quinze jours, selon des barèmes dépendant de la zone des opérations militaires
et des grades.
En 1950, un supplétif percevait 250 piastres par mois contre 586 piastres pour un militaire français.
En cas d'invalidité ou de décès, les supplétifs n'avaient aucune pension, mais seulement une indemnité de 100 à 200 piastres pour une blessure grave et de 300 à 1 100 piastres
en cas de décès en service. Comme les sommes ainsi allouées étaient dérisoires, les unités essayaient d'employer les mutilés comme cuisinier ou gardien de mulets, par exemple.

Le statut du partisan était rudimentaire : considéré comme journalier, il pouvait être licencié sans préavis ; en retour, il pouvait quitter le poste à tout instant,
sur un coup de tête, pour une vexation ou pour une fille qui lui plaisait ailleurs. En fait, on lui imposait un service minimum de six mois (car l'instruction en prenait déjà deux)
et un préavis de congé de huit jours, afin de lui trouver un remplaçant.
Pour la nourriture, les supplétifs ne disposaient d'aucune popote, et, en conséquence, ils devaient se nourrir seuls.
Dans certains cas, le partisan pouvait acheter des denrées s'il y avait une pénurie locale due aux mauvaises récoltes ou aux actions ennemies.
Beaucoup de supplétifs préféraient faire des achats directs sur les marchés des villages, notamment pour le riz (gluant) de montagne, les fruits (bananes, ananas, mangues)
et toutes sortes de poissons, provenant des rizières ou des rachs (petites rivières).
Certaines familles élevaient à proximité de leurs paillotes, des poulets, des canards, et des cochons noirs.
Certains partisans ravitaillaient le poste en gibier (tourterelles, sarcelles), le plus apprécié étant le cerf-cheval et le sanglier.

D'autres animaux entraient moins fréquemment dans le menu des montagnards : le chien, les rats, le serpent python dont « la chair fine ressemblait quelque peu au poulet »…
Un groupe de coolies (escortés), ou parfois une colonne de mulets, se chargeaient du ravitaillement des postes ; pour les plus isolés, des parachutages réguliers étaient nécessaires.

L'armement des supplétifs était très variable.
Durant l'année 1947, dans un poste situé sur la Route Coloniale 4, nous avons une garnison de huit marsouins d'origine européenne et de trente-six partisans Nung ;
l'armement correspondant était le suivant :
une mitrailleuse (de position) 16,62 d'origine américaine à refroidissement à eau, un fusil-mitrailleur Hotchkiss ; des armes individuelles : carabines US 15,
pistolets mitrailleurs (américain Thompson) ; des Mas 36 pour les partisans, qui avaient également récupérés des armes japonaises :
enfin, des grenades défensives françaises .
La même année, l'armement vietminh provenait d'achats extérieurs, de contrebande, de récupération sur les parachutages alliés ; de vols dans les arsenaux français
ou d'armes cédées par les Japonais après le coup de force du 9 mars 1945, sans compter les prises de guerre dans les embuscades et les attaques de convois et de trains.

En bref, au début du conflit, en 1946-1947, l'armement était essentiellement anglais : fusil Enfield, mitraillette Sten, mitrailleuse Bren, grenades (mills), révolvers, équipements,
poste émetteur phonique et camions anglais . A partir de 1950, l'armement américain devint prédominant.

Tourelle de char Crusader sur un bunker a Haiphong

LA GUERRE D'INDOCHINE Haipho10

Tous les postes n'avaient pas la même vocation. Ainsi, les postes de « la ceinture de béton » créés par de Lattre au Tonkin pour protéger le delta du Fleuve Rouge,
avaient un but strictement défensif. En Cochinchine, les tours situées le long des voies de communications étaient aussi des éléments de position défensive tenus
par de simples sections. Le plus souvent, les postes militaires en Indochine étaient des instruments de pacification.

La mission défensive du poste était d'assurer la protection d'un espace donné qui pouvait être un village ou une zone beaucoup plus vaste.
Le poste servait de refuge aux habitants, comme nos anciens châteaux forts . La vie d'un poste était simple et monotone.
Dès l'aube, on procédait à l'ouverture de la piste avec « la poêle à frire » et aux patrouilles de sécurité dans la brousse ou sur les diguettes des rizières
à la recherche de pièges soigneusement dissimulés durant la nuit : le long de certaines pistes, se trouvaient de petits pagodons, c'est-à-dire de petits Bouddhas en pierre,
dont les soldats « caressaient » la tête en passant, mais qui pouvaient être piégée d'un obus de 105, d'où une dizaine de tués ou de blessés graves.

Au cours de la journée, toutes sortes de corvées ou d'activités de routine attendaient les hommes : renforcement des défenses du poste, entretien des armes et tir ;
du sport avec des séances (parfois obligatoires) de gymnastique ; seuls, les postes importants avaient quelquefois un terrain de sport (volley-ball, football).
Les loisirs étaient rares : jeux de cartes ou de dames, pétanque (boules en bois), plus rarement un vieux phonographe à manivelle avec quelques disques (ou un seul)
plus ou moins éraillés ; exceptionnellement, un jardin potager ou une descente au village pour boire des jarres (contenant de l'alcool de riz) avec les indigènes .
Le courrier était également une occupation importante (une lettre tous les deux jours pour certains). Les lettres permettaient à la fois d'informer, de rassurer (sans tout dire)
et d'attendre . Les relations postales avec la Métropole -Hanoï ou Saïgon-Paris- étaient assurées chaque semaine par six avions, à savoir deux le lundi, deux le mercredi
et deux le vendredi. Le trajet aller-retour pour toute correspondance était au maximum de trois semaines ;
évidement, dans les zones montagneuses du Haut Tonkin et du Laos, le courrier était beaucoup plus irrégulier et beaucoup plus lent (environ un mois) .
En effet, l'acheminement du courrier était une chose compliquée avec l'éclatement des unités, leur mobilité, la durée des opérations, les contraintes du transport par air
et des parachutages, liées à la fois aux circonstances du combat et aux conditions météorologiques.
L'attente -bien connue pour Mme de Sévigné- se faisait à plusieurs niveaux de la part des intéressés : l'attente du départ du courrier mis à l'envoi, l'attente du courrier
venant des proches, enfin l'attente de la lettre confirmant que la lettre envoyée depuis quelques jours est bien arrivée.
En fait, le courrier partait par des liaisons de fortune : convois de ravitaillement, passage des véhicules isolés, patrouilles ; ou bien, deux perches de bois plantées dans le sol -distantes de 15 à 20 mètres- reliées entre elles par une corde supportaient un sac de courrier : par la porte de la carlingue d'un avion, une longue corde munie d'un grappin
saisissait le sac ; pour le retour du courrier, l'avion de reconnaissance survolait le poste en lâchant un paquet (ou une boule) lesté d'une pierre et d'un long ruban blanc .
Parmi le courrier arrivé, se trouvaient quelques journaux destinés aux Européens.
D'après quelques anciens combattants, pour avoir des nouvelles de la Métropole et de l'Indochine, il fallait lire le journal militaire mensuel « Caravelle » en vente à Saïgon ;
pourtant, certains militaires le considéraient comme inintéressant.
Le capitaine Raymond Laporte Many, du Haut-Commissariat de France pour l'Indochine à Saïgon, était abonné aux revues et journaux suivants :
« France Illustration, le Monde, Revue politique et parlementaire, Science et Vie, Revue des questions de la Défense nationale, le Figaro, les Temps modernes,
la N.E.F., le Monde illustré, Ecrits de Paris, le Journal de Genève ».
Quelques mois plus tard, il désirait les ouvrages suivants : « La Russie et les problèmes de la Paix, Mémoires d'Eisenhower, la Revue de politique étrangère,
la Revue américaine « Foreing Affairs », ainsi que des livres sur les services de renseignements ».



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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeSam 10 Aoû - 14:04

La nuit était aux Viêts avec la reprise en main de la population et le châtiment des « traitres ».
La nuit, se succédaient les attaques des postes, les embuscades, les coupures de routes. Même pour les grandes opérations, le combat de nuit était privilégié.
Chargé de ses munitions, de son équipement et de ses vivres -« boudin de riz » pour une semaine et sel-, le combattant Viêt marchait surtout la nuit pour traverser les rivières
et éviter d'être repéré par l'aviation française.
La nuit, dans un poste, il fallait veiller attentivement pour percevoir le moindre tintement des vieilles boîtes de conserves accrochées aux barbelés et qui servaient de « sonnettes » ; elles pouvaient donner une fausse alerte : un rat, un oiseau, ou même un petit coup de vent passant dans les barbelés.
Le poste était attaqué selon un processus invariable. L'attaque se déroulait entre le coucher du soleil -et éventuellement le lever de la lune- et l'aube ; selon les saisons
et les phases lunaires, il y avait six à huit heures environ particulièrement dangereuses. L'attaque était soudaine ; plusieurs centaines d'assaillants se ruaient en hurlant
vers le poste pour tenter de se frayer un passage dans les barbelés et les bambous.
L'attaque se prolongeait avec des périodes de répit consécutives aux regroupements des Viêts. Les  défenseurs s'accrochaient farouchement à l'espoir de pouvoir tenir jusqu'à l'aube, comme la chèvre de Monsieur Seguin. Malheureusement, nombreux furent les postes qui moururent dans la grisaille laiteuse de l'aurore, leurs munitions épuisées.
Si le combat s'étirait jusqu'au matin, les chasseurs bombardiers allaient décoller pour venir mitrailler les Viêts en terrain découvert autour du poste.
Alors, les défenseurs voyaient quelques silhouettes disparaître au loin, traînant avec eux les blessés et leurs morts, à l'exception de ceux qui -accrochés aux barbelés
ou empalés sur les bambous de la haie du poste- n'avaient pu être enlevés à temps.
De l'attaque de la nuit, il ne restait généralement que des taches de sang et des lambeaux de tissu ; même les douilles des cartouches avaient été soigneusement ramassées
avant le repli. Dans la matinée, une forte reconnaissance se rendait au poste, après s'être minutieusement assuré que des mines télécommandées ou une embuscade
n'attendaient pas les éléments de renfort.  Le convoi déchargeait des caisses de munitions pour réapprovisionner le poste et repartait avec les blessés et les morts.



Poste de garde

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_k11


L'ennemi attaquait systématiquement les postes de nuit et par surprise. Comme il était impossible de les secourir de nuit, il fallut s'adapter.
Plusieurs moyens furent donc mis en œuvre : une importante dotation en munitions (trois ou quatre unités de feu, parfois plus) ; une artillerie de position (canons de 105) recouvrant toute la zone au Tonkin avec des tirs préparés à l'avance ; des tirs de « lucioles ».
Dans certains postes, quelques éléments étaient en « sonnettes ». Il s'agissait de petits groupes de deux à trois hommes, postés en avant des positions (de 400 à 500 mètres)
pour donner le temps aux défenseurs de se mettre en  place  ; bien plus, en 1953, au Laos, dans un fort tenu par des légionnaires, un homme « volontaire, capable, et gradé »
était envoyé en observation à environ cinq, voire dix kilomètres du poste : il était attaché la nuit -avec du café pour rester éveillé-dans un arbre au feuillage
particulièrement épais, au croisement de pistes de la brousse, pour recueillir des renseignements sur les mouvements de l'ennemi.
Enfin, d'autres mesures étaient prises pour prévenir les attaques de postes ou aider ceux en difficulté : la multiplication des patrouilles et des guetteurs, l'introduction de chiens
de guerre dans quelques postes, ou bien, la constitution d'une réserve pour secourir les postes attaqués.
« Nous vivons dans des postes et nous n'en sortons que tous les quinze jours. C'est une ineptie ! » Telle était l'amère constatation d'un jeune sergent muté dans un poste
de Cochinchine en bordure de la Plaine des Joncs . Effectivement, un poste devait rayonner, sinon il n'avait que peu d'intérêt : il imposait au commandement des servitudes
tout en ne gênant guère l'activité des bandes rebelles.
Le poste devait avoir aussi une mission offensive, qui consistait à rechercher  le contact avec un ennemi très mobile, à détruire ses bases, et à l'éliminer si possible.
Pour cela, il fallait privilégier les actions de commandos, la recherche et l'exploitation des renseignements obtenus.

En mars 1957, le lieutenant Jacques Guichard arrivait au poste de Ha-Loi au Tonkin (région de Sontay). « Le travail a commencé tout de suite avec un principe fondamental :
le poste ne pouvant pas résister à une attaque sérieuse, il ne fallait pas être dedans, mais constamment dehors en partant si possible de nuit.
Mis à part les touts premiers jours, je n'ai jamais eu un coup de feu sur le poste ».
Généralement, toutes les nuits, des patrouilles sortaient systématiquement des postes -soit dès la tombée du jour, soit à minuit, ou encore, au plus tard à 4 heures du matin-
dans le plus profond silence, assez sinistre. Dans certains postes, la garnison était divisée en trois groupes : un groupe de nuit, un groupe de garde et un groupe de réserve.
Dans les zones de rizières de Cochinchine et du Centre-Annam, dès la sortie d'une patrouille, les coups sourds des tam-tams  résonnaient  à intervalles irréguliers,
dans le silence de la nuit, pour signaler nos mouvements. Durant de longues heures, au plus sombre des nuits sans lune, le passage hypothétique d'un détachement ennemi
était attendu avec anxiété ; mais pour réussir une embuscade, il fallait souvent sortir toutes les nuits pendant plusieurs semaines.
Les retours s'effectuaient le lendemain matin à l'aube, voire le surlendemain au soir, après deux journées harassantes -au milieu des moustiques, de la chaleur moite
et de la soif lancinante- avec la certitude que l'ennemi cherchait à intercepter le détachement depuis sa sortie.
Il fallait rentrer vite pour éviter l'embuscade et un combat inégal.
Durant la journée, des patrouilles quadrillaient une zone plus ou moins vaste à la recherche des mines, des pièges, des souterrains, des caches d'armes et
de toutes les traces pouvant révéler la présence de l'adversaire. Pour entraver les sorties, les Viêts plaçaient de nombreuses mines, en particulier sur les pistes :
un chapeau annamite négligemment abandonné pouvait cacher des mines ; des mines « ananas » ou des bombes piégées (à l'entrée d'un pont) étaient  télécommandées
à distance (jusqu'à cinq cents mètres) à la main par un fil de fer soigneusement dissimulé ; des mines camouflées dans des fourrés de bambous à ras du sol,
ou à hauteur de la taille, étaient presque impossibles à déceler  ; un supplétif, voulant améliorer son ordinaire en s'emparant d'un poulet dans des cages d'osier,
était victime d'une explosion.
De nombreux pièges, de fabrication primitive, mais d'un emploi efficace, étaient disséminés aux abords des hameaux et des villages :
une simple planche, garnie de pointes d'acier longues de quinze centimètres, ou bien de bambous acérés, parfois empoisonnés, était capable de transpercer les pieds d'un homme, même s'il était chaussé d'une paire de « pataugas » aux semelles épaisses ; la blessure, qui entraînait généralement une infection, rendait  l'homme indisponible
pour au moins trois mois.
Certains pièges étaient dérivés des fosses à tigre : un trou à bords francs de deux mètres de profondeur et planté de bambous taillés en pointes ; quelques palmes
et du sable les recouvraient ; « Un homme tombant dans un piège semblable était un homme mort  ».
Les grosses jarres remplies de riz étaient parfois utilisées comme caches par les Viêts : aussi, étaient-elles souvent mitraillées.
Dans certaines pagodes, la statue du Bouddha pouvait etre mitraille ! .
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeDim 11 Aoû - 10:22

Une lutte sans fin, sans réel résultat, et à perpète de chez soi.
Bon pour le moral ... Rolling Eyes
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naga
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeDim 11 Aoû - 12:34

Les Viêts étaient difficiles à saisir et à distinguer de la population, car ils avaient de nombreuses caches enterrées à l'intérieur des villages.
Le lieutenant Norbert Delpon raconte cet épisode :
« Une nuit, nous avons couché au-dessus des Viêts, enfouis sous terre sous notre position. Vers une heure du matin, le calme régnant, ils sont sortis en surprise totale,
au milieu de notre bivouac, marchant sur les tirailleurs endormis, créant une immense pagaille et le danger de nous tuer entre nous,
les sentinelles ayant tout d'un coup des ennemis dans le dos ; heureusement que les obus éclairants de nos mortiers clarifièrent assez vite la situation.

Autre exemple : un troupeau de buffles -indisposés par l'odeur des hommes propres européens- se trouvait dans une écurie ; entre les pattes de ces animaux,
un panier rempli d'excréments cachait un repaire souterrain de Viêts . Pour détecter tous ces pièges, certains officiers étaient conduits à créer des commandos constitués
de prisonniers Viêts volontaires ; à leur contact, on apprenait à connaître tous les engins, dont ils avaient été les inventeurs.
Le risque de désertion était très minime du moment qu'ils avaient agi contre leurs anciens congénères.

Dans la zone des rizières, au cours de la journée, des patrouilles de surveillance parcouraient les diguettes et les lisières de la brousse à la recherche d'un ennemi
généralement invisible. Certaines d'entre elles, armées seulement de grenades et de révolvers, montaient des embuscades, en s'habillant comme le paysan annamite,
avec la sarclette sur l'épaule ; toutefois, des enfants, juchés sur le dos des buffles, pouvaient signaler l'approche d'une patrouille par un simple coup de chapeau.
Le renseignement était en principe le souci essentiel de tout chef de poste, désigné parfois également comme officier de Renseignement à l'échelon local,
voire régional. Le « Service des Renseignements » était une fonction captivante pour un officier -quelquefois un sous-officier- qui voulait apporter une contribution efficace
à ses compagnons de combat et au Commandement.
C'était un travail à la fois passionnant et complexe, infiniment plus « productif » que les embuscades de nuit et les grandes opérations.
Les indicateurs étaient généralement d'anciens Viêts capturés lors des combats. En effet, des prisonniers bien traités, intégrés rapidement dans des unités combattantes
au titre de porteurs, se transformaient souvent en supplétifs fidèles. Ces agents, habitant depuis leur enfance dans les villages environnants, connaissaient les gens
(ce qui est essentiel) et leurs habitudes, mais aussi tous les passages, tous les refuges, les mots de passe et les signaux.

L'interprète du lieutenant Delpon était un sous-officier Vietminh (bachelier français), qui avait suivi un stage de commissaire politique au Tonkin ;
instruit sur son futur rôle, il avait déserté avec de nombreux documents du Régiment 18, son frère étant étudiant en médecine à Montpellier.
« Il était catholique, il me servait de guide dans les commandos d'actions ; une fois en zone Viêt, nous étions à sa merci, s'il avait joué un double jeu, mais ce ne fut pas le cas ».

Quelque temps après, une opération de commando fut effectuée grâce à un ancien Vietminh rallié : en pleine nuit, dans un village gardé par les Viêts,
un commissaire politique de bataillon,-couché dans son lit avec sa femme lors d'une permission- fut capturé dans sa paillote à quinze kilomètres, en pleine zone rebelle.

Ces agents travaillaient loyalement. Ils allaient parfois seuls en patrouille le jour, en embuscade, la nuit. A part quelques rares exceptions,
ils étaient  trop compromis pour fuir : même s'ils emportaient des armes, ils seraient exécutés par les Viêts qui les recherchaient activement.
Cependant, les officiers de renseignement manquaient très souvent de moyens financiers.
C'était leur souci constant : payer les agents pour leur assurer de quoi vivre, payer les renseignements, payer pour faire de la propagande
(papier, encre, carbones pour le bureau, peinture…) Ils avaient seulement la possibilité de dresser quelques contraventions, de confisquer et de revendre les biens des rebelles.
Ils ne disposaient pas de fonds politiques (contrairement aux Anglais en Malaisie).
Un simple sergent et même un officier de renseignements de bataillon étaient obligés parfois de prendre sur leur solde pour payer les agents et acheter tout le nécessaire.
A quelques jours de sa mort (octobre 1946), le sergent Chaumont de Guitry écrivait :
« Je crois qu'une des grandes causes de notre carence en Indochine, c'est qu'on n'a pas assez développé, aidé, soutenu, financièrement et moralement,
les services de renseignements et de propagande ».
L'action purement militaire (à la fois défensive et offensive) du poste doit se doubler d'une activité sociale, c'est-à-dire rétablir la liberté de circulation et de commerce,
assurer la réouverture des marchés, permettre aux écoles de fonctionner à nouveau, faire en sorte que la justice et l'administration reprennent leurs droits sans oublier
la sécurité et la santé publique ; bref, tout ce qui était nécessaire pour gagner (et surtout garder) la confiance des populations.


Un poste fortifie sur la route Haiphong/Hanoi

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_h10


En 1947-1948, le brigadier-chef Georges Dartiguenave séjourna pendant dix-huit mois en Centre-Annam, dans des postes situés en campagne (entre Hué et Tourane),
« dans le cadre de la pacification ». Ces forts se dressaient à la fois près des villages et des rizières, à l'orée d'une épaisse brousse avec de multiples accrochages avec les Viêts,
de jour comme de nuit ; chaque après-midi, les marchés des gros villages étaient étroitement surveillés ; d'ailleurs, ils servaient généralement au ravitaillement des troupes
du secteur, en particulier pour le riz, les poissons et les fruits tropicaux.
L'accueil de la population était chaleureux, allant parfois jusqu'à « une certaine fraternité » ; des dînersétaient quelquefois organisés avec les maires des villages
(par exemple pour le 14 juillet) .
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeDim 11 Aoû - 12:40

En 1950-1951, le lieutenant Norbert Delpon, commandant de compagnie (environ 100 hommes) en Centre-Annam (entre Hué et Quang Tri) était « en fait un administrateur civil
et militaire, à part entière dans le cadre d'un quartier ». (L'équivalent d'un canton). La plaine annamitique était « très contrôlée par des postes », les rebelles étant peu à peu
« rejetés vers les montagnes par les progrès de la pacification ».
Les postes étaient « seulement harcelés » de nuit où les embuscades étaient systématiques des deux côtés. Les accrochages avec l'ennemi retranché dans la Cordillère annamitique étaient « rapidement dominés » : deux pièces d'artillerie appuyaient une patrouille engagée dans un secteur  difficile ;
des patrouilles aériennes de deux avions pouvaient intervenir, en utilisant éventuellement le napalm .

Le sergent Guy de Chaumont-Guitry a séjourné deux ans (1947-1948) en Cochinchine, d'abord, en assurant des missions d'inspection de postes
(à bord d'un scout-car américain) tous les jours dans un rayon d'une centaine de kilomètres, ensuite en occupant plusieurs postes successifs, avant de disparaître
dans la tourmente indochinoise. Il a laissé de nombreuses lettres, publiées en 1951. Cette correspondance est très rarement citée par les historiens,
et encore moins utilisée dans les ouvrages sur la guerre d'Indochine. Et pourtant, ces écrits témoignent d'une étonnante lucidité vis-à-vis des hommes politiques
et des chefs militaires. Il exprime des jugements sévères sur les faiblesses et les tares de l'administration et de l'armée, sans méconnaître les qualités de l'adversaire
et la justice relative de sa cause. Nous allons essayer de faire une synthèse de ses réflexions sur deux ans de pacification en Cochinchine.

« La vraie guerre » c'était toujours dans la brousse, à travers les rizières inondées, sur les diguettes boueuses, dans les fourrés touffus, en équilibre sur les ponts de singes,
scrutant les arroyos, ou se déplaçant en sampans. Les villages étaient presque toujours déserts, à part quelques enfants et quelques vieilles ;
les Viêts contraignaient les habitants à fuir à l'approche des troupes françaises. A notre passage, c'est partout le vide, le désert : personne dans les champs,
personne dans les maisons, mais tout était cultivé et propre. On montait de grandes opérations, en mobilisant deux ou trois bataillons, en encerclant un immense secteur,
en marchant toute la journée pour prendre en fin de compte quatre ou cinq rebelles, récupérer quelques armes et documents, alors que de source indiscutable,
il y avait de trois à quatre cents rebelles dans la région. « La grosse patte du lion était tombée à côté et le moustique s'était envolé, simplement parce qu'il était renseigné ».

Les bandes rebelles s'étaient enfuies par les failles, car il était impossible de faire l'encerclement au coude à coude.
« Nous luttons avec une armée régulière et des méthodes européennes contre des bandes qui emploient des méthodes de guérilla » (lettre du 10 septembre 1948)…
« On ne s'est pas adapté à la guerre de ce pays ; on n'a pas compris que pour neutraliser les grandes bandes, il fallait supprimer l'infrastructure administrative,
ce qui n'est possible qu'avec la collaboration d'anciens Viêts  qui restent sur place » (lettre du 26 août 1948).
« Depuis 1945, la situation ne fait qu'empirer : ou bien le mouvement est irrésistible (et il ne nous reste qu'à partir), ou bien la méthode est mauvaise » (lettre du 20 août 1948).

L'insécurité s'installait dans la région : « Dans les faubourgs de Saïgon, on n'est pas en sûreté. Autour des postes, la zone de sécurité s'étend peut-être à cent mètres.
Ici les notables n'osent jamais s'aventurer à cent cinquante mètres du poste sans être plusieurs et en armes.
En plein jour, les Viêts sont à deux cents mètres du poste » (lettre du 3 mai 1948)…


« Nous sommes sur une défensive perpétuelle et rien de plus. Ce n'est pas comme cela qu'on pacifie » (lettre du 27 juin 1947)…

« La solution me parait absolument sans issue au point de vue militaire. Nous tenons les villes et une nuée de petits postes ; nous défendons tant bien que mal nos axes
de communication, et il nous sera impossible d'obtenir d'autres résultats. Nous tenons sans plus. Et l'armée ne peut faire que cela, en attendant une solution diplomatique »
(lettre du 4 octobre 1947).

Peu à peu la lassitude se faisait jour parmi les combattants. « Il y a des heures où nous sommes si découragés que nous avons envie de tout abandonner.
Les postes toujours attaqués, les routes toujours coupées, les convois que l'on doit obligatoirement escorter, les attentats contre les isolés,
les coups de feu dans toutes les directions chaque soir, et comme encouragement, l'indifférence de la France. » (Lettre du 17 juin 1947)

Poste avec un Mortier de 120mm

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_m10


Comme certains officiers français, notre sergent, qui connaissait son histoire, essayait de tirer profit des leçons de la guerre de conquête en suivant
« les principes de pacification et d'organisation » de Gallieni et de Lyautey. Le 5 avril 1948, il s'installait à Ba-Queo, un poste sur la Route Coloniale n°1, à la sortie des faubourgs
de Saïgon. Peu à peu, il nettoyait le secteur hameau par hameau ; à ce moment, « les agents de recherche » se transformaient en groupe d'auto-défense ;
la population était recensée ; les Viêts perdaient du terrain ; ils perdaient la confiance des habitants ; les notables étaient rétablis et le hameau était pacifié.
Le poste pouvait continuer son action plus loin, à condition de bien tenir en main le secteur pacifié, afin d'éviter le retour des rebelles .

Mais toute cette action ne pouvait aboutir qu' « avec du temps », ce qui n'était guère possible avec le système de relève fréquente des unités (parfois tous les quatre ou cinq mois)
qui s'accompagnait d'une longue période de flottement, mise à profit par l'adversaire . Trop souvent, tout reposait sur l'initiative personnelle du chef de poste.
A un jeune chef imaginatif et entreprenant, le poste ouvrait de multiples perspectives, car, il était parfois le seul représentant de l'autorité sur un territoire immense,
où il pouvait acquérir une importance considérable. Malheureusement, dans leurs témoignages, de nombreux chefs de poste déploraient leur solitude, leur manque de moyens
et l'incompréhension de leur hiérarchie.
Le poste devenait souvent  un petit camp retranché, dont la garnison se bornait à assurer les ouvertures de routes pour la journée, ce qui renforçait l'emprise du Vietminh
sur les populations environnantes. Enfin, maints chefs de poste vivaient dans « la peur » d'être trahis, d'être assassinés dans leur sommeil, ou d'être submergés
par des vagues hurlantes nocturnes.
« Il y avait comme un aspect médiéval dans ce conflit qui a hérissé le pays de tours et de postes à donjon, dans cette guerre éclatée en mille petites guerres,
que chacun menait à sa façon loin des bureaux de Saïgon, où tout seigneur civil ou militaire, vietnamien ou français, levait des supplétifs qu'il payait comme il pouvait,
où l'armée fonctionnait  par l'allégeance personnelle à des officiers amateurs de panache »
(Jacques Dalloz,« La guerre d'Indochine, 1945-1954 », op. cit., p. 148).

Tourelle de char Churchill sur bunker de la ligne de Lattre

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_l12

Le bunker existe toujours aujourd hui

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_l14

LA GUERRE D'INDOCHINE Indo_l13


source
lauragais-patrimoine.fr




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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeLun 12 Aoû - 10:43

Pas d'un char "Churchill", mais d'un Cromwell"...
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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeLun 12 Aoû - 14:20

Exact Wink


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MessageSujet: Re: LA GUERRE D'INDOCHINE   LA GUERRE D'INDOCHINE Icon_minitimeMar 13 Aoû - 10:17

Le fort, avec ses lignes cassées, on dirait un ouvrage à la Vauban... Shocked
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